vendredi 2 décembre 2016

BIRMANIE 5/5 : ARCHITECTURE des SANCTUAIRES


Un ensemble de temples à Bagan.

Dans une histoire complexe:

Au long des siècles, des royaumes successifs, et conflictuels, s’instaurent dans différentes régions de Birmanie par des vagues de peuplement provenant des pays voisins, géographiques et culturels. 
La ressemblance architecturale des grands sanctuaires, souvent reconstruits et toujours restaurés s’explique par l’adoption du bouddhisme par tous les royaumes; toujours dominante, la religion est garante de l’unité des populations, leur soumission et leur foi à un avenir meilleur… 

Bago: le stupa et le pavillon voisin. 


Les formes architecturales  de base, soit la demi sphère pour les stupas, (zedi) surmontée d'une flèche et d'une ombelle, soit les constructions de briques sur plan principalement carré de sanctuaires (paya), des temples associés aux monastères;  soit encore les architectures de bois de tous les pavillons (gyodaing) qui entourent les stupas, ainsi que des monastères n’ont que peu évolué. 
Les quelques variantes des formes cependant démontrent des innovations apportées par les différents souverains. Et une concurrence dans les ambitions: quelques mètres de hauteur de plus, des décors de plus en plus fastueux. 

Aux origines, deux royaumes de dynasties concurrentes :Les Pyui, les Môn.

Les PYUI:
BeBe temple; 7è siècle: modèle simple du cube,
surmonté d'un petit stupa.
Venus de Chine par le nord, vers le IVè siècle ils se sont installés dans la plaine proche de l’Ayeyarwady. Le fleuve navigable est bordé de ports de commerce dont Pyay.

Dans la cité en ruine Sri Ksetra (Thayekhittaya) proche de Pyay, qui fut capitale des Pyui, une grande citadelle entourée de murs comporte de nombreuses constructions des 5e et 7è siècles.

Les premiers stupas sont construits sur le modèle indien du stupa de Sarnath, (édifié sous le règne d’Ashoka, converti au bouddhisme vers 262 avant JC et qui envoya des missions en particulier au Sri Lanka).


Bawbawgyi stupa.





Une forme de cloche élevée sur trois terrasses qui symbolisent , du bas vers le haut, la vie ordinaire, organique; l’accès à l’humanité et la culture; enfin la spiritualité et la possibilité de l’éveil. Ces constructions étaient destinées à enfermer de reliques du bouddha, quelques cheveux, un ou deux os. 



Sarnath.












Deux cimetières récemment dégagés par les archéologues révèlent un mode d’enterrement des restes après crémation, dans des urnes de terre ou bronze plus ou moins décorées. Le musée de Pyay en expose quelques uns.

Cimetière 


Urne.






Payagi stupa.












À Pyay: la Pagode  Payagi, de forme identique aurait été édifiée sous le règne du monarque Duttabang au IVe siècle.







La grande pagode Shwesandaw sur la colline, remonterait au 6è dans une forme simple; souvent reconstruite et augmentée par une flèche et une ombelle: le stupa ne fut doré qu’au XVIIIè siècle.
En contrebas, des monastères dont les chants montent, moment de plaisir.






Les MON :
Venus de l’est, vers le 3è siècle, Thaïlande et régions khmers, installés sur les rives de la Salween qui se jette à Mawlamyne (Moulmein, grand port pendant l’occupation anglaise) ils importent le bouddhisme Theravada et l’instituent en religion d’état.
Moulmein, (Mawlamyaing) :terrasse de la pagode.



Le bouddhisme Theravada prédominant, La «voie des anciens » est 
répandu dans le sud est asiatique, Thaïlande Cambodge, Laos et Sri Lanka, qui entretint une relation particulière avec la Birmanie via l’Inde, dès l’origine. 
Actuellement l’état Mon dans la division administrative du Myanmar correspond aux anciennes ethnies  autour de Moulmein.



Les premiers sanctuaires en forme de stupa,  un amas de pierres ou briques demi sphérique, un dôme enduit de stuc, telle la Shwedagon de Yangon qui leur est attribuée. Les aménagements de pavillons et dorures sont postérieurs comme ici à Moulmein.
Les Môn résistent dans leur état et coexistent avec d’autres royautés. 
Leur capitale Thaton, au 9e siècle, fut conquise et ruinée par les Bamar au XIè mais conserve le sanctuaire dominé par le stupa doré: une forme mixte, à base carrée.


Pagode de Thaton.

Bago, plus au nord aurait été fondée par des descendants des Mon. Prise par les Bamar de Bagan, à l’époque du roi Anawratha, 
elle retrouve une place de capitale des Môn au 14è siècle, tombe sous l’emprise du voisin de Taungoo, puis redevient capitale des Môn qui chassent les Bamar, jusqu’au XVIII. Effondrement et destructions… 

La partie conservée après tremblement de terre: les briques constituent
la structure du stupa.

Les monuments nombreux et récents s’organisent autour de la Shwemawdaw.
Détruite, reconstruite au XVè, augmentée XVIè d’une flèche et d’une ombrelle, elle dépasse en hauteur (114m) celle de Yangon. La partie effondrée de la flèche montre la structure de brique qui constitue le monument.

Autre monument voisin datant du XVIè siècle:
Le sanctuaire du Bouddha couché Shwethalyaung, superbe dans sa jeunesse et  son aspect quelque peu efféminé (voir ch 4).




BAGAN: LE RèGNE DES BAMAR.


La région fut conquise  par  les Bamar. venus du Yunnan et régnèrent entre les IXè et XIIIè siècles, première unification du territoire birman. Ils occupent les plaines fertiles centrales, puis gagnent le territoire jusqu'à l'océan indien.

Un complexe de temples :le Paya Nga Zu.


Situé au bord du fleuve, entre Mandalay et Pyay, ce site archéologique est
le principal lieu touristique de Birmanie, avec quelque deux mille pagodes restées dans leur état d’origine: une enceinte close par une muraille: le «Vieux Bagan », mais la plupart des pagodes sont construites à l’extérieur. 
Les rois Mon, prisonniers à Bagan après la chute de Thaton ont aussi commandité des pagodes... 


D’une variété de formes et d’un charme lié au calme et à l’environnement boisé.

La Shewzigon pagoda , au bord du fleuve , terminé en 1089, se distingue par un stupa en forme de cloche sur cinq terrasses accessibles aux pèlerins. Des reliefs en grès animent les niveaux.Le stupa contient des reliques du Bouddha, et demeure le lieu majeur des fêtes des mois d’hiver.

Le dôme est en cours de "redorure".

Mingala zedi, Stupa tardif, 1284, décoré de plaques de terre cuite.
Plusieurs modèles d’architecture de brique coexistent qui entretiennent des formes comparables aux temples thaïs d’Ayutaya, et des emprunts aux temples indiens, et de Ceylan.
Mayabodi Pagoda, Bagan.



L'essentiel de l'influence provient de l'Inde ;les rois entretenaient des rapports fondés sur le bouddhisme et importaient des ouvriers.

Ils ont ainsi adopté comme couronnement aux temples, le "sikhara", une tour à strates alternés décroissantes, de plan carré.
En 1230, le roi Nataungmya fait construire une  réplique du Mahabodi de Bodgaya (Inde) dans l'enceinte du Vieux Bagan.



Le matériau, la brique,  détermine en partie la forme :




La forme à base carrée
la forme circulaire, en toupies; toujours par empilement de registres.
leur combinaison dans les grands temples. 

Contrairement aux pagodes à stupa, la plupart des temples sont ouverts: en plan cruciforme. Quatre entrées orientées.


Pitakat Taik : la Bibliothèque.
Certains archéologues pensent que certains sanctuaires ont été construits en teck, mais totalement détruits:la "Bibliothèque" , construite en 1058 par le roi Anawrahta, serait la transposition en pierre de cette structure.

Tha-Bat-kya.






le visiteur circule dans les couloirs voûtés qui entourent le sanctuaire central où s’élèvent une ou quatre statues de bouddha. 

D'autres statues peuvent s'inscrire dans des niches extérieures.

Sur des niveaux étagés de forme cubique, les pagodes sont surmontées d'un sikhara puis d'un petit stupa.




Ananda: mur des disciples.












Les murs étaient ornés de peintures, maintenant presque effacées.





Ananda temple.



L’Ananda temple se distingue par son plan, deux couloirs concentriques et l’élévation de voutes très «gothiques »,  des niches sur deux registres insèrent des petites sculptures: tel un musée intégré à l’architecture.


Couloir.

















Plan de l'Ananda.

















Les grands temples sont simplement  enduits de stuc et blanchis: 


Le Thatbynnuy Temple, vers 1150.

Le restaurateur perché.
Manuha temple.










Le tremblement de terre d’août 2016 a fortement ébranlé les parties hautes  des temples, que l’on voit emballées ou doublées par les cages de bambous des restaurateurs, à défaut d’y pénétrer.

Un empire disloqué

L’invasion mongole mit fin au royaume de Bagan, en 1287: destruction des nombreux temples. le pays se divise en plusieurs royaumes, les Mon se relèvent au sud autour de Bago; les grands sanctuaires sont reconstruits.
L’arrivée des portugais puis des anglais qui colonisèrent la Birmanie à partir de l’Inde n’exclut pas la continuation d’une royauté. Celle des rois de Taungoo,  aux 15 è et 16è,  capables d’attaquer Ayutthaya au Siam (nord de Bangkok). 
Mandalay.

Sous la domination anglaise, le roi Mindon (1853-78) fonde sa capitale et oeuvre au développement international. 

Pagode Sandamuni: le stupa, sur modèle "standard".

Et à l’édification des sanctuaires sur la colline. Et en contre-bas: La pagode Sandamundi et les Triptika , gravures sur pierre de textes canoniques, abrités dans 729 mini stupas. 


Les mini stupas.


Maquette du temple, pour donner une idée du plan.




Triptika.
















Bagan, un sanctuaire proche de la pagode Schwezigon.
Bago, la modernité avec néons.

Mandalay, détail.













Les constructions de la période d’occupation anglaise, intègrent l’usage de mosaïques de verre dans le décor des pagodes, sans doute sous l’influence de l’Inde. Comme à Mandalay, ou Yangoon, les pavillons du 19è siècle qui entourent les différents sanctuaires dans les temples de Bago , Pyay ou Thaton brillent de mille feux.

Mosquée de Moulmein.
Les guerres anglo-birmanes se succèdent, pour des raisons économiques: la Birmanie devient province des Indes britanniques, mais une autonomie est accordée à différents états.
De cette époque datent quelques mosquées, dans les grandes villes, où les rares musulmans détiennent encore une part du commerce,  dans un style anglais «revisité ». 

Le mouvement nationaliste qui prône l’indépendance dès le début du XXè  doit attendre la fin de la guerre, après la reddition des armées du Japon. Le général Aung Sun signe l’indépendance avant d’être assassiné. 
On connait la suite, coup d’état militaire, toute puissance de la junte jusqu’aux élections de 2015 qui instaure un régime « officiellement démocratique ».
Le palais sur l’eau au centre de Mandalay est actuellement occupé par les militaires.

MONASTÈRES


Construits à proximité des sanctuaires, en bois et de formes empruntées aux formes de pagodes de l’est asiatique: 
plusieurs toitures superposées ornées de corniches, ils sont aussi indatables que les autres sanctuaires. 


Monastère Nar Auk: la salle d'ordination. 19è siècle.
Dédiées à l’enseignement, et à l’ordination des bonzes, leur décor intérieur de statues dorées monumentales s’augmentent des récits historiés de la vie de Bouddha (ch.4) Dans l’état Karen, mais reconstruit au XIXè, loin des routes, le monastère Nar Auk, d’une richesse exceptionnelle par sa hauteur sous plafond, décor, n’a rien à voir avec de petits monastères des campagnes.


Monastère Yoke Sone : détail du porche.
D’autres ont été transformées en musée archéologique. tel le  Yoke Sone, tout en dentelles de bois, proche de Bagan, orné de reliefs de Jataka fut reconstruit au XIXe. 


LES GROTTES.


Tout site exceptionnel sur une hauteur, dans une montagne, une concrétion naturelle devient le lieu de culte, pour tous les différents courants du bouddhisme, ainsi en Chine aux limites du Tibet, à Dazu ou à Dunhuang, (dans des styles très différents).
Pho Win Taung : 






La dévotion se marque par d’innombrables décors de statues représentant la vie de Bouddha.








Près de Monywa, à l’ouest de Mandalay Les grottes de  Pho Win Taung :


plus de 400 grottes rustiques ou plus élaborées recèlent des sculptures et de peintures rupestres des 15e et 17ème siècles; un dédale au pied d’une colline où les dévots préfèrent de petites pagodes récentes. Exceptionnel témoin de peintures illustrant la vie de Bouddha. (ch.4).







Près de Hpa An, dans l’état Karen, une grotte additionne des milliers de statues et de miniatures qui tapissent les parois.. « work in progress".

















SANCTUAIRES MODERNES.

Construits à l’initiative de moines éclairés, ainsi  que  de donateurs richissimes dans les régions, y compris pendant l’occupation anglaise et surtout récemment -pour un contrôle de la population-, par la junte militaire. Laquelle ordonna des fouilles, des restaurations de pagodes historiques. D’autres sanctuaires sont édifiés (voir ch.1 et 4).






L’exemple de de la pagode Thanboddhay proche de Monywa, à l’ouest de Mandalay, aux 500.000 bouddhas construite en 1939: le sanctuaire de plan carré entouré de 458 mini stupas abrite un labyrinthe de couloirs tapissé de statues. 




Les abords continuent d’être aménagés de bassins d’un goût assez contestable. 








On ne compte plus les gigantesques bouddhas debout, couchés, assis qui poussent dans tout le pays. 

Une politique édilitaire aux dépends du peuple et quelques modèles d’un pouvoir dictatorial dans l’histoire:
De même que la situation des minorités du nord est, le sort des ethnies musulmanes de la frontière ouest frontalière du Bangladesh n’est toujours pas résolu, en dépit des efforts de Aung San Suu Kyi . Les infos de ces derniers jours sur les massacres sont éloquentes.



Les trois rois (guerriers) principaux qui unifièrent temporairement le royaume ont été statufiés dans un site proche de Mandalay, devant Une Académie militaire , on appréciera l’entrée, et juste en face d’une Université bouddhique. 
À quand une vraie révolution?