mardi 21 février 2012

ETHIOPIE. 5: Les églises de LALIBELA



Biet Ghiorghis
 Le complexe religieux date du règne de l’empereur Lalibela de la dynastie des Zagoué, à la fin du 12è siècle, lorsque que celui-ci déplaça la capitale à Roha. La ville fut alors rebaptisée. 

Le projet du bâtisseur était de créer non seulement l’équivalent d’Axoum, mais aussi une nouvelle Jérusalem. La cité reste toujours un lieu majeur de pèlerinage.

On croise en ville des hommes et femmes vêtus de blanc qui vont prier dans les églises.

Le site fut ainsi creusé par une tranchée nommée Jourdain - une croix marque le lieu du baptême, en bas du « Mont des Oliviers »- 




et de part et d’autre, des ensembles d’églises monolithiques furent taillés dans le rocher de la montagne dominant la ville à 2500 m d’altitude.
Le chantier dura une vingtaine d’années, et l’on s’émerveille surtout de la technique - non de construction- mais de taille de pierre en négatif. Réalisée de haut en bas.


Une tranchée est creusée pour dégager un bloc, qui est percé progressivement d’ouvertures par lesquelles les tailleurs de pierre s’introduisent pour sculpter le vide intérieur (et sortir les gravats). Un travail titanesque, sans autre outillage que la hache et le burin, dans le tuf, une pierre relativement tendre. On constate les traces des outils sur les murs et les voûtes intérieurs. Les architectes ont pu imposer des plans très rigoureux.


Deux catégories d’édifices à Lalibela : le monolithe, le bloc géométrique est dégagé par son pourtour, qui fait aussi déambulatoire et permet l’écoulement des eaux.
L’église hypogée : la falaise est creusée horizontalement et, dans ce cas, le rocher fait fonction de plafond. D’autres églises « mixtes » (comme celle d’Abreha Atsbeha) sont creusées et complétées par une construction de pierre ; d’autres églises sont édifiées dans des cavernes naturelles en dehors de la ville.

 Le plan basilical  s’adapte aux volumes, plus ou moins larges et réguliers : et la structure intérieure correspond aux schémas des églises romanes, piliers de base carrée peu espacés et voûtes en plein cintre. Quelques plafonds plats, chapiteaux et intrados sont selon les cas laissés bruts ou décorés. Les fenêtres présentant différents motifs de croix, éclairent faiblement les nefs.


Les toits, à double pente, de faible inclinaison, peuvent être décorés de reliefs d’arcatures, ou dans le cas de Biet Ghiorghis, la maison de Saint George,  d’un emboîtement de croix grecques qui redoublent le plan de l’édifice.
En blanc l'espace de circulation, en ocre le rocher

Les églises du groupe nord : le programme théologique symbolisait le trajet spirituel du croyant, le tombeau d’Adam, son passage par les étapes concrétisées par les églises Golgotha et Maryam pour atteindre l’église du Sauveur de Monde, Medhane Alem.
Première découverte, la visite, l’entrée par un musée moderne intéressant, se fait à contre-sens du trajet, et première stupeur, pour des fins de protection, l’Unesco a construit des toits, genre salle de sport, supportés par des pylônes métalliques qui réussissent à cacher non seulement l’ensemble de la vue, mais surtout les toits, décorés d’arcatures : trouver des photos d’avant ce vandalisme esthétique... 


Medhane Alem, la plus vaste des églises : plan rectangulaire, (33mx23mx11m) se singularise par un portique de piliers massifs qui supportent une corniche, un peu comme dans un temple grec. On retrouve le motif des « têtes de singe » aux angles des portes et des fenêtres.








À l’intérieur : cinq nefs à plafond plat, rythmées par des piliers précédées d’un narthex, conduisent au  « maqda » l’espace sacré réservé aux prêtres et caché à la vue par un rideau, comme partout.




























Et comme dans chaque église, un prêtre en sort en tenue liturgique et armé des croix, et du parasol, pour la photographie (et l’obole).



Un passage creusé dans le rocher conduit à Biet Maryam, la Maison de la Vierge,
au centre d'une cour plus dégagée ou est taillé un baptistère.









Trois porches latéraux transforment le rectangle en plan cruciforme.


Les arcs, les chapiteaux et les voûtes sont décorés de reliefs polychromes, et quelques restes de peintures sont repérables (avec une torche puissante). Des peintures de différentes époques sont accrochées ou posées un peu n’importe comment.






Au-dessus du porche ouest, un bas-relief de cavaliers, très byzantin.









La cour donne sur deux autres églises, l’une fort étroite, Biet Masqal, Maison de la Croix, 














Entrée de Biet Masqal




l’autre Biet Denaghel, maison des Vierges Martyres,  fort sombre ; deux  grottes taillées dans le massif.



Biet Maryam à travers la loggia de Lalibela















Et du  côté ouest de la cour, la galerie à étage où selon la légende priait Lalibela.





































Un détour par un couloir voûté amène à 
Biet Golgotha et Debre Sina. Des degrés dans une faille étroite, supposée selon l’histoire, représenter le passage de la mer Rouge. 

Trois églises en une : la première Biet Sina, aux chapiteaux décorés, ouvre sur Biet Golgotha, 

Debre Sina










(interdite aux femmes, on ne voit qu’un relief face à la porte








la troisième, souterraine et sacrée, interdite à tous, contient des autels, les « tabots » et le tombeau de Lalibela. 

Nouveau détour, pour accéder au Tombeau d’Adam, et en contrebas l’église-grotte de Pierre et Paul ( « sans grand intérêt » donc oubliée), mais le prêtre était particulièrement chaleureux, qui exigea une photo où il tenait par le cou les deux touristes curieuses...

Le tombeau d'Adam
En se retournant dans le chemin en pente, on peut alors voir le tombeau et les fenêtres de Golgotha, et refaire le trajet en sens inverse.








Hors de cet ensemble, sur la colline, où passait un retour d’enterrement,












devant des maisons rondes à étage, et après la hutte du  copiste de manuscrits, 








apparaît  Biet Ghiorghis, encore miraculeusement préservé d’une couverture.
Le toit en légère pente affleure le niveau du rocher et la faille de 11 m fait découvrir ce bloc cruciforme (12x12m) sur un socle.  Peut-être postérieur aux autres églises, il symboliserait l’Arche de Noé.






Plafond plat sculpté, quatre pilastres d’angle, fenêtres murées au niveau bas et « têtes de singe » une porte unique à l’ouest. Les lichens ont envahi la pierre rouge d’origine.











L’accès se fait par un chemin et un souterrain clos, où le prêtre, un autre plaisantin, tenta d’enfermer ma comparse. Autour comme ailleurs, des excavations pour les ermites.















































Fin du parcours nord
































Le groupe sud,



Si le circuit précédent  parut complexe, celui du sud est labyrinthique : le plan d’ensemble est d’autant plus incompréhensible que passée la vue de l’entrée, aucun édifice n’est visible de l’extérieur. Pour certains, on accède par de vrais souterrains.














Biet Gabriel Raphael : Deux plateformes, en façade,

au-dessus d’un gouffre bordé du
"Chemin du Paradis", sur lequel on ne se risquera pas.. 





Le dédale des salles hypogées contient des collections de peintures sur toile et quelques restes de peintures murales presque effacées.



Christ à la couronne d'épines




















Ces bâtiments furent sans doute des
entrepôts avant d'être transformés en
églises.
Biet Lehem

















Une sortie pour Biet Mercurios et ses échaffaudages.














De souterrain en escaliers, on accède à une terrasse où prient prêtres et femmes, 


Entrée de souterrain et faux couloir..












Puis on replonge pour découvrir Biet Abba Libanos.







Un espace de circulation qui sert aussi pour les fidèles en raison de l'exiguÏté de l'espace intérieur entoure cet édifice de type hypogée. Des pilastres en relief, et les fenêtres aux ouvertures cruciformes ont été restaurées en raison des failles, liées au poids du rocher.

Abba Libanos
Biet Emmanuel (cachée sous un toit de plastique) un bloc monolithe à trois étages, (17x11x11m) se distingue par les façades imitant l’architecture axoumite

Biet Emmanuel

 




les bandes horizontales en relief, les têtes de singe, ces mêmes éléments se retrouvent sur les parois intérieures parfaitement polies.

















Tous les passages sont gardés, dans la méditation












En dehors de la ville, une église  Naakuto Lab, construite dans une caverne -un peu suintante- sous des bâches pour protéger le site



 







Construction de briques qui abrite des pierres creusées par l’eau qui tombe de la grotte : 








déclarée sainte, l’eau sert à des aspersions « guérisseuses » burlesques par le prêtre.
Plus cocasse que tous ceux que nous avons déjà rencontrés; les trésors qu’il exhibe ne sont pas protégés, même du soleil.



















 Le musée voisin est mieux exposé, et sur le parvis, des femmes aux goitres énormes et des enfants tentent de vendre des petits modelages : les prêtres comiques coiffés comme des panaris, les huttes, les lions. Plus de vendeurs que de visiteurs.

























Avant de quitter Lalibela, où l’on trouve enfin des tisserands,
 qui sont musulmans,











nous découvrons près des hôtels, un Centre Culturel fastueux, mais désert, ouvert en 2011 par l’Ambassade de France et le CNRS (mais dont le manager est anglophone). Y sont exposés les plans, les photos historiques des églises, et de nombreux manuscrits et peintures : optimisme ou utopie ???



Ce chapitre doit beaucoup pour les noms, plans, mesures, dates, à l’ouvrage ; « A guide to Lalibela, Arada Books, Addis-Abeba, 2009, ainsi que pour les épisodes suivants au guide Olizane et à L’Ethiopie, archéologie et Culture, de Jules Leroy, Desclée de Brouwer, 1973.
Et à  notre guide Fanuaile d’autant plus compétent qu’il faillit devenir diacre...


Biet Maryam, décor de voûte