jeudi 31 octobre 2013

TIBET 3 : Vers SHIGATZE.

La route des cols


La route de Gyantsé. partant de la vallée du Brahmapoutre (Tsang Po)




 au confluent de Kyi Chu la rivière de Lhassa (actuellement menacée par des rejets de cyanure d’une mine d’or qui domine la cité),



 la route neuve s’engage dans une montée en lacets pour franchir la chaîne au sud de la vallée.

Le Khamba la


C’était jadis une piste caravanière risquée. 





Au passage des cols, arrêts photo, sur des points de vue éblouissants et frisquets, les montreurs de chiens font concurrence aux vendeurs de souvenirs.







Les bannières s’accrochent même aux pylônes. Plus que tout autre site, chaque hauteur est sacrée.


Yamdrok tso
   

Le Khamba La, le premier col à 4900m d’altitude avant de plonger sur le lac YAMDROK TSO  : la route en lacets suit les contours de ce « Lac Turquoise » : en forme de scorpion et reflétant les variations d’un ciel mouvant.



 Beaucoup de touristes en bus mais aussi des files de cyclistes. On rencontrera à Shigatze, un français de ces groupes internationaux, europe/australie, accompagnés d’un camion médical ; mais aussi des chinois avec les porte-bagages gonflés comme une chèvre pleine. Direction le Népal ! Bon vent!


Chen,  Jokha et le chauffeur : "thoo jaychay" (merci)

Pique-nique le long du lac, où quelques éleveurs venant des petits villages au bord de la route (on rate la scène du lavoir) suivent leurs bêtes.



 Quelques pâturages pour troupeaux de yaks et de chevaux, rares moutons.


 puis la route remonte jusqu’à un nouvel arrêt sur un col vertigineux dominant un barrage :





 Notre guide Jokha en profite pour dire que la rupture de ces barrages noierait toutes les villes tibétaines. (à chaque site son interprétation).

 
Chics et chaudement vétues
Improbables étals de souvenir de pacotille et d’objets anciens ; j’y trouve une montre suisse 1882, montée en pendentif de pierres anciennes, mais le zhi est toujours hors de prix ; 




les nomades vendeurs ont monté des tentes avec capteurs solaires et paraboles pour la télé.




Dans la suite d’un paysage minéral, le col Karo La : 5600m, morne, gelé  et comme menacé par les glaciers, les alentours couverts de lichens bruns.   Le mal de montagne nous étourdit.



Les fileuses

Des femmes déboulent de hauteurs où paissent leurs troupeaux, en filant un petit peloton de laine de mouton qu’elles tentent de nous vendre.

Moissons



Plus bas on retrouve les champs d’orge, la céréale traditionnelle juste moissonnée, principale ressource à cette altitude.






Gyantzé

Vue sur le Dzong
La route directe vers l’Inde et le Sikkim est fermée, la ville s’étiole un peu, car située hors de l’unique route « de l’amitié » vers Katmandou). Centre agricole important :  Des chiens et des vaches traversent la place au pied du Dzong, du monument chinois et ses policiers. 






(4200 m d’altitude ; après les cols, on respire déjà mieux !


Dans un quartier ancien, derrière le marché aux viandes, des agriculteurs testent de nouveaux tarares.  Les gamins sont hilares. 




Une mère et sa charge de laine.






Les femmes devant leur boutique tricotent des laines de très gros calibre, qui doivent gratter couvertures ?. Cette activité était déjà commune dans tout l’ancien Tibet, (à Lijiang  P. Goullard en témoignait). Les drogueries, de superbes poêles, sont tenues par les Hui.












Le supermarché déborde de chocolats, bonbons, bières et autres produits de toutes marques européennes.


Le Kumbum 
Au restaurant tibétain (comme les derniers jours, la nourriture est globalement chinoise) , le yak -tendre- remplace le bœuf, plus des frites pas cuites. Moment de suspense le soir ; selon les guides, l’arrivée du Panchen Lama devait entraîner la fermeture de la route de Shigatze.

Le séjour fut donc raccourci (et surtout la visite du monastère  et de son stupa  fut supprimée) pour cette raison troublante, car si sa résidence officielle est à Shigatze, il est notoirement retenu à Pékin.
À 7 heures du matin (après le thé au beurre rance de 5h30 pour les volontaires) et les flash des radars, on vit que la route était coupée par les travaux de la ligne de train. Point de Lama, mais des engins énormes.




Shigatze.




 Deuxième ville du Tibet, à 3900m d’altitude, en expansion constante, dominée par le Monastère Ta shi lum  po : actuellement 600 moines y étudient.

Activités quotidiennes



Tsong ka pa


Construit en 1447 par un proche de Tsong kapa : Dge-dun-drug-pa, qui devint à titre posthume le 1er Dalai Lama, ce monastère est le siège du Panchen Lama, second dans la hiérarchie du pouvoir religieux.









Intérieur






L’un des sanctuaires contient le stupa qui rassemble les restes des Panchen Lama V à IX. Comme au Potala, des tonnes d’or et de pierreries. Notre guide insistait pour dire que ce n’est pas creux, c’est « chargé ».









Un coup d’œil sur les gigantesques cuisines, et les bousculades de pèlerins pour honorer la salle d’audience qui fleure bon les décors de beurre.








Les moines vaquent à leurs occupations, au détour d’un corridor, une peinture d’un bouddha prêchant au Parc aux cerfs. Vieux Sage très chinois.







Le Panchen IV avait rejoint le Dalaï Lama, unifiant les deux courants des Bonnets Rouges et des Bonnets Jaunes ; et lia des accords avec la dynastie Qing. On trouve des effigies de bouddhas chinois et de l’empereur Qian Long. Cette allégeance (selon le catalogue officiel dont sont tirées quelques images) préserva le monastère pendant trois siècles.

Matreya

Stupa du Xè Panchen



La statue monumentale en bronze doré du Bouddha du futur, Matreya (26m de haut) fut édifiée en 1914.










À la mort du Xème Panchen Lama, en 1988, le gouvernement chinois alloua la modique somme de 64 millions de yuans pour l’édification de son stupa funéraire, dans une chapelle de quatre étages. Style identique, une taille plus grande.






Les pèlerins tibétains font le tour des chapelles, avec leurs offrandes, et pour les femmes leurs bébés qui sont comme « présentés au temple ».




Dans la « cour du sermon » et la galerie peinte des 1000 bouddhas, un «gaucho » somnole. Les jeunes moines s’affairent avec leurs visiteurs.


Jeunes moines chaussés des bottes traditionnelles

On fera le grand tour extérieur du mur de 3 kms, qui englobe les habitations, dominé par le grand mur pour accrochage des thongkas, balisé de moulins à prière, et de quelques chiens et moutons.



On aperçoit, au sommet de la montagne le site d’un « Cimetière du ciel ».  L’usage de la dilacération des corps, donnés en pâture aux vautours, se perpétue. (Lire La mendiante de Shigatze, de Ma Jian, 1988, Actes sud, pour le détail, et les croyances magiques) alors que la crémation est devenue le mode courant. 

Maison ancienne, on remarque l'enduit brossé.







Notre guide expliquait que rien ne doit rester du défunt, hormis le souvenir et le nom et la photo.






 
Les cornes qui s’amoncellent sur les murs témoignent d’un certain animisme. Les petits rideaux blancs viennent d’être changés  pour une fête annuelle. De petits sanctuaires dans la roche sont peints et régulièrement garnis d’offrandes.



Vue sur le Dzong, un « petit Potala », et sur la ville où une mosquée vient d’être édifiée.


Au bas du monastère, un marché de viandes, moutons séchés pendus, de bottes superbes et autres bijouteries. Toujours le commerce et la dévotion.

Petit sanctuaire populaire sur la montagne.









lundi 28 octobre 2013

TIBET 2: Sanctuaires


Le Potala vu de la terrasse du Jokhang 

Le bouddhisme, importé de l’Inde au  VIIè siècle, par le roi Srong-btsan-sgam-po ( en version simplifiée  Songtsen gampo) et dont les épouses assurèrent les liens entre Tibet, Chine et Népal, supplanta l’ancienne religion « Bon », soumise aux superstitions et quelque démonologie.  Le roi y était déjà alors proche des dieux. L’absorption de ces croyances par le bouddhisme se fit progressivement,





 mais dans l’iconographie, comme dans les usages, demeurent des figures magiques.

Au Drepung, peinture noire, en haut, la frise







Je renvoie aux encyclopédies pour le détail de l’histoire religieuse et politique des siècles passés. 












Le pouvoir détenu par des nobles fut partagé par les Lamas, avant que le dalaï-lama ne devienne en titre  chef politique du Tibet. La gestion étant déléguée au régent.
La construction des monastères et des palais provient des sommes perçues sur les revenus de l’agriculture. Ce double système féodal a été aboli juste avant l’arrivée des communistes. 
On ne peut que s’étonner des fabuleuses richesses contradictoires avec la vie monastique de dépouillement prôné dans la vie et l’enseignement du Bouddha.

Le Tibet pendant  des siècles s’est défendu contre les vagues successives d’ingérence de la part des mongols (dont ils partagent la religion) des chinois, du Népal et de l’Inde anglaise, puis encore de la Chine. Une série de conflits qui amena à la fermeture du pays pendant des décennies.



Toutous blancs


La révolution culturelle a détruit l’organisation religieuse, (90% des monastères ont été ravagés, les moines aux champs ou en exil massif), et des traditions, avant que le gouvernement chinois ne réattribue les terres aux paysans ; les  grands travaux routiers  désenclavant les montagnes, les échanges économiques ont repris, dans quel sens ?


Potala: la cour devant le Palais Blanc.

Le changement de stratégie des occupants chinois a permis de restaurer une partie du patrimoine religieux détruit, cette fois à des fins économico-touristiques, tout en assurant le contrôle du pays devenu « Région  autonome».



Au Drepung


L’attachement des populations  à la religion et à la figure du Dalaï-lama ne faiblit pas vraiment, et les dons continuent d’affluer.  Dans tous les monastères, se pressent de pauvres grands-mères  une pile de billets (et le pot de beurre) à la main, mais aussi des adultes.


Mandala en or, argent et pierres, VIIè dalaï-lama , 1749















L’extraordinaire profusion de sculptures, stupas funéraires, décors peints nous donnent un autre vertige, avec cette particularité que les modèles étant inchangés, les édifices et les  statues ne varient que peu. Que le bâtiment remonte au XVII è, ou qu’il ait été construit dans les années 90, la structure est identique. Seules les photos des derniers dalaï ou panchen lamas insérées dans les décors indiquent des dates.  
 








Le Potala

La forteresse et résidence des rois, dès le VIIè siècle, siège du gouvernement, et du pouvoir religieux, fut constamment agrandie, les deux fonctions sont liées.  Le palais blanc et le palais rouge sont imbriqués.  La forme actuelle remonte au XVIIè siècle, sous le règne du  cinquième Dalaï-lama, Lobsang Gyatso.  Dans l’année du « Coq de bois », 1645, une datation donnée par un ouvrage officiel mais  attaché à l’astrologie dont proviennent certaines images.


Le roi Srong Tsan Gampo, le prince et le régent.


 Le Potala, un symbole, a été épargné pendant la Révolution culturelle à la demande de Zhu en-lai.  Pourquoi ???

Dorji Dakden
Merveille d’adaptation architecturale au terrain, l’ascension des escaliers extérieurs avec vue sur la ville conduit au dédale des salles sur 13 étages entre chapelles et appartements. Les trésors sont exposés partout : les « Mandalas » en 3D, chefs d’oeuvre d’orfèvrerie.




Des effigies des bodhisattva, et autres personnages , les treize Dalaï-Lama, aux yeux éblouis mais aux visages différents.  Sculptures de métal par moulage à cire perdue et orfèvrerie au repoussé.
Quelques autres techniques, comme la boite qui contient:
L’oracle Dorji Dakden, Conseiller du 2è dalai-lama puis  Gouverneur. Argile médicinal.






Stupa funéraire du Vè dalaï-lama
Devant les innombrables rayons de bibliothèque, la série de Stupa d’argent et d’or cloutés de pierres précieuses. 
Les stupas funéraires, contiennent les restes des  Dalaï-Lamas.  D’une hauteur d’environ 7m, leur structure est symbolique : 



le piédestal représente les vertus, les 4  degrés les étapes du renoncement, la forme de vase, les vertus du Bodhisattva, les 13 anneaux, la voie du Nirvana ; au sommet le soleil et la lune.  Dans la niche, contenant un Bouddha sculpté, les cendres ou le corps momifié du défunt. 











Chambre du dernier dalaï-lama











Les salles du Palais blanc, le bureau, la salle de méditation et la « Chambre de la vie éternelle » du dalaï-Lama, virtuellement présent par sa cape, sont surveillés par des moines.
On apprend qu’ils sont désormais «fonctionnarisés ».




Des nuages noirs magiques au dessus du Potala




Les peintures murales :


La visite chronométrée (au risque d’une interdiction pour la guide) ne permet pas de s’attarder sur les peintures murales  ou les thangkas qui couvrent les salles et les corridors.











Natation dans la Kyi Jiu









Le système perspectif subtil figure l’intérieur des constructions, la foule des moines qui entourent le bâtiment,  les lamas, et les scènes  quotidiennes, rues et places, processions et activités diverses : les célébrations de la construction du Potala , les funérailles du dalaï lama, mais aussi un concours de natation organisé par le régent.  Fin XVIIè. Superbe !

Des représentations comparables ornent les murs du Drepung où cette fois on peut même photographier contre 20 yuans.




Le récit en images de la vie du Bouddha et des exploits d’un personnage se découpe en scènes, des cases  séparées par des paysages  de montagne ennuagées.


"Salle de la Longévité",  VIè dalaï-lama.

Les Monastères :


Trois grands monastères furent construits aussi pendant l’expansion du pouvoir des Gelugpas, les Bonnets Jaunes, par le premier chef spirituel  Tsong-kka-pa (1357-1419) et ses disciples.
L’unification religieuse, incluant le Qinghai et la Mongolie, instaura le pouvoir spirituel sur le pays ; c’est à cette époque que les dalaï-lamas  (« Océan de sagesse ») sont choisis par « incarnation » dans un enfant, rompant ainsi avec des filiations.
Le monastère de Ganden a été détruit,  mais le monastère de Sera et le Drepung sont en partie reconstruits.

Monastère de Sera,







Au nord de Lhassa, il demeure l’un des centres de formation religieuse ; la séance quotidienne des débats théologiques est ouverte au public dans le jardin. 










littéralement mitraillés par les touristes, les moines ne ménagent pas leur gestuelle. Certains cependant ne semblent pas très motivés par les questions.







Drepung

Une véritable ville où jadis vivaient 7000 moines, sur les collines à 7 km à l’ouest de Lhassa :

Le Drepung

 On  déambule dans les rues qui ouvrent sur les habitations : les moines peuvent vivre avec leur famille, mais pour « monter en grade » et passer les examens afin de devenir Lama ou Abbé, le célibat, ou le veuvage est requis. Assurant la fonction d’université aux nombreux collèges, Drepung fut (et reste) le principal centre de formation.


 Drepung: L'heure de la prière
Les grands bâtiments qui dominent l’ensemble contiennent encore les statues monumentales du Bouddha, les effigies de premiers lamas. Mais aussi l’évocation de l’histoire antérieure :

 Les fondateurs, Version d'époque XVIIè
Une figuration moderne des grands rois : (Songtsen gampo, et ses successeurs)  de la fondation du Tibet ancien, et de son expansion politique dans l’ouest et la Mongolie : 


Jokha commente l'histoire.
c’est  le moment de l’importation du bouddhisme,  les monarques (déjà sanctifiés) siègent sous l’image des sites religieux : le Potala, le Mont Kailash, le temple de Bodhgaya, site de l'Illumination: illustration de la circulation entre Inde et Tibet .
Ce roi fixa aussi l’alphabet tibétain, inspiré de l’écriture indienne.



La prière de midi au Drepung




Un Lama sceptique



















La grande salle de méditation accueille quelques centaines de moines, et de disciples.  Nous assistons à la prière de midi, la distribution des textes avec le fond sonore du « Aum », voix de basses profondes.








Le Palais d’été :

 Résidence des  dalaï-lamas, trois palais , charmants, et relativement modestes sont répartis dans une jardin fleuri : quelques visiteurs tibétains pèlerinent en famille.


le Kalsang Palace , 1755, du 7è dalaï-lama),


En famille, jolie jeune femme à la peau claire.
Le Jaida Truzing palace, construit par le 8è en 1758, lieu de méditation du 13è,




 Et le Dadan Mingjur, construit en 1954, d’où l’actuel Dalaï-lama s’enfuit  en 59. 



Palais du XIVè Dalaï-lama.

Surveillance vidéo ; un touriste se fait prendre à photographier la chambre, effervescence , les moines courent et crient,( !), la police intervient, le mobile est confisqué... Par chance, nous n'avions pas sorti les nôtres.



Potala : un thangka. figurant le roi Srong Tsan Gampo.  Le fondateur du Jokang  au VIIè, tronant sous l’aspect d’un bodhisattva, au centre de représentations des monastères.  Peinture sur tissu. XVIIè, d’un peintre de la dynastie Qing.