mardi 31 janvier 2012

ETHIOPIE 1. Voyage en boucle



Le lion d'Abyssinie

Décembre 2011, Addis Abeba : la capitale en pleine expansion économique, (PIB + 9%) était envahie par un congrès international sur le sida : fin des idées reçues sur la misère extrême.
 Fanuaile, le guide charmant d’un petit groupe de voyageurs qui le furent moins, présenta le circuit –à rebours des guides papiers et à contresens de l’histoire- vers les villes royales du nord : Gondar, Axoum et Lalibela. Harar et Rimbaud n’étaient pas au programme, pas plus que la vallée du Rift.



La complexité des périodes historiques et le déplacement des centres du pouvoir  depuis la mythique Abyssinie de la reine de Saba ou de Prêtre Jean  rend perplexe. Addis est la dernière capitale, fondée à la fin du XIXè par l'empereur Menelik 2. Dans ce pays de montagnes, protégé par sa géographie, la circulation reste difficile, le réseau routier moderne, réalisé en partie par les chinois qui ont aussi acheté les terres cultivables, en témoigne encore.




Si l’Ethiopie a pu un temps contrôler le commerce vers l’Arabie et le Moyen-orient par la mer Rouge, les conflits religieux puis politiques l’ont isolée et d’une certaine façon, la prédominance chrétienne en fait encore un bastion presque neutre au centre des crises du Soudan ou de la Somalie. La présence américaine (le bâtiment de l’ambassade US à Addis comme preuve) concourt à la sécurisation.
Le pays fut occupé par les Italiens, de 1935 à 1941, avant que soit proclamée la souveraineté de l’Ethiopie; la carte du restaurant en témoigne…




Lequel restaurant vendait des peintures de tous styles, dont l’une illustre le grand pèlerinage de la fête de Timkat. Persistance des traditions religieuses et vestimentaires.



Sélassié, le terme désigne la Trinité dans la religion copte monophysite, séparée des orthodoxes. Le chef de l’église, l’Abuna, est désigné par les coptes d’Alexandrie. L’architecture de la cathédrale de la Sainte trinité, édifiée sous Hailé Sélassié, le Ras Tafari, Négus de 1926 à 1974, présente une architecture de béton surprenante:







des sculptures monumentales sur corniches post-baroques.
Le tombeau de l'empereur y est édifié.













décoration intérieure aussi composite : fresques italianisantes d’un artiste local, trônes à l’anglaise, iconostase orthodoxe et vitraux... 



L'église sur plan circulaire en contrebas, Mekane Selassié, heure des « vêpres » du dimanche 



 les fidèles restent à l’extérieur et un musée qui expose les trésors du Négus et des croix ouvragées  dont la forme varie selon les régions historiques.



















À l’aller, une visite express de la ville, ses avenues ponctuées d’obélisques et d’hôtels 4 étoiles ; depuis les collines d’Entoto, altitude 3200m  superbe vue sur la ville un peu polluée. 


Au retour, la visite du Musée Ethnologique dans l’ancien palais de l’empereur transformé en Université : 


interdit de photo, cependant dans l’entrée un obus très "pop art" pris aux Italiens. À l’intérieur des trésors  de manuscrits et objets traditionnels.










Le grand marché en revanche ressemble à ceux des capitales africaines.


Et comme le plat traditionnel est l’injéra, galette à base de tef, la céréale endémique, un repas-spectacle pour touristes nous permis d’en apprécier une dernière fois les effets épicés.













La fabrication de cette galette dans le four traditionnel fut un arrêt image ailleurs.











Deuxième étape du circuit, un vol pour Bahar Dar au bord du lac Tana. La ville en totale accélération économique comporte encore un grand marché très africain  qui propose les variétés de céréales dont on découvre qu’elles sont suffisantes pour l’alimentation locale et l’exportation. Les fagots de qat  à destination du Yemen et de la consommation locale s'entassent partout.











Dans des boutiques obscures les femmes transforment les piments et les épices en poudre aromatique, le berbéré.

















Et des échoppes plus « récupératrices ».


 à l'instar des véhicules.





le pont portugais
La ballade vers les chutes du Nil bleu et ses sources improbables fut escortée par des jeunes locaux,




 et ponctuée de petits marchands de châles traditionnels ; sur les bords du lac, des monuments fort prétentieux et l’invisible propriété de feu l’empereur .






Châles traditionnels

















Sur le lac Tana, les pêcheurs sur des pirogues en papyrus proposent des perches du Nil et des tilapias. Délicieux grillés. 











Dans un village, toujours repoussé vers l’intérieur, la démonstration de la fabrication des pirogues,







et le constat que le développement économique fait aussi des exclus du système.




 à suivre...


vendredi 20 janvier 2012

LE PAYS DOGON. Mali 5.





Entre le plateau et la plaine, la falaise, la grande fascination :  les habitants de la falaise furent peut-être des tellems, qui se sont très sûrement préservés des attaques des ethnies de la plaine, ils sont encore animistes

 (un village avait muré la mosquée qui leur était imposée) mais ne sont pas à l’abri des nouveaux envahisseurs.



 Il ne faut pas rêver, l’islam progresse comme la modernité et les sorties de masques font surtout le bonheur des touristes.



Musée de Bamako
Cimier de masque
Depuis Marcel Griaule, lire « Le renard pâle », et l’expédition Dakar Djibouti, en 1931, où Michel Leiris, dans l’Afrique fantôme, raconte comment  ils ont prélevé les objets rituels pour le profit actuel du Quai Branly, les Dogons continuent de ranimer leurs mythes. Les funérailles de Jean Rouch furent peut-être un dernier cérémonial. Le musée de Bamako possède aussi ses collections.








Pour fournir la demande, les artisans fabriquent des masques, de nouvelles portes, serrures, et autres échelles et des togounas aux piliers sculptés.











Le site est incomparable, et après quatre voyages, la falaise reste un étonnement ; les avatars politiques récents ont contribué à retirer le Mali du marché touristique, mais quand on connaît  le mode de vie, l’aridité du plateau, la culture de l’oignon ne risque pas de leur suffire.



Ogol




Le petit tour de Sangha à Banani en 96 n’était qu’un avant-goût. Permettant de voir les maisons déjà connues par les photos,

le grand escalier et les greniers dans les villages accrochés à la muraille.




À l’hôtel de la femme dogon, un vieux en tenue traditionnelle et coiffé du bonnet dit phrygien (?) buvait un liquide rouge étrange: du vin qui après enquête était fabriqué à Bamako, à partir de poudre. Un goût entre le beaujolais nouveau et la grenadine rehaussés d’un peu d’alcool.

Dogon en tenue au marché de Sangha
Au retour du marché de Sangha dans un « 504-Pigeot-adieu-la-france » au plancher crevé, CO2 en direct et des pneus au caoutchouc décollé, il fallut s’arrêter pour que le chauffeur reforge, entre deux cailloux, les boulons d’une roue qui avait sauté dans le fossé. 36 kms, 5 heures, même les piétons nous ont doublé.


À Bandiagara, la terrasse de la maison de Rennes, très frustre à l’époque, qui accueillait les associations dont Les Pélicans (médecins et sages-femmes) en tournée régulière, était un poste d’observation idéal.



Le cuisinier Paul était un pro du  «poulet bicyclette ».























"Ca va Madame Gauloise?"



































Les gamins plaisantent quand les mères travaillent.




Songho
À Songho, sur la route, les mômes avaient réinventé le vélo.




















En 98, en  solo, venant du Burkina, j’entrepris une « ballade » (épuisante) à partir de Bankass dans la plaine. Ce soir-là avait lieu le concours annuel de lutte entre les « guerriers » de tous les villages, pour désigner le plus fort. Une série de règles assez floues dans une nuit très noire mais musicale. Le patron du campement me trouva un guide pour cinq jours et une somme dérisoire.
Pour commencer, 15 km de marche dans le sable, la falaise semble reculer à chaque pas. 

Telly
Enfin Telly, son chef de village égorgea et cuit le poulet d’accueil, sieste à l’abri d’une « néo-toguna ».



Puis une autre tirée de sentier sableux pour l’étape du soir  à Endé; sommeil impossible sur le sol à coté d’un âne qui brait sans cesse et autres chèvres. Le lendemain ascension de la falaise pour atteindre Benimatou, village perché au ras du gouffre, dont la particularité du campement tenu par un chrétien était son plat de cochon grillé - seul à l’époque. Une concession voisine faisait son tour de bière de mil, le guide optimiste m’en ramena un bidon de 5 litres (lequel bidon  servit sans doute à de l’essence d’où le goût que commentait Nigel Barley, un anthropologue humoriste du voyage). De fait, seul le patron m’aida, il en est resté…



Idjely

Deux anglaises complètement cuites faisaient le trajet inverse pour une somme cinq fois plus importante, d’où un échange de guides pour des raisons d’urgences érotiques du mien, frustré de n’avoir pu me faire « monter sur la terrasse pour voir la lune » (sic). Échange du sac de victuailles : une boîte de nescafé, des spaghettis, du concentré et l’indispensable Maggi, qui épargnent au toubab l’épreuve du tau sauce baobab.


"Manhattan"

 À l’étape suivante dans les dédales de « Manhattan », un arrêt à Dourou, où les habitants rentraient le mil.





Les échelles et les éboulis pour arriver à Nombori, dont la nuit résonnait des chants d’une église baptiste. La mosquée en contrebas était inutilisée.









Visite de cases et des habitats dans la caverne de la Ginna



(un couple de 85 et 105 ans y survivait, le mari gisait au sol mais pouvait encore tendre la main : les vrais anciens dont le petit fils de 70 ans était le chef du village : le Hogon.




De l’avantage d’être une « vieille femme » pour pénétrer les lieux sacrés en partageant des petits cigares avec les anciens.



Ascensions et descensions sportives pour visiter les villages environnants ; Idjely Do et Idjely Na ; puis retour à Dourou et Bandiagara, pour rejoindre Mopti  en « bâché ». (voir chapitre AKA).



Il fallait absolument revenir...