samedi 9 mai 2015

KIRGHIZSTAN, Printemps 2015


"Manas complex", Bishkek

Quatorze ans après la première découverte d’un pays un peu mythique, entre le rêve de la Route de la Soie et les sagas des invasions , une plongée dans la réalité. Contrastée.

1er Avril  !



Froide, d’emblée, chute de neige et des températures le jour de notre arrivée, le dimanche des Rameaux. Moins onze. Huit jours plus tard, le printemps devint chaud, puis très chaud.
Étant invitée à donner -gratis- des conférences pour des étudiants en art et en français, ce fut une suite inédite de l’histoire à épisodes des relations avec une étudiante Kirghize devenue journaliste. L’amie Michelle, curieuse, m’accompagna, ce séjour était l’occasion de voir l’évolution du pays. La langue russe est toujours officielle, et quoi qu’on écrive, peu d’habitants pratiquent l’anglais.

Manas.


La capitale Bishkek, a peu changé ; certes, devant le musée historique, dont les extraordinaires peintures et reliefs ont été restaurés, Manas a remplacé Lenine, rétrogradé au fond du parc.

La statuaire officielle s’est augmentée du monument édifié en mémoire des morts de 2010, lors d'une série d'émeutes. 
Les tensions à Osh avaient déjà fait de nombreuses victimes; en 2005 les opposants au régime du président Akaiev engendrent une « Révolution des Tulipes » ; puis en dépit d'une démocratisation, les manifestations contre le président Bakiev, accusé de corruption entrainent sa fuite. 
 Après l' intérim de Roza Otunbaieva, en 2011, le nouveau président Atambaiev se veut ouvert, mais n'a pas résolu l'énorme retard économique.







Monument à la Révolution de 2010,  Chui Prospekt.

Musée Historique




La légende Gagarin.
La restauration des décors du Musée Historique remet en images la révolution soviétique, jusque dans les moments plus récents, pour les peintures de plafond. Des manifestations contre l'arme atomique (??) après Hiroshima au début da la conquête spatiale.
Gagarin était l'enfant de Bokonbaevo. (cf. infra)
















En ville, des cafés et restaurants de cuisine internationale (on passe sur les cantines halal) proposent des menus à des tarifs inaccessibles pour la majorité de la population. Comme toutes les enseignes internationales de la mode; magasins assez déserts.
Le meilleur restaurant était arménien, décoré de photos des monastères. Ailleurs pizzerias, aussi chères qu'en Europe. Les petits piroshkis fourrés à la viande et surtout aux oignons restent la base.

Chaîne télé ...
Autre chaîne télé : imam kirghize


















Dans la perspective de la venue d’étrangers, des propriétaires ont rénové des appartements dans les blocs d’immeubles soviétiques, cages d’escaliers innommables, avec ou sans ascenseur), afin de les louer : au prix d’entre 20 et 50 dollars par jour, le calcul est tout bénéfice.


Avenue Moskoskaia, 3 avril.

Mais l’accueil est étonnant : ainsi, au très petit matin, notre chauffeur de taxi, faute de trouver l’adresse nous amena chez une dame charmante qui, après un café, nous installa dans son lit avant de nous faire transporter en « taxi »  à la bonne adresse. Tout le monde prend des passagers pour payer l’essence et des petites voitures japonaises inondent le marché, avec ou sans licence. Les Lada sont en voie  d'extinction. Impeccable, confortable, cuisine équipée, TV, cable, Wifi ,  déco tristoune, mais le luxe et l'autonomie d'un grand studio, dans le centre et près d'un petit marché pour les courses.






Marché d'Osh: le pain à 17 som


Un système économique exsangue : sur les trottoirs des vieux essaient de vendre trois bouts de ferraille, les dames deux poulets ou six oeufs. Le soleil revenu, des fleurs du jardin.





Le pain ne vaut "que" l'équivalent de 30 centimes d'euros, la livre de viande cinq euros. 
Un menu standard dans un restaurant halal, cinq euros, une pizza "italienne", dix euros.
Une bouteille de vodka, trois euros.

Rayon boucherie, l'uniforme.










Au marché d'Osh, à l'ouest de la ville la boucherie a été rénovée après des scandales de viande de cheval frelatée. Les vendeuses, joviales, sont plus nombreuses que les clients.
















PEDAGOGIE.

Avec des salaires plafonnants à 100 dollars pour les enseignant(e)s, les profs que nous avons rencontré continuent au delà d'un age d'une retraite aussi improbable que la sécurité maladie.

Ancien théâtre (sans chauffage)

Au cours de danse











Une première semaine guidée par Jyldys, traductrice inestimable, fut consacrée à parcourir la capitale et visiter des établissements d’enseignement.





Constat, les bâtiments n’ont pas été rénovés, les linos d’époque soviétique laissent voir des planchers fléchissants, des armoires bancales dans des bureaux où quelques enseignants travaillent avec des étudiants sur un coin de table.


Centre chorégraphique. La tradition des petits rats.







Dans un atelier ouvert de l'École de cinéma, un groupe d'expression corporelle s'entraîne  sur "Be bop a Lula". 

On rajeunit..



Musée de l'école d'art et d'artisanat






Une école d’art (et d’artisanat) The Kirghize State School of Art, tranchait avec cette situation : comprenant un petit musée, des salles équipées, des responsables dynamiques. Un public attentif et intéressé. Une production assez académique cependant, mais un désir de changement. Ce fut un excellent moment.






Kirghize Art School, le 3 avril.






L’Université Américaine d’Asie centrale, site de Bishkek, payante, offre des équipements modernes dans un ancien bâtiment officiel. La faucille et le marteau ornent encore la facade. (no photo)











Version ultra contemporaine. Après "Game of thrones"?







Dans ces deux lieux, mes interventions sur l’art européen du début XXe à nos jours a produit l’effet de l’apparition d’un ovni. Malevitch n’est surtout qu’une marque de vodka...



























Les parcs, jardins et boulevards sont truffés de sculptures, mais le contexte artistique reste cantonné à une tradition de bronze réaliste soviétique, ou de sculpture de pierre volontairement primitive, genre balbal, figurant les poètes et les « manaskis» célèbres.

Néo figuration au Musée Historique






La culture des nomades fait l'objet d'un culte , un revival, à la fois figuré dans l'histoire au Musée historique, ou comme spécialisation autour de l'épopée de Manas.

CE héros mythique de l'indépendance du peuple kirghize, contre les chinois et les mongols a fait l'objet d'un récit fleuve (trois jours de récitation) à la fin du dix-neuvième. Il irrigue toute la culture du pays, (et la statuaire) depuis l'indépendance.




Entre Manas et Shakespeare.












Le conservateur d’un petit musée consacré aux conteurs et acteurs, nous consacra des heures supplémentaires, en VO.  Ses collections de photos et d’instruments de musique, le Komuz, complétant les connaissances des voyages précédents qui étaient en musique.
Pratique des rues, internationale,







L’état du Musée d’art moderne est désastreux, les galeries autour des places exposent des peintures dont la « modernité » remonte à une tradition paysagère du dix-neuvième, et quelques visions folkloriques pour touristes (chinois nombreux).








et spécialité locale.





Un site improbable, construit par l’Unesco en 99 en dehors de la ville est consacré à Manas, pour des festivités actuellement restreintes à quelques repas de mariage.




Néo minaret











Des armées virtuelles ?







Après une entrée gardée par une série de tourelles censées figurer des casques de guerriers, voir photo du titre, trois grandes yourtes dominent un terrain aménagé de gradins colorés très déco post-moderne; un minaret d’un style moulin, signale une mosquée obligatoire.

Repas de mariage .

Dans la capitale les signes d’appartenance à l’islam sont assez peu visibles. La république est officiellement laïque. Peu de femmes portent le voile noir – quelques très rares étudiantes, alors que le modèle « fichu » noué de paysannes ouzbekes est commun. Le bonnet de fourrure était de mise de ce froid.

Manas complex, la yourte musée.





Après cette semaine sociologique, y compris un passage par les urgences de l’hôpital aussi vétuste que les universités, mais soins efficaces, facturation 10 dollars y compris l’ambulance, il était urgent de voir ailleurs...













VERS L'EST .

Les conditions climatiques imprévues -comme le reste, nous ont fait renoncer au trajet des cols vers Osh, au profit de la région du lac Issyk Kul : taxi partagé au départ du marché, la route traverse la première chaîne de montagnes ocres - arrêt buffet- puis longe le lac par le nord :





Cimetière musulman

Les arrêts de bus ont déjà fait l'objet de travaux artistiques, mais il me manque du temps pour les collectionner.



Il y a plus de cimetières que de maisons dans les villages le long des routes ; les mini-mosquées aux coupoles métalliques poussent un peu partout - une prolifération récente, version verte ou bleue.







Cathédrale, dômes repeints







 Karakol :


Notre aubergiste -un néerlandais installé depuis quelques années avec sa femme kirghize- bricole dans son terrain ; « la saison du ski est terminée , celle du trek n’a pas commencé ».




Dévotions








Nous sommes seules touristes égarées dans des rues vastes et poussiéreuses. La messe orthodoxe du dimanche de Pâques était à notre programme. 






Belles voix de femmes pendant trois heures, les gens vont et viennent ; de fait les physionomies, la couleur des yeux indiquent que nombre de soviétiques sont restés dans cette région qui fut une colonie, les petites maisons en témoignent, en même temps que des lieux de villégiature ou de sanatoriums.


Mosquée "chinoise" des Dong, début XXè




Marché




Moins traditionnelle, la mosquée Chinoise: sa superbe gouttière et le minaret de bois peint. 





Ou encore le centre commercial "Santa Barbara". 
Santa Barbara

















les chevaux de Prejvalski



Dans le parc consacré à l’explorateur Prjevalsky, dominant le lac et une base militaire, deux chevaux, dont nous n’avons pas vérifié la race, mangent la neige des congères et tentent de racler ce qui reste de végétation.

En contrebas du parc, 
des familles entretiennent les tombes du cimetière « marin » tout bleu.



Autre bestiaire : le musée












Un petit musée proche du centre, parfaitement
hétéroclite, entre collections anthropologiques, portraits de potentats, animaux empaillés,



il consacre une vitrine à Ella Maillart. Exploratrice et cavalière.






Ella fumait le pipe ?





Des monts célestes, on ne verra que des sommets enneigés, de très loin, et des sables rouges, un avant-goût vite déçu :














La vallée de Jeti-Oghuz et ses sept taureaux, dédiée aux randonnées est impraticable ; la vallée des fleurs est dans les congères.













Après le « Coeur brisé », une formation rocheuse, l’entrée du sanatorium -fermé- est gardée par un vieil homme qui nous accueille avec «Françaises, ah, Jean-Jacques Rousseau, Jean Paul Belmondo, Jacques Chirac, Robespierre »....
Dans le parc gelé une Diane Chasseresse complète le tableau culturel.



Au sanatorium...


Petites mosquées de campagne et écolières.

BOkonbaevo
La gamine de la maison d'hôte.






Au sud du lac toujours, et après quelques heures de minibus, ce petite ville a des allures de grande, mais se vide totalement dès cinq heures. Aucun hôtel et pas d’internet sauf dans un bureau aux machines ante diluviennes pendant deux ou trois heures.


Le début du printemps modifie les horaires ; après 16 heures, tout le monde rentre s’occuper de ses plantations , des réparations des maisons et de ses animaux, la saison de mise-bas des bêtes.
Les élèves quittent l'école à quatorze heures. Pour certains la route est longue.






Haras, la saison des poulains




L’accueil est en revanche comme partout,  superbe : un correspondant de l’agence de tourisme, (fermée, ce n’est pas la saison) appelé par téléphone par une dame inconnue qui passait dans la rue nous trouvait en dix minutes un taxi, une chambre chez l’habitant et la réservation de chevaux pour le lendemain.











Un ami de cette famille nous escorta pour trouver un restaurant (et de la bière -ailleurs) puis inventa une « excursion » sur une piste de montagne pour voir, selon lui , « le dernier village avant la chine ». Et encore quelques cimetières. Le répertoire des constructions est infini et fascinant.




Au retour, nous étions attendus pour son repas d’anniversaire, en famille. Ce personnage nous révéla qu’il était ouzbek, pro russe, ancien du KGB et de l’Afghanistan et néanmoins musulman chiite et trafiquant de pierres ou d’or ... un roman d'espionnage sur pied !

Au haras, la cuisine.






La randonnée à cheval du lendemain, avec un guide sur des montures un peu fatiguées dans le brouillard et la steppe nous conduisit dans un haras, où là-encore le goûter était servi.










Cimetière proche de Bokonbaevo, fresque chevaline et yourtes en cage.

Juste un nuage, pas d'atome..










Dernière étape avant le retour, le site de Burana. Edifié au XIe siècle, le minaret, seul vestige domine un champ de Balbals, stèles grossièrement sculptées de personnages moustachus dont certaines remontent au Ve siècle.






Plein soleil, chaleur écrasante.
 Cet ancien minaret fait maintenant l’objet de visites scolaires. Une poignée de touristes étrangers annonçaient sans doute le printemps.


Pour les séjours dans les camps de yourtes, il faut attendre fin juin, ou rêver ou revoir les images des séjours précédents.
Celui-ci était aussi passionnant que différent.