samedi 22 juillet 2017

ROME: série noire.


" Guilloches Cosmatesques"

On peut visiter Rome, avec un plan, un manuel d’histoire de l’art ou un roman policier. 
  Après la cinéphilie, et les illusions perspectives, (mai 2016), un nouveau tour façon polar macabre, il suffit de creuser pour retrouver des ruines, une stratification d’énigmes historiques, et pas mal de cadavres.

Rome, c’est Byzance.

Constantin et la chrétienté.
Sainte Sabine: un modèle originel (sauf de décor de l'abside).
Depuis l’édit de Milan, promulgué par l’empereur Constantin en 313, de nombreuses basiliques chrétiennes avaient été fondées dans la Ville de Rome : 
Les premières basiliques, édifiées sur d’anciens sanctuaires dédiés au dieu solaire Mithra, originaire d’Asie mineure, souvent détruites puis reconstruites sur les fondements primitifs, conservent le plan basilical à trois nefs, séparées par des colonnes. 

Les reconstructions datent des XIIè ou XIIIè siècles, après le retour de la papauté à Rome, dans le style « paléo-chrétien ».
Dédiées soit à la Vierge, soit à des saints des débuts de l’église, de préférence martyrisés sous l’empire, autant que le récit hagiographique, elles inspirent le thriller horrifique et notre promenade thématique.

Architectures et décors

Santa Maria in Cosmedin.
Des sols de mosaïque  « cosmatesques », un opus sectile en noir et blanc à motifs d’entrelacs, « des guilloches », une création de la famille d’architectes  les Cosmati,  authentiques ou reconstitués caractérisent les églises.

San Prassede.


Les absides décorées de mosaïques à fond or, d’époque (XIIe) ou restaurées coexistent avec des plafonds baroques de la période de la contre-réforme.
Le ciborium, sorte de petite chapelle surplombe l’autel, encore protégé par une clôture de marbre, l’ambon.



De l’autre coté du fleuve, deux églises:

Santa Maria del Trastevere 
Dès le IIIè  siècle,  la supposée « première »  basilique (?) 
Couronnement de la Vierge  sur le modèle byzantin de Théodora, et 
tableaux représentant la vie de la Vierge  de Cavallli XIIIè.

Santa Maria in Trastevere
Santa Cecilia du Trastevere , Vè siècle. 
Construite à l’emplacement de la maison de Sainte Cecile, martyre dont on retrouva le corps miraculeusement intact.
La sainte figure sur la mosaïque (IXè) de l’abside avec Sainte Agathe et le pape Pascal Ier  (de son vivant signalé par une auréole carrée). Un Ciborium géant d’Arnolfo di Cambio surmonte l’autel .


Santa Cecilia.
Sur les collines qui dominent la zone du Forum et le Colisée:
Saint Jean de Latran : 
édifiée à l'origine entre 314 et 318 par Constantin . Une "première".



















Bartolomeo, et sa peau.


Le « ciborium » monumental gothique occupe la croisée du transept, contient les crânes de Pierre et Paul. 
Cachant la mosaïque de l'abside 
( tardive mais à la manière de).



Anticipation.
















La reconstruction fut confiée à Borromini, les piliers creusés de niches abritent des sculptures baroques: Jean l’évangéliste n’a pas connu les lunettes.  Bartolomeo, tient sa peau et le couteau du dépeçage. Trop blanc !
en revanche les marbriers ont anticipé le test de Rorschach.




Santi Quatro Coronati  :  
Petite basilique du IVè à l’origine; reconstruit au XIIè, pavement du XIIIè, célèbre le martyre de 4 soldats romains qui refusèrent d’honorer le dieu Esculape.

Un cloitre charmant contient des fragments antiques et la chapelle de Saint Sylvestre  est décorée de peintures à l’imitation de mosaïques byzantines, datant de 1246:
L’histoire de Constantin, lépreux, guéri par le baptême offre son trône et son cheval à Sylvestre, lequel réalise quelques miracles.
puis Helene, mère de Constantin  désigne le lieu de la Vraie Croix.  Motif plus connu dans la peinture du Quattrocento. 



Chapelle San Sylvestro.
Constantin atteint de la lèpre, un scoop ?

Guérison par le Baptème.
"Hélène découvre la Vraie Croix". 
San Clemente  


San Clemente
Basilique du IVè  construite sur un sanctuaire de Mythra : les ruines de deux états primitifs sont visitables dans les soubassements; l’édifice du XIIè conserve une mosaïque dans l’abside: le triomphe de la croix. Bel exemple de pavement cosmatesque  dans la nef, précédée par un un atrium qui remplace un cloître. 



De cette période paléo-chrétienne on peut ajouter: Santa Maria in Cosmedin

Santa Sabina, sur l’Aventin, San  Prassede, IXe, où figure Pascal 1er avec sa  mère.
tous canonisés et déjà en gloire sur les mosaïques.


Sur La piste des martyrs:

Saint Clement (sans son noyé de la plage d'Ostie).

La littérature policière s’est déjà emparée des énigmes du Vatican, les historiens d’art des aventures héroïques du Caravage (tendance bas-fonds), les guides touristiques privilégiant un parcours des églises qui contiennent ses oeuvres:

Le roman de David Hewson, découvert par hasard :  Une saison pour les morts, condense les trois options et plus:
Un policier érudit, passionné par la peinture du Caravage, une héroïne spécialiste de théologie, un serial killer  et quelques autres intrications avec les turpitudes plus récentes de la banque Vaticane et la référence obligée à Pasolini. 

Le récit actualise la vie (et la mort) de martyrs sortis de La Légende Dorée et autres évangiles apocryphes; 
en parcourant le polar on retrace quelques itinéraires dans le sud est de Rome sur les collines du Célio, de l’Aventin et du coté du Trastevere (Sainte Cécile, Saint Clément), et dans les environs du Panthéon.




Chaque meurtre est mis en scène dans l’église concordante au rituel antique.
Si le tueur s’est inspiré de l’esprit des peintures de San Stefano Rotundo, il lui a manqué quelques victimes pour garnir l’édifice.
San  Stefano Rotundo .

Eglise circulaire à double couronne de colonnes: la rangée extérieur fut engagée dans un mur tardif au VIè siècle.
la coupole est étayée par deux arcs qui surplombent l’ambon -enclos contenant l’autel.

Dédiée à Saint Felicien et saint Primus. et non loin du Colisée.





Entre chaque colonne, des fresques du XVIè  destinées à l’édification de jeunes missionnaires jésuites: un aperçu de « ce qui risque de vous arriver dans votre travail d’évangélisation des populations lointaines ». 






































Une quarantaine de panneaux  assez terrifiants, quoique pâlichons, d'illustres inconnus sur fond de paysages.



Le modèle romain de
quelques lions pervers dans l’arène s’augmente d’une collection d’inventions barbares assez inédites, du pressoir au four.


Martyr de Bartolomeo.









En relisant le bouquin - ciel- , on a raté San Bartolomeo écorché sur l’ile Tibérine, mais pas sa statue monumentale à St Jean du Latran, ou encore une peinture de la Pinacothèque du Vatican.
San Lorenzo in Lucina, pourtant grillé au barbecue, et San Agostino, (qui contient une Madone du Caravage). 




Sur la piste du Caravage

Martyr de Saint-Matthieu.
Tendance architecture baroque, on parcourt le nord-ouest entre Navone et Popolo, pour quelques martyres de plus… Un réalisme qui vaut pour une illustration. 
Le fameux polar se termine à Saint Louis des Français.  Cependant que le cardinal s’échappe du Vatican -sans emporter sa copie  du « Martyr de Saint-Matthieu ».


Après une telle débauche sanglante, le devoir du pèlerinage conduit au Vatican, coté Musées. 
Le cauchemar tient cette fois à la foule, qui déferle dans les salles au pas de charge sous le drapeau de guides polyglottes, où l’on retrouve le Constantin des Stanze de Raphael.

Et la station debout, dans la Sixtine,  serrés comme des sardines sous l’oeil de gardes hurlant « silencio »…



Moins de 10 minutes chrono (photos interdites-la preuve, d'où des cadrages aléatoires). 

 La Mise au tombeau
Les couleurs incroyablement pimpantes, voire flashy n’ont qu’un lointain rapport avec l’état «d’avant», que l’on trouve encore dans les histoires de l’art, et dans la reconstitution années 65 du film de David Lean, L’extase et l’agonie, où Charlton Heston incarne un Michel Ange dégoulinant sous la voute aux couleurs de la pourpre papale. Rouge sang, carmin ou lie de vin au choix.
Au passage, le « Caravaggio » de  Derek Jarman mérite la relecture.
Il ne restait qu’à trouver le dernier Caravage dans la Pinacothèque, fraiche, silencieuse, déserte ou presque, 
puis rentrer sur les rotules, chez l’ami Francesco dans son hôtel de charme. Proche des thermes de Caracalla, lequel fut assez dément et inventif, pour les martyrs chrétiens.   



mercredi 19 juillet 2017

PÉROU: BAROQUE ANDIN.


La Compania à Arequipa: saturation décorative florale..

D’Arequipa, sur l’altiplano, à Cuzco dans la vallée sacrée, l’architecture religieuse et les décors témoignent de l’activité d’artistes et artisans indiens formés après la colonisation: des églises de villages, d’une échelle plus humaine et surtout des couleurs « fleuries » et tropicales.

Fronton d'un Palais devenu Banque. 
MÉTISSAGES.



Arequipa
Dans une ville « blanche » -une structure urbaine identique à Lima, la cathédrale, les palais aux frontons historiés, les couvents, et l’église de la Compania:  la réinvention du décor.






La chapelle de San Ignacio, dans l’église de la Compania ; Une « sixtine » (de plus), selon le guide.




Un plan carré, entièrement recouverte de décors peints: floraux en rinceaux,  pour les murs, 

Incrustation en relief.

et de bandes très «textiles » sur la coupole, peuplées d’angelots fessus et quelques vierges aux joues rouges. par contraste, les pendentifs: les évangélistes et les "tableaux" posés sur des consoles sont très académiques. 

Détail de la voûte.










Vierge de la Chandeleur.
Etalage de tissages dans le patio.













Une vierge  de la Chandeleur, d’un autre temps, importée de Tenerife , autre province, niche dans le couloir.









Cloitre revu patio commercial.





Les décors des piliers de la cour extérieure, transformée en boutiques,  démontrent une inspiration de la flore locale, agrémentée de figures solaires;
les artisans indiens ont accédé au pouvoir de l’image.






Santa Catalina


Le couvent des Dominicaines:
   







 
 



Tel une ville dans la ville, très tropicale et colorée, le couvent fut construit pour les filles riches de grandes familles espagnoles; des 400 religieuses du XVIIè, il ne reste qu’une vingtaine de nonnes, à l’écart de la visite guidée des cloîtres et cellules : 






une retraite confortable, à l’époque, deux pièces cuisine pour chaque soeur et sa servante, les services boulangerie et buanderie en commun.


Cuisine individuelle.
Lavoir en demi-jarres.







Les peintures « locales » des lunettes des cloitres sont d’un charme certain un peu naïf;







PEINTURES et Fresques:




certaines datent d’un XVIIIe siècle assez « sadien »: comment orienter la foi et le renoncement aux plaisirs, au profit d’un devenir « Vénérable », à l’instar de
Sor Ana de Los Angeles Monteguado y Leon, prieure en 1680, qui fut béatifiée par Jean-Paul II.
Santa Ana.  (austère).


La chapelle personnelle d'Ana





















Des salles transformées en musées, les peintures religieuses entre les Christ en croix, au jupon de dentelle et quelques « Immaculée conception», décalques des modèles de Velasquez ou Zurbaran, en plus modestes, une collection d’angelots sur nuages rigolos.























Quelques vitrines pour des statuettes et les Jesus de la Crèche, et dans un autre cloître , une représentation inédite du Jardin des Oliviers.


Baiser de Judas.

















Chivay. style populaire.
Les créations rurales.






Dans les petits villages de montagne le décor intérieur des églises aux façades modestes très simplifié joue sur les couleurs.
Chivay:   formule basique, anisée et blanc et rose.




Raqchi : dans une très petite église, la proximité des ruines incas a donné lieu à une imagerie de concurrence (copie récente) de la tradition des archanges armés en costumes de l’âge baroque, exemple de l'école de Cuzco.


























Archange à la corne d'abondance, au fond, église et lac de Chinchero.

« L’école de Cuzco »
Des peintres espagnols importés puis quelques moines formés à l’art ont transmis à des élèves indiens pendant deux siècles les techniques et l’iconographie propre à l’évangélisation des masses.  
Copies de maîtres et traitement plus populaire de motifs religieux voisinent dans les édifices/musées.

Saint Jacques, en conquistador.
Cheval aux naseaux écumants.











Crucifixion, Cuzco.



St Jerome, Cuzco




















CUZCO.

La sagrada Familia : facade. Modeste, fin XVIIè.

















La « Compania » des jésuites a pris soin d’émerveiller/terrifier pour convaincre, avec quelques programmes édifiants.
La Cathédrale est flanquée de deux sanctuaires édifiés plus tardivement mais  communicants :
















Le sanctuaire de Jesus Maria y José: la Sainte Famille, anachronisme politique.
Décor du fronton, très art populaire.

Le heurtoir de la porte offre un mixte d'angelot et de monstre , à lire comme casqué ou inversement en corolle de fleur exotique ou du maïs..?
La Compania, autel.

Eglise du Triomphe; Sainte Famille



et l’église du Triomphe : (photos interdites). 





Des travées de piliers assez larges pour supporter des peintures, 
autant de chapelles fermées par des grilles historiées. Comme à La Compania, 
des autels croulent sous des tonnes d’argent.

Vue sur place avec effet lumière malheureux.







et parmi une iconographie pléthorique,
deux images cultes de l'École de Cuzco 

La Cène  de Marco Zapata, et son « plat de résistance » pour historiens: ce n’est pas un « cuy » (le cochon d’inde que nous avions mangé) mais un «viscache», lièvre des pampas qui remplace le pain ou l’agneau.


De là a constater la morphologie d'un indien dans la figure de Judas...

Le miracle du « Señor de los Temblores » , un crucifix qui aurait épargné la ville lors du tremblement de terre de 1650.

  Un plan d'urbanisme régulier. La place vue des clochers ?



Le métissage « stylistique » trouve son équivalent dans quelques peintures: 
l’arrestation de l’inca, des chevaux assez écumants: Saint Jacques s’est transformé en guerrier de l’inquisition.

Le mariage de la dernière princesse inca avec un certain Martin de Loyola.




L’église de la Compania ( photos volées)  plus fastueuse encore : un retable somptueux rase le plafond de bois, de style mudéjar.



 Dans la Vallée Sacrée de l’Inca, partant de  Cuzco, afin de rassembler et «éduquer» les populations, dans les «réductions »  (apport garanti d’or et d’argent), les jésuites de la Compania ont commandité à des artistes locaux pour quelques temples ,

Facade et balcon de St Pierre Apôtre. XVIIè
modestes, pour la construction en adobe et bois, mais d’une richesse décorative incroyable.
 une merveille stupéfiante:




« la sixtine »  de  Andahuaylillas : 
L’église de Saint Pierre apôtre;
plafond  mujedar : charpente complexe entièrement peinte.


De grands tableaux occupent les murs de la nef; cependant qu’une frise continue à la base des murs contraste avec la richesse du retable de l’autel: l’or et l’argent ne manquaient pas. 

Vue de l'intérieur. Vers la porte.
Vers l'autel.
























Vers l'Enfer.


De part et d’autre du portail de l’entrée, des fresques de Luis de Riano, 1640:
La Voie de l’enfer et la Voie du Paradis.


















Des vertus et des vices, un dualisme radical.
Le Paradis s'inspire de la facade de l'église.
Les fresques plus décoratives ornent le bas des murs.  






(photos empruntées au CD fourni avec le ticket d’entrée, soyons honnête ).


Martyre de St Pierre  Grand format, au mur.

















Un baptistère aux fresques rafraichissantes tardives comporte un petit cabinet pour méditation sur la mort. 


À quelques kilomètres, le village de Huaro présente un contraste semblable. 


Nef saturée sous un plafond peint, un autel splendide et des scènes édifiantes : un jugement dernier,  quelques martyrs, et un couronnement de la Vierge.


Huaro:église San Juan Bautista. 
Un dernier plafond pour le plaisir des yeux:ciel sans nuages.