mardi 31 décembre 2013

La TURQUIE d'ALEXANDRE


Les invasions de Lycie ont commencé par la mer...

et de quelques autres conquérants...


Aphrodisias en Carie : porte d'Hadrien.

« En Lycie, sur les traces d ‘ Alexandre le Grand » ,



 telle était l’annonce du programme de voyage, au départ d’Antalya sur la côte méditerranéenne. Il faut y rajouter la Carie, un peu d’Ionie, des Seljoukides, des Ottomans, beaucoup de virages et des poivrons farcis ; cette fois encore, un manuel d’histoire était aussi nécessaire  qu’un guide. 



Première étape ; MYRA, ou Demre dans l’antiquité.


Eglise Saint-Nicolas : l'abside remontée au XIXè

Fresque VIè : Dormition de la Vierge
Dans la ville de Myra, les visiteurs  orthodoxes russes se pressent dans l’église de Saint Nicolas, un évêque du 3è siècle, auteur de quelques miracles, et, plus récemment  re-transformé en « Père Noël ».











Une construction de plan basilical qui fut après diverses destructions reprise au 19è à la demande de la tsarine de Russie, mais qui comporte encore quelques belles fresques de style byzantin : une Dormition de la Vierge et quelques apôtres, ainsi que des pavements du onzième siècle.



 On découvre donc cette stratification de cultures propre aux occupations successives des côtes de la Turquie actuelle.






À l’origine, Demre, l’une des cités de Lycie, une confédération active au VIIè siècle avant JC, conquise ensuite par les grecs, fut occupée par les romains.



 Dans l’état actuel des fouilles, seul le théâtre romain du second siècle, bien conservé, est adossé à la falaise que domine une forteresse.


Décors du théâtre







Les fragments des reliefs de la  frons scenae ornés de guirlandes et de masques parsèment le site.








De la civilisation lycienne, ne restent que les tombeaux rupestres, creusés à différents niveaux dans la falaise.


Tombeaux Lyciens, VIè IVè s avant JC

  Des façades en forme de temple ou de maison, dont les frontons peuvent être décorés de reliefs.  Portes et fenêtres  découpent les façades, une simple chambre funéraire s’enfonce dans le rocher, qui fut close par un bloc de pierre. 

Tombe "maison"


Mais l’ascension est rigoureusement interdite. Première déception.
Cette tradition dura trois siècles, l’évolution des décors en témoigne.

Tombeaux Lyciens à Dalian, l'ancienne Caunos

Les tombeaux qui surplombent la lagune de Dalian au bas de l’ancienne cité de Caunos, plus élaborés, ne sont pas plus accessibles. On les observe en naviguant vers la plage d’Iztutu, lieu de reproduction de tortues ;



sur la lagune



ce n’était pas la saison, mais les crabes qui servent d’appât sont un régal.



Le port englouti









Quelques kilomètres plus loin, sur le littoral de la baie d’Andriaké, lors d’une navigation vers l’ile de Kékova, on repère quelques fondations des villes englouties. On observe les amphores par le fonds de verre du bateau.


Sarcophages lyciens

 Les cataclysmes géologiques naturels se sont ajoutés aux destructions humaines.

Ce fut une cité antique...

 D’autres tombeaux lyciens, en forme de sarcophage, sont disséminés dans les collines, ou au ras de l’eau. 


Le village actuel de Kékova.
La visite des ruines de la forteresse de Simena, et son petit théâtre n’était hélas pas au programme, pas plus que les restes des autres cités Lyciennes de Xanthos, de l’antique Fethiye, et de leurs tombeaux.  Une Lycie décidément trop rapide et peu documentée.









Ephèse.

Principal site d’Ionie, sur la mer Egée, qui fut un port important avant que l’envasement  ne contraigne les habitants à déplacer la cité vers les collines.
 Le programme commence par la découverte  de la Basilique Saint-Jean, fortifiée et accolée à la citadelle byzantine et ottomane. 



Basilique Saint Jean: remontage partiel.

Construite sous le règne de l’empereur Justinien au VIè siècle sur le site d’une église antérieure et du supposé tombeau de l’apôtre Jean, la très vaste basilique où l’on trouve quelques mosaïques et chapiteaux, domine la plaine, les restes de l’Artemision, et la mosquée seljoukide de Isa Bey, édifiée en 1375.


La mosquée d'Isa Bey vue de la Basilique St Jean



La rue des Couretes



La promenade dans les rues de l’ancienne Ephèse, fondée par les grecs, dont l’importance commerciale se consolida au temps d’Alexandre le Grand , puis de la domination romaine, dévale entre les monuments votifs et les bâtiments de différentes périodes.
 ( on trouvera en archives, mars 2011,  les images d’une précédente visite d’Ephèse  et du musée fermé actuellement). 




Le temple d’Hadrien est en réfection, les fouilles des maisons continuent, la Bibliothèque de Celsius est toujours aussi splendide, le théâtre domine l’ancienne voie vers le port.


Une abside  qui ne donne que peu l'échelle
Plan du sanctuaire, Vè siècle















Le parcours se termine dans l’Eglise de Marie, une gigantesque construction du Vè siècle après J.C, période de l’Épiscopat d’Ephèse, connu aussi pour le Concile de 431 qui consacra la maternité divine de la Vierge Marie.



Pamukale: sous le soleil.





Tapis de soie: copie de miniatures persanes







En Carie, pas de visite de Hierapolis, ni de Laodicée, vus lors d’un autre voyage. Pamukale est obligatoire, ainsi que la fabrique de tapis.










En revanche, le site d’
Aphrodisias, qui était l’objet de mon voyage est vraiment grandiose. Les fouilles datant des années soixante, n’étaient pas publiées, du temps de mes études, et le travail des archéologues continue.
Le site ne fut pas recouvert par d’autres civilisations, l’espace de la ville antique se déploie au coeur d’un paysage montagneux.

Aphrodite  tardive (IVè s)












 La cité, fondée sur l’emplacement d’un sanctuaire sacré dédié à une déesse de la fécondité, se développa à partir du premier siècle, par l’intérêt porté par les romains au culte d’Aphrodite, dont le grand temple  s’élève au centre du site. Culte qui continue pendant plusieurs siècles; en témoignent les statues d'époques diverses.



  La cité fut aussi le siège d’une école de philosophie. À l’échelle d’une ville de vingt mille habitants, les constructions du second siècle à l’époque de Trajan puis Hadrien atteignent des dimensions impressionnantes.


l' agora et le portique de Tibère

 Le théâtre construit en 27 fut transformé au second siècle pour des combats de gladiateurs. On traverse le portique de Tibère (vers 20 après J.C) qui borde l’agora pour atteindre les thermes d’Hadrien. 



Bouleuterion: restitution.



Sur le côté de l’agora, un bouleuterion ou Odéon, bâtiment qui était couvert.



Tetrapylon d'Hadrien (vers 125)




À l’opposé du temple d’Aphrodite sur une aire dégagée, la porte monumentale d’Hadrien, le Tetrapylon a été remontée ;
 la structure des arcs et le décor rappellent le temple d’Ephèse.  En comparant le site avec les photos de 1990 on mesure l’importance du travail accompli.



Vue partielle du Stade










 Un stade gigantesque ; 260m de long pour recevoir 30000 spectateurs, des athlètes, puis quelques gladiateurs et autres bêtes de cirque.


Temple d'Aphrodite

 Comme dans toutes les cités, l’implantation du christianisme laisse des ruines de bâtiments qui transformèrent souvent les constructions antérieures, dont le temple d’Aphrodite converti en basilique.

Le Sébasteion



Hercule délivrant Promethée

 Le musée recèle une fantastique collection des reliefs qui ornaient les niches d’un bâtiment constitué de deux galeries à étages, dédié aux dieux et empereurs :  Le Sebasteion.  Un des côtés de l’édifice a été remonté et garni de copies des sculptures. 




Les demi-dieux de la mythologie sont figurés à l’instar des empereurs, souvent représentés en « nudité héroïque », avec l’allégorie féminine de la région barbare qu’ils venaient de conquérir.




Auguste empereur des terres et mers





L'empereur Claude terrassant Britania















L’école de sculpture qui fit la renommée de la ville, proche de carrières de marbre, s’inspire largement de la tradition hellénistique, étude de nus et de drapés fort habiles. Pour les spécialistes, ce manteau (la chlamyde) gonflé par un vent d'éternité trouve sa source dans les représentations d'Alexandre, à Pella, sa capitale, en particulier dans des scènes de chasse; une preuve donc de l'emprunt iconographique à quatre siècles de distance.

Revenir dans dix ans, les monuments seront remontés pour le plaisir du touriste. L'anastylose se porte bien.


Fragments de frise, ou le mur des masques.

Beaux paysages de montagne sur la route des Monts Taurus, pour rejoindre Antalya.

Ataturk, version monumentale.



Drapeaux à vendre






Dernier jour à Antalya, 10 novembre, jour anniversaire de la mort d’Ataturk : cortèges, hommages, drapeaux, minute de silence ; des militants laïcs, point de voiles.











Fragment de tête,  bronze





Après le port, la vieille ville, la foultitude de boutiques et l’opération bijouterie, une marge de manoeuvre inespérée nous permet de visiter le musée d’Antalya, qui conserve et éclaire les sculptures trouvées sur le site de Pergé.

Un complément  éblouissant de la visite du site faite deux ans plus tôt. Des portraits, d’un réalisme romain, coexistent avec de la statuaire de tradition grecque. La frise  de Neptune, provenant du théâtre, est exposée, ainsi que de nombreux sarcophages. 

Sarcophage, musée d'Antalya




  Les couvercles figurant le couple des défunts, de style romain rigide contrastent avec le décor de la cuve, d’un baroque hellénistique superbe.



Frise des travaux d'Hercule

Alexandre le Grand












Ce fut encore trop rapide, mais à la dernière minute, on a finalement retrouvé Alexandre le Grand, ou du moins son effigie. 




Musée dAntalya,  sarcophage du Second siècle


















Au retour, une plongée dans les histoires de l’art  s’impose. Ce n’était qu’un survol.










samedi 2 novembre 2013

TIBET . 4 : Dans LHASSA

Le 1er octobre, sur le Barkhor, les tibétains doivent accrocher le drapeau chinois. Certains n'ouvrent pas.


Retour à Lhassa :


De Shigatze, assez frustrés de ne pas poursuivre la découverte des paysages et lieux de l’est du Tibet, on reprend la route principale  pour Lhassa qui suit la rivière :

Quelques champs d'orge au ras du torrent




au-dessus des gorges, à chaque méandre, des ponts en construction et des tunnels en cours de creusement pour le train.



Villages abandonnés









Lorsque je demandai à Chen pourquoi continuer la ligne de chemin de fer au-delà de Lhassa, la réponse simple, naïve ou cynique, « pour acheminer l’armée sur la frontière de l’Inde ». On tremble, mais le pharaonisme du chantier laisse à penser qu’il faudra attendre un peu.



Chantiers en cours






Il semble qu’un train entre Kunming et Bangkok, via le Laos, soit aussi à l’étude. Le réseau s’étendra donc sur tout le sud-est  asiatique. Une expansion sans fin.

Vue de Lhassa ouest, la ville chinoise.











Le contrôle des véhicules est constant, (des radars qui flashent) des arrêts pour compenser les « excès » de vitesse de notre chauffeur - la durée du trajet est vérifiée  (au risque de la suppression du permis)-, sans doute pressé de rentrer chez son épouse, charmante.





Lhassa  la vieille ville tibétaine, contrastant avec les immeubles chinois,

Transport de tissus dans la ville ancienne,  maison de Lamas
 les constructions du centre piétonnier conservent leur architecture, normalisée par les fenêtres.




Les réverbères de la rue de notre hôtel sont un curieux métissage du moulin à prière et du zhi (cette pierre qu'on voit au cou des nomades) et qui vaut dit-on une fortune.










Les moulins à prière d'un petit temple sur le Barkhor








Tenues ethniques


Autant de boutiques que de maisons autour du Jokhang. Tenues monastiques, librairies et souvenirs.


Un jeu de mots en anglais!












Mais aussi des grands magasins dominant la place des bijoutiers.









Les cours intérieures des vieux immeubles habités par plusieurs familles (on compte les compteurs) sont proches de taudis ;

Tricoteuse







Notre guide n’a pas l’eau à l’étage, ni toilettes dans la cour, ni chauffage, même s’il ne neige que rarement -réchauffement climatique- les nuits sont glaciales. Mais le choix de rester dans la communauté prime sur l’hygiène des immeubles chinois (chers) des quartiers extérieurs.

















La fontaine collective







Peu d’enfants d’age scolaire dans les rues ; dès le primaire, ceux-ci doivent apprendre le chinois et l’anglais en plus du tibétain ; une performance quand les langues et la graphie sont aussi différentes. Tout panneau publicitaire est en trois langues.


Les thangkas à la chaîne

Le dédale des rues de la vieille ville  est truffé de petites entreprises textiles, de boulangeries et de restaurants traditionnels. Les ateliers de thangkas  travaillent jusqu’à pas d’heure.

Cour fleurie du monastère

Monastère de femmes : le Tsamkhung  Nunnery:
150  nonnes vivent dans un pâté de maison enclavé  de la partie sud-est de la vieille ville, non loin d’une mosquée.



Le bâtiment a été construit autour d’une grotte de méditation du roi Tsong tsen Gampo, petite chapelle au bout d’un couloir.

Pétrissage
Gâteaux pointus




















Dans l’entrée de la salle de prière  (récitation de mantras comme dans les monastères masculins) 






certaines nonnes fabriquent des gâteaux teintés de rouge, d’autres des décors en beurre rance (les mains trempées dans
l’eau froide).

Atelier d'écritures











Dans une salle voisine, un groupe de novices roule et ligote des sutras.




Entre les chapelles et la rue, les nonnes tiennent aussi un restaurant pour pèlerins  et une boutique d’objets de piété.

Restaurant du monastère.

Sur le Barkhor, jeunes et vieux, moines et civils.


Un Cham

Tout en convoitant les vitrines, encore plusieurs tours du Barkhor pour observer les pratiques et les costumes. On repère parmi les pèlerins de grands et beaux hommes vêtus de noir, une tresse enroulée tenue par des rubans rouges, le poignard à la taille. Ce sont les éleveurs nomades du Cham, la région orientale du Tibet, voisine du Sichuan et du Yunnan. L’élevage est la principale ressource économique, hors de la vallée.

Couple nomade
On trouve une mine de renseignements historiques sur les rapports du Tibet à la Chine, et à la Mongolie pendant les années de guerre dans : Les Aventures d’un espion japonais au Tibet.
Hisao Kimura, un jeune Japonais déguisé en moine, traversa les territoires d’influence bouddhiste depuis la Mongolie jusqu’en Inde (via le Qinghai et Lhassa), à pied ou en caravane de pèlerins et marchands. 
Il informe de la vie dans les monastères, des réseaux de trafics, de la vie des tibétains émigrés, jusqu’à son expulsion lors de l’arrivée des communistes puis l’exil du Dalaï Lama en 59.



Le récit de son expédition dans le Tibet oriental, le pays de Cham, concorde avec les descriptions que fait Peter Goullard (Forgotten Kingdom) des nomades tibétains qu’il rencontrait au Yunnan, les luttes politiques de ce peuple contre les deux « envahisseurs » alternatifs chinois ou tibétains,



Bijou de coiffure

 ainsi que leur rôle dans le commerce  (et le banditisme).
La dévotion n’exclut pas les achats.








Les élégants








Hors du circuit, sur une place à peine surveillée, ces nomades en tenue chic ou de « gaucho » se livrent au commerce de leurs pierres précieuses, et des harnachements pour les chevaux.







En gros ou au détail..















Vendeuse au marché













Figures fascinantes, les femmes sont aussi couvertes de bijoux, leur richesse portative.







Beurre de yak

Plus loin, un marché couvert de fruits et bonbons, un déstockage de cocottes et cuiseurs à riz, les carcasses sur les vélos ; le beurre, les fromages (de ceux qui, en boulettes, ne fondent jamais).




 Le long de la partie est du Beijing Street,  côté vieille ville, les boucheries tenues par les Hui vendent le yak en cubes congelés.









Un spectacle tibétain « historico-folklorique » et néanmoins superbe, comme à Kunming,  est annoncé par voie d’affiches. Une vieille femme, qui porte ses rangs de colliers semble perplexe. On ne verra que des touristes.





L'eau, la terre, le ciel
 Entre décors et effets spéciaux dignes de superproductions hollywoodiennes, ou taiwanaises, des symboles, montagne et rayons de soleil (allusion à l'ancien  drapeau ?)  les danseurs, chanteurs et musiciens jouent une histoire mythique du Tibet


Célébration des récoltes de l'orge

 qui se clôt par des scènes de paradis multi-confessionnels.   Bon, Hindouiste et bouddhiste.
Les bonnets jaunes


















Une séquence de lamas aux bonnets jaunes (sans les manteaux, les tuniques courtes évoquent surtout les armées romaines)





 s’insère entre des scènes d’intérieur chinois dans des compartiments latéraux et des danses du pays Cham. 




Un public clairsemé de touristes chinois occupés avec leurs téléphones semble totalement indifférent, ne se réveille que pour l’hymne national et sort sans applaudir.



Et le dernier matin, la police fait une descente générale sur le Barkhor pour obliger les commerçants à accrocher le drapeau rouge. Le lendemain, 1er octobre, sera Fête nationale.  Occasion d’une semaine de vacances pour des chinois vers des régions moins hostiles.



L’avion qui transite cette fois par Chungking est plein. Dernière vision de la Chine : le stand de vins du duty free: la cuvée  « Marylin » ou « La Perle ».  Notre guide chinois nous avait offert une bouteille de « The great wall ». 

Nos émerveillements ne cesseront jamais, mais l’analyse du système continue de nous inquiéter. Quel devenir pour les tibétains et les autres minorités (même  protégés par le Bouddha du Futur) ?