vendredi 20 octobre 2017

VENISE : Les migrants de l'art


Charles Bhebe, Zimbabwe.

 Ville monde d’une géopolitique lointaine, de Marco Polo à Corto Maltese, Venise inspire encore ces Carnets de voyages, sans frontières.
La représentation d’artistes issus de pays qui font l’actualité politique suscite ce deuxième épisode d’une tournée dans la Biennale, bien que très peu de «vrais» migrants n’aient été visibles dans les ruelles de la Serenissime, (une police vigilante épargne le touriste, migrant rentable). « Viva arte, viva». 

La cité fut, à l’origine, peuplée par des migrants des iles voisines, chassés par les moustiques ou par des populations du nord fuyant les invasions au VIIIè siècle. 
Depuis plusieurs années, c'est toute l'Italie par la mer. 
En 1895, la Biennale s’est construite avec l’apport des grandes nations. 
Depuis, le champ de l’art contemporain s’est mondialisé (par la finance surtout)…  

Hew Locke : Boats, from the series "On the thetys sea", 2017; Pavillon DIASPORA.
Ethno-artistique

La sélection officielle des curateurs de pays disposant de pavillons depuis des décennies, ou de fractions de zones dans l’Arsenale, expose, selon le thème général, quelques artistes engagés dans un courant ethnographique, et quelquefois connus de longue date, à moins qu’on ne ranime quelques oubliés et des moyens peu "tendance"
Maria Lai : (1919-2013) : Un monde en réseau. Couture sur toile.













Kananginak Pootoogook:  (1952-2010) les modes de vie des Inuks du nord canada, et leur contrôle par la police.


Abdullah Al Saadi : "Diaries"

Les écrits en boites de conserve de Abdullah Al Saadi, (Emirats Arabes Unis).












La vidéo en particulier rencontre le documentaire.

Marie Voignier. Les immobiles.


Marie Voignier:
les Immobiles ( filmage de documents sur les safaris); 
à lire de cette artiste un article sur sa visite de la Corée du Nord: « Dans l’oeil du touriste » , in les  «Carnets du BAL »,  n°07 : Usages géopolitiques  des images. Janvier 2017.




Marcos  Avila  Forero. :The Atrato



Marcos Avila Forero, (Bogota -Paris), 
The atrato : rituels sur la rivière  frontière colombienne,   «drumming» de communication traditionnelle entre deux cultures, et sans instruments.  





Pratiques et cultures.

Quand l’oeuvre ou l’image ne témoigne pas d’une approche ethnographique évidente, les cartels donnent une info biographique : nom, âge, lieu de naissance et lieu de résidence des artistes. 

Thu Van Tran.




Thu Van Tran: née au Vietnam, vit à Paris.

« In the fall, in the rise » :
sur l’importance économique du caoutchouc dans l’histoire coloniale et l’impact sur la nature.
L’artiste est actuellement à la Fiac, donc totalement intégrée au marché.




Lei Mingwei. "When beauty visits"
Lei Mingwei: "The Mending project"













Le visiteur navigue entre le courant  « participatif »:
ravaudage collectif de vieux vêtements. 
Le visiteur peut (doit)? participer; la cérémonie du thé (sans thé):  Lei Mingwei  (née à Taiwan - vit a NY et Paris) 

David Medalla : (Manille/Londres) :" A stich in time", work in "progress" depuis 1968.


L’ ethno-touristique musical et décoratif : Azerbaïdjan.



un Chamanisme néo  (et peu passionnant) de Ernesto Neto (Brésil), 
les mannequins maoris  de Francis Upritchard : nw-zeland/londres: 


Ernesto Neto.




Francis Uprichard.

















Enrique Ramirez. Video, 32mn.






on ne rêve vraiment que devant
Le récit mytho-poétique sublime de Enrique Ramirez (Chili-Paris): «l’homme qui marche ».



On repère la polarisation des capitales de formation ou de refuge : Londres ou New York pour l’Afrique et les pays anglophones d’Asie ; Berlin pour le moyen orient, et plus rarement Paris, selon une géographie d’un colonialisme déjà lointain et des plateformes du marché de l’art. 




Une artiste indienne :  Rina Banerjee (Née à Calcutta, vit à NY): assemblages  très esthétiques de fragments de la culture de l’Inde,  accompagnés de cartels interminables qui résument le destin de l'émigré: « Quand les signes de l’origine s’effacent… » ( bon courage pour la traduction)


Une post-Histoire coloniale:

Néanmoins, une histoire du colonialisme tend à se multiplier, comme dette, mode de la repentance ou simple citation valant pour carte d’identité? 





Nouvelle Zélande : Les voyages pacifiques (!) de Cook, 1769.
Lisa Rehana, 2015-17, dispositif video, panoramique, 32mn.  De quelques massacres../

Dimension politique contemporaine: Afrique

Dans les Palais de la cité, ce sont des fondations privées qui assurent la visibilité et le soutien aux artistes de pays, jusque là assez inexistants dans le domaine de l’art, mais très sensibles dans l’actualité politique.  
« Diaspora »
 Une exposition de l’ Art council england et de l’université des arts de Londres:    au Palazzo Pisani S.Maria. réactive les restes du colonialisme.
Barbara Walker: "Transcended"
Autant d’artistes britanniques d’ascendance africaine, de la deuxième génération.  Barbara WalkerTranscended.


Des artistes déjà vus dans différentes expos des années 90, ou dans l’ouvrage « L’art contemporain africain », Thames & Huston, 2000: 
la sculpture de  Sokari Douglas Camp:  


« Le monde est maintenant plus  riche ».
de fait les tôles rouillées dans les années 80 (selon ma mémoire) sont remplacées par de l’aluminium neuf. L’oeuvre se réfère à l'évolution de l’esclavage.

Sokari Douglas Camp: "Le monde est maintenant plus riche"





















« The british Library »: Yinka Shonibare:




une bibliothèque d’ouvrages occultés par les wax (son matériau de prédilection) fabriqués en Hollande et qui inondent encore l’Afrique  subsaharienne.









Parmi d'autres oeuvres, 
Des moyens de migration: Hew Locke : Boats, from The Thetys sea. (voir plus haut) ou des collections de fétiches agglomérés à du kitch contemporain. 
Zimbabwe :  
Un ensemble d'artistes vivants dans leur pays: une peinture politique au premier degré,

Charles Bhebe.




















Dana Whabira: "Suspended in animation"
















comme la sculpture de Sylvester Mubayi: Victimes de guerre inter ethniques
S. Mubayi. 















et des plus jeunes pour des installations, ici sur l'invisibilité des travailleurs émigrés dans les usines  textiles. (portes manteaux).




Cote d’ivoire


« The juices of time »

les oeuvres rappellent la guerre civile, des années récentes, celle des voisins:
Enfant soldat de Ouatarra  Watts (vit à NY), l'actualité des migrations. 





  


installations: pirogue fracassée et ses noyés de  James Koko Bi.
Un trône précaire.












et  des dispositifs peinture/installation, issus de la tradition sociologique des  années 70 :  Joachim K Silué. ((travaille en Italie).
titre moralisants : "In little mind, little vision".

Joachim Silué.


De l’Amérique à l’Asie:
Roberto Diago: "Burnt City"


Cuba :  «  tiempo de la intuition » 
dans le Palazzo Loredan.
Outre la Chrysler volante et la bibliothèque revisitée par  Jose Eduardo Yaque, 
l’autodafé de R Diago, et quelques collections de Statues religieuses. 


 









Abel Barroso illustre l’état bien connu du réseau internet qui interdit les communications avec l’extérieur. 


Abel Barroso.

Chili :    Bernardo Oyarzun
Chili. B Ozayun.


sur piques,  les têtes des 6906 indiens mapuches que le gouvernement tente d’éliminer.












Pérou

 Juan Jose Salazar :  « le pays de demain », promesse indéfiniment reportée.

Bosnie - Herzégovine : mémoire de quelques massacres :
dans une installation video  de pièces très "Abakanovicz". l'intégralité des oeuvres du pavillon était du même tragique...

Radenko Milan : extrait d'une vidéo. 

Turquie;
     « Il n’a pas pas de manque de sécurité »

« Objection »  installations de Ekin Onat et Michal Cole, Pavillon de l’Humanité, Campo san Vital; binôme improbable de jeunes femmes, l’une israélienne l’autre turque. Le pavillon est soutenu par une université londonienne; les artistes sont aussi visibles à New York.. 
une enseigne au néon: Reprise d’une déclaration et des mesures prises par Erdogan. 
et détournée dans un environnement de mobilier revêtu de tenues militaires.

Onat et Cole.
Dénonciation d’un environnement phallocrate, tout dans la cravate. Avec humour.

Dans l’Arsenale



en étage une oeuvre de l’artiste turc Cevdet ErekÇIN .
Une construction à parcourir : sensation de stade ou théâtre carcéral.
on mesure le bruit de ses propres pas dans la pénombre. ( angoissant souvenir de Mona Hatoum).

Cevet Erek : CIN, 2017.
 Iran  : Bizhan Baziri : « La réserve d’or d’une pensée magmatique ».

Bizan Baziri.



La cohorte de silhouettes noires sur une plateforme de poudre de marbre a t’elle une valeur critique ???  soutien ou dénonciation des ayatollahs, énigme. Pléthore de moyens techniques, le personnage est aussi «Dalinien » que le cartel.





Irak :  
Une production de la Fondation Ruya, non gouvernementale, pour la culture et l’échange.





Un principe de vitrines dans la bibliothèque du palais Cavalli Franchetti : 

des objets archéologiques récupérés après les pillages. 

Un Retour sur le second degré de l’interdit de l’image: dans les débuts d’une école d’art:  Coq et poule à la manière de Picasso.  





et essentiellement des témoignages d’artistes anciennement emprisonnés,    textes idéologiques, enregistrés en vidéo.
Tentatives de dialogues entre confessions,  Et sur l’état de guerre,








Huile /toile. 





Des travaux de Francis Alys qui séjourna plusieurs mois à Bagdad et à Mossoul: en 2016: 










monochromes à partir de négatifs sur toile grossière; 

une vidéo très ironique du rôle de l’artiste face à la machine de guerre.



Alys, Mossoul. image issue de la vidéo.
Mongolie : Lost in Tingri =(heaven).  

 Témoignage du désastre écologique, de la famine et la tentation de l’émigration:

        Munkhbolor Karma of eating. : crânes de tous animaux morts dans la steppe.

Chimedorj Shagdarjav :: « I’m Bird ». 

 Défilé de grues,  autres "cranes", symbole de prospérité et de jeunesse éternelle en asie lors des migrations naturelles,  et leur conversion en période d’expansion de la Chine sur des routes de la Soie, (et de partout, dans le domaine de l’art c’est gagné depuis plusieurs années). 

  Chimeddorj :  "I'm Bird", 60 "Grues"
Si d’aventure vous vous réfugier dans une église pour un peu d’optimisme salvateur, après ce tour du monde, vous risquez Zek plus tragique et sans humour ou ironie, non que Tintoret le fût...  mais Noir surement.
Macte animo, amis de l’art contemporain. Dans deux ans, peut-être.