dimanche 16 décembre 2012

CALCUTTA.



Pour un premier voyage en Inde, débarquer à Calcutta, à l’invitation de Debesh Goswami, procure des surprises en dépit de tous les documentaires, la littérature et les idées reçues. Dans l’avion de la compagnie Biman Bengladesh, un Rennais venait prendre des cours de chennai. Mon voisin venait s’approvisionner en plumes pour la pêche à la mouche, car « les cous des poules du Mali sont massacrés pour la casserole, ceux d’un pays végétarien sont préservés, j’ai abandonné là-bas, (sic )».

Visiteurs
Trois générations



L’aéroport n’avait rien d’international, dans une banlieue presque rurale, et la vision de montagnes de choux-fleurs le long des routes surprend les bretons.








La maison familiale basse et spacieuse dans un village un peu éloigné (1H30 de transports en commun pour 20Km du centre) est close de grilles fermées la nuit.
Les mères






En face une école primaire, grillagée aussi, où les mères  s’accrochent, après le passage des institutrices ; quelques arbres tropicaux, des fleurs pour décorer l’autel dédié à la déesse. Les voisins vaquent dans la rue, ou attendent. Les triporteurs circulent. Leur déclinaison est nombreuse : le dernier endroit -sauf a vérifier- où l’on peut user un tireur de pousse-pousse à pied comme dans les reconstitutions  pour le cinéma était encore le quartier de la mosquée de Calcutta.




Le modèle de véhicule à plateforme tiré par un vélo où peuvent s’entasser selon les cas dix personnes, douze bonbonnes de butane ou encore deux balles de paille, peut être aussi équipé de hauts parleurs permettant la vente d’objets de piété.  Des Shiva, Durga, Ganesh de terre cuite sous globe  (une ampoule longue durée de récupération).




Un cinéma de quartier -fauteuils défoncés habités par des parasites-  donnait un film en hindi  non sous-titré (la langue de la région est le bengali), une invraisemblable histoire de Tarzan, filmé le long d’une route goudronnée.

Découvrir que le thé est au lait épais et très sucré, s’adapter à manger par terre, découvrir enfin que la famille  fait partie des brahmanes intellectuels et artistes, mon hôte avait pendant plusieurs années tenu secrètes ses origines. Le matin, les visiteurs se prosternent, les femmes présentent leur progéniture.
Le bonheur est de se réveiller au son des tablas, de l’harmonium et du chant traditionnel du frère et du neveu. 

Dadidadidadida…


Sudder Street
Sudder street: à la pompe

En janvier, la saison musicale à Calcutta rassemble les meilleurs artistes, la durée des concerts (gratuits) exclut un retour de nuit. Le plus simple est de dormir au centre ville.
Le touriste se fait rare ou alors c’est un cas un peu bizarre de voyageur en transit  ou d’humanitaire qui loge à l’armée du salut.
Les deux catégories ne se rencontrent guère que dans Sudder street, rue qui contient la plupart des hôtels pas chers et quelques autres luxueux. Ceux où l’on peut boire une bière en terrasse.
Notre  guest-house  très cheap, en étage (il faut enjamber les dormeurs sur le palier)  est tenue par des sikhs - sauf le caissier qui le précise.  Selon l’application des lois, les bangladeshi sont interdits dans l’hôtel; il faut une déclaration à la police ; le gérant ayant reconnu le patronyme bengali de Debesh, il a gommé le registre et inscrit  indien ; par contre il a fallu que je signe.
 La rue très occupée par les rickshaws, des cyclos  en majorité, et quelques familles de mendiants professionnels. La pompe sur le trottoir qui alimente aussi bien les humains que les animaux sert de douche et de laverie. Les hommes procèdent à une toilette complète et  à la lessive de leur unique chemise  et du sarong qu’ils remettent, gelés, et repartent propres - pour un temps fort court, le bain de poussière et de gaz d’échappement se chargeant de les noircir dans l’heure.
Les animaux viennent boire -un matin un troupeau de chèvres a ainsi occupé le terrain, pendant qu’un véhicule renversait un gamin, attroupement, cris, dédommagement direct.

Sudder Street: le jour des poubelles
Ce n’était pourtant pas le jour d’une grève générale qui a vidé les voies de presque tous les engins roulants, à la grande surprise d’un cycliste français avec ses deux énormes sacoches ballonnées comme une chèvre pleine pour qui les avenues semblaient aussi dégagées que pour l’arrivée du tour de France. Deux colonnes dans le journal le lendemain.

Cultures

Sans doute les rédacteurs anglo-saxons  des guides sont-ils attachés aux restes d’un empire, mais pour qui n’est pas sensible au victorianisme, le contexte qui l’absorbe dans un grouillement  terrible, bruits et poussière confondus, fait que les monuments ne sont que peu de chose et les parcs des friches desséchées. L’école des Beaux-Arts était déserte.
Comme la bibliothèque de l’Asiatic Society et ses manuscrits, l’Indian Museum contient des trésors. Les salles de sculpture sont envahies d’étudiants qui dessinent avec un académisme européen les icônes du panthéon indou :
Les galeries intérieures en réfection, peinture de plafond en cours, amènent des situations inédites : arrêt complet des ouvriers -forêt de grimpeurs- pour laisser passer la dame qui cherche les toilettes pour laver les injures des pigeons  et corneilles perchés sur les échafaudages et qui balanent allègrement de très haut : les mêmes échafaudages en bambou que  ceux qui permettent l’édification des immeubles : un peu de guingois et ligatures pour rétablir un déséquilibre très graphique.  À la fin du circuit, des restes de la clôture d’un stupa de Sanchi d’une échelle incroyable pour une transposition en pierre d’un système de linteaux à barres glissées suffit comme motif pour un autre voyage.








Au sud de la ville, on accède au temple de Kali, par le métro : première approche de la religion hindouiste avant de partir pour Bénarès. La modernité aurait-elle gagné la prière ?






Trajets


sur le quai

sur le quai


Le choc ordinaire conseillé par les guides est celui de la gare de Howrah, de jour envahi par des foules incroyables, chargées de mômes et de paquets. Les porteurs en rouge qui assaillent le train avant même son arrivée. Tout le long des voies de la banlieue - tas d’ordures et déchets industriels, des abris de fortune ou pas d’abri du tout pour des familles. Une vache maigre ne risque pas de ralentir la circulation.






Belles de la gare



Le hall, au matin, est couvert de rangées de “cadavres” enroulés dans des draps gris qu’on n’ose pas enjamber. Et dans cette multitude bruyante, un aquarium de poissons incrusté dans le mur de la salle des guichets.





Le dimanche, l’ordinateur des réservations fait relâche et seuls les trains au départ sont suivis par un employé derrière une grille minuscule qui déroule un listing immense pour dire :
« You see, it’s impossible. Come to morrow ».

Vue du pont !


La traversée du fleuve sur le ferry est un instant un peu magique avant de retrouver les cohues d’autobus couverts de tôles qui en augmentent le niveau sonore, nombre d’arrêts incalculables; et en cas de descente aucune garantie que l’engin s’arrête vraiment; il faut sauter en marche.


Du haut du pont en revenant de la gare, une traversée houleuse à contre-courant de la foule on surplombe le temple de Kali et le marché aux fleurs.



Des allées dominées par les senteurs de jasmin en guirlandes et la toute puissance des orangés des sortes de zinnias que certains mangent :les fleurs de fête du Mariage des moussons, vu en salle  un matin entre des gros bourgeois qui dévorent des pâtisseries de traiteurs-  au balcon; le parterre pour les plus pauvres.
















CHANDERNAGOR







De la litanie enfantine, "Pondichéry, Chandernagor, Caracal et Mahé" , les restes des comptoirs français en Inde. 
À peine trente kilomètres de Calcutta, un autre monde; un aller en train, le retour par l'autre rive , après la traversée en bac, dans un bus bringuebalant...
Le conservateur attend...








Le fleuve est bas, les berges ensablées, les pontons un peu fragiles..



Devant le Musée (poussiéreux), l'hôtel de Paris (colonial) des indiens jouent aux boules; des échoppes; l'écrivain public attend...




Empreintes de mains





Le thé



























Les bouses sèchent collées aux murs.



 Le temps s’est arrêté, un peu comme dans Le fleuve, le film de Renoir, 

mais les grands bateaux à rame ont disparu.





Femmes et enfants au bain

Il faut aller plus en amont dans le Bengale du nord. (à  suivre)
  










mercredi 12 décembre 2012

BENARES : in memoriam






La disparition de Ravi Shankar, né à Bénarès fait retour sur un passé intemporel des rites et des musiques de l'Inde.
De Calcutta, avec deux amis, dont Debesh un artiste Bengali, il était impossible de prendre trois billets dans le même guichet  et dans le même compartiment : on m’affecta dans un wagon de nonnes bouddhistes en pèlerinage pour voir le Dalaï-Lama de passage à Bodgaya, une concurrence assez fraternelle des traditions religieuses dans un territoire réduit. C'était aussi la période de Makar Mela; faute de pouvoir se rendre à Allahabad, les fidèles venaient prier ou enterrer leurs morts.


BENARES



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Marnikanika ghat















Pour l ‘ambiance  l’hôtel dominait le Manikarnika ghat, principal lieu de crémation, sous le vent des fumées : fragrances pénibles pour les végétariens. Où l'on calcule les m3 de bois, le pliage des jambes trop longues, puis le tamisage des restes dans les cendres. Les alignements de mendiants sur la plateforme voisine et aussi sur les ghats.





Trois jours de déambulations fascinées sur le parcours nord sud, en passant par le ghat « Buren » et les « laveries », 

Laverie traditionnelle






































Le ghat pour incinération moderne reste utilisé de manière traditionnelle.







"Buren"


































Partout, outre les vieux sadhou, des « néo sadhou», les ablutions des baigneurs et les vaches.

Mais quelques vieux hippies avaient oublié de rentrer au pays.
















Visite des temples, Durga et ses singes, sur le Gange  la navigation  (à la rame à contre courant) pour atteindre le Fort de Ram Nagar, gigantesque et bourré des collections d l’ancien maharadja. Les clichés ne manquent pas, mais la magie opère.


Entrée du fort
 























Concerts





Un autre objectif du voyage était l’acquisition d’instruments de musique, une spécialité locale. De nombreuses « écoles » des "ashrams" donnaient des concerts tous les jours:  le souvenir des années  70 plane encore. Public recueilli (que des Français), découverte de près des formes des sitars,  chennai, sarod et autres instruments a cordes : des raga  de nuit .
Memories !




















Un très ancien de la période Beatles  joue encore des tablas!

La pancarte de l'entrée fait foi de l'amour de George dont on connaît le lien avec Ravi Shankar.


L'homme de droite sonne aussi les cloches des cérémonies du soir...


L’assistance est obligatoire aux cérémonies du soir : Sous les parasols, six jeunes moines manipulent en rythme les encensoirs, les plumeaux, les cloches, en psalmodiant (très « Hare Krishna »), pendant que les fidèles font voguer des bougies sur des feuilles. Le temps est suspendu est on comprend que certains restent.

 






Sarnath : autre culture : dans le lieu saint où Bouddha trouva l’illumination sous un arbre , le stupa géant est étayé d’échafaudages. Dans un musée sanctuaire qui regroupe les statues, les pèlerins  défilent : le polissage ou l’usure de la pierre varie donc en fonction de la hauteur des mains et de la bouche ; si le toucher est autorisé, photo et dessin sont interdits…



 



Dans les jardins, l’on trouve
 les soubassements de constructions  de la période maurya et la colonne d’Ashoka  du troisième siècle av JC.

Sur le retour, la visite de Bodgaya laisse le souvenir d’une série de sanctuaires  offerts par tous les pays bouddhistes: un panorama des styles architecturaux. Dans un défilé un peu montagneux, des anciens assez misérables font commerce d’objets de piété et de bijoux tibétains. Le Dalaï Lama étant reparti, le site est aussi désert que le parc de jeux avec une grande roue...


Une étape à  Gaya :
 

Au détour d’une rue un prêtre Sikh et son adjoint nous invite à assister à la cérémonie.
Le temple fort modeste ressemble à une école primaire, sans statues, et aussi sans fidèles; nous étions seuls.
 Un musicien à l’harmonium accompagne les nombreux contournements de l’autel par le prêtre, qui ouvre et ferme le livre, agite un plumeau, récite des textes saints. Très énigmatique ; j’avais mis en marche un petit enregistreur (photos interdites). Vengeance divine (?) il fut volé ainsi que mon appareil photo à l’auberge face à la gare le temps d’une coupure de courant ! Ne restent que deux dessins et les rouleaux de pellicules des jours d'avant...
 













Visions de salles d'attente
et de quais de gare.






Le vendeur de jeux 
On dort d'un oeil.