samedi 12 mai 2018

LE TEMPLE et LE JARDIN. JAPON. 7/7.


Selon Kükai, « La nature entière contient le Bouddha: Les plantes et les arbres sont eux-mêmes des corps spirituels ».                           

1. Nara :  Un Monde bouddhiste à venir:

 Capitale de l’empire, des 7è et 8è siècles, dans le moment d’adoption du bouddhisme par l’empereur Yomei, comme religion officielle,
Porte sud du Todai-ji : 
La cité, sur un plan quadrillé , abrita plusieurs temples importants de sectes concurrentes : détruits ensuite ou reconstruits, à cinquante kilomètres au sud de Kyoto.
 Première étape d'adaptation de l’architecture de Chine et de Corée pour élaborer un style japonais :


Le  Todai-ji


Au milieu d’un parc  habité par des hardes de cerfs ou daims -gourmands- une séquence de trois bâtiments dans l’axe compose ce temple sur terrain plat et très dégagé. Un étang reste à l’écart proche de bâtiments annexes. construit en 743 par le bonze chinois Dosen, puis le bonze Ryoben, écrivain et peintre.



La porte monumentale  le  Nandai-mon  abrite les deux NIO,  1203,  de 8m40 de haut  (oeuvre de trois  sculpteurs  de l’ école Kei ,    technique d’assemblage  «yosegi-zukuri ». 
noms charmants de Kokei Unkei, Kaikei et Jokaku..








Lanterne, époque Heian.





A l’abri derrière un grillage:  cartes postales pour apprécier la facture et la musculature héroïque.




Au bout d’une allée, Une porte incorporée dans l’enceinte qui délimite l’espace sacré: 
















enfin le temple,  le  « kodo »  précédé d’une  lanterne de bronze  sangatsu-do, s’élève sur un soubassement de pierre
La plus grande construction en bois répertoriée, à deux étages: un double toit couvert de tuiles, surmonté de deux «cornes » : les « shibi » dorés.


 dieu de la mémoire et des artisans.
La salle du culte «daibutsu-den »  un espace unique abrite la statue de bronze de Vairocana, posé sur des fleurs de lotus gravés, le bouddha universel- et ses deux assistants symétriques, de la religion bouddhiste font face à la porte sud. laquelle statue aurait ruiné le trésor) 

Une autre statue monumentale du roi céleste Bishamon-ten , (XVIIè siècle, après une nième destruction et une  nouvelle restauration) nous domine de toute sa hauteur.


















Sous l’auvent - il pleuvait- couverte d’un petit capuchon, une statue de bois en différentes pièces aurait la vertu de guérir les fidèles de maux localisés (pas efficace pour mon genou)..

Impressionnante contre-plongée.

structure  et  construction :  

Les piliers dressés sur les fondations de pierre, soutiennent des poutres par l’intermédiaire de consoles. 
D’une hauteur considérable, et dans la salle du bouddha, le temple mesure  57m de large sur, pour 48m de haut. 

Dans la porte, on peut voir l’élévation des  charpentes. Dans le temple, sur plusieurs registres, elles apparaissent comme décor de façade.



Des consoles superposées complexes permettent de soutenir la toiture en «encorbellement ». 
du genre  "tsume-gumi", qui font animation plastique. (le principe est développé à Nikko de manière figurative.).

Une forme d’auvent  courbe à la mode chinoise domine l’escalier central.


Au cours des siècles suivants, l’architecture des temples évolue, sous  l’influence  de l’architecture primitive  shintô :  les bâtiments en bois sont construits sur pilotis,  sans effets décoratifs, précédés de galeries qui relient les bâtiments; comme à  Miyajima.  
Rouleau illustrant la fondation de sanctuaire Kitano Tenjin, daté de 1538, Musée Guimet. 
La maison idéale: situation.

  
Protégées par des auvents,  ces coursives se font terrasses. 
 Les toitures plus ou moins pentues aux angles retroussés déterminent un style japonais spécifique.

Des pièces quadrangulaires mesurées au nombre de tatamis;  des cloisons mobiles séparent les pièces et remplacent les volets  à ouverture à bascule.







Autour de cette maison, en version récente, dans les vallées du  Chubu; les cultures noyées:  il n'y a pas que des "jardins secs", mais aussi bien ratissés.



Ce type de construction commun à l’architecture civile et aux palais des notables, doit intégrer la vision de la nature et d’un paysage « construit ».
À droite, autre rouleau de la même série.








            2. Le style Zen  dans l’architecture:

Maison du gouverneur, à Takayama.



 Le daimyo étant fort cultivé, organise son palais de sorte à incorporer la vision du dehors/ ici in Kagemusha, le chef de guerre, Shingen.


En lien donc avec la nature, le temple, comme la maison, ouvre par des galeries couvertes sur des espaces de jardins très élaborés.  
Jardin sec pour la méditation face au logement du prieur, et jardins d’arbres de différentes essences, soigneusement entretenus, des étais et échafaudages les conservent en place. 

                               
Le Ryoan-ji 

construit en 1450 par  Hosokawa  et  son fils.  dans la période Muromachi, de développement artistique,  juste avant Edo.  
 Ce temple  de la branche rinzai,  construit sur pilotis,  incendié en 1797 puis reconstruit. 
Les pièces de prière sont closes de panneaux coulissants décorés de peinture de l’école de Kano. 





«Temple du repos du dragon»,  
 il incorpore le célèbre jardin sec  de style « karesansui »:

  
15 pierres sur kaolin; groupées  selon un rythme  5/2/3/2/3;  que l’on ne peut voir d’un seul coup d’oeil.

Dans les allées qui entourent la construction, le  tsukubai, 

un petit bassin cercle/carré  gravé de 

4 kanji : wara nada taru wo shiru :  
« je connais seulement la satisfaction ».  
  




























Un étang, sur son ilot un petit sanctuaire sous un torii et une statue de bouddha dans les  bosquets. 
Le  plan montre l’importance des jardins autour du temple et de son jardin sec. Il en va de même au Kinkaku-ji.
L'étang et l'ile du Ryoan-ji. Le temple n'est qu'un petite partie de l'ensemble du territoire du monastère,                                   

Le pavillon d’or  
Reflet sur l'étang.
 Construit en 1397 comme résidence pour Yoshimitsu (ancien shogun, mort en 1408) fut à sa demande transformé en monastère zen : l’actuel Rokuon-ji.
 Ce monastère de l’école rinzai. aurait conservé des reliques du bouddha de la  période Heian.
Plan  d'ensemble du Rokuon-ji
 Le pavillon, sur trois niveaux: une toiture en lauzes de cyprès.
-Un rez de chaussée de style shinden. (habitation simple)
-Ier étage :  « Cho-on-do » sur le modele des maisons de samouraï avec galerie extérieure.
-2e étage:  salle de prière zen, Kukkyo-cho, de style Karayo.  aux fenêtres polylobées est surmonté d’un phoenix, fenghuangle tout entièrement recouvert de feuilles d’or..
Selon Mishima, ce duo de pins évoquerait un navire ??

un pavillon de pêche sur le coté donne sur l’étang. : Le Miroir d’eau.


Pour la couleur..













Ce site du roman de Mishima, (incendié en 1951, par un moine schizophrène et reconstruit en1955), démontre le raffinement (et la richesse)  de potentats guerriers. 
La  réflection du pavillon et des arbres dans l’eau de l’étang devient objet de réflexion un peu mystique. 
Petite pagode sur une ile.

                                         3.  Au Mont Koya


L’ensemble des temples construits sur la montagne au sud d’Osaka, furent commandités  par  l’empereur Saga en 816,  pour la secte zen du courant  shingon, fondée par le  moine  Kükai  (Kobo-daishi)  dit  KüKai,  de la période Heian.  
Fronton de l'entrée du Kongobu-ji, période Édo.











Ce fondateur de la secte  "shingon", mort en 835, revenait d'un voyage en Chine. Son compagnon Saïcho, fonda une autre secte dans les colonnes du nord de Kyoto. 
Il contribua à l'élaboration d'une écriture japonaise spécifique.



     le Kongobu-ji
Le « temple de la montagne du diamant » , fut construit  
par Toyotomi Hideyoshi, en mémoire de  sa mère  en 1593.





Une construction de vastes salles de conférences, (le temple est devenu une sorte d'université) et de prières reliées par des coursives. 
 le logement du supérieur donne sur un jardin sec  :
Ce jardin de pierres -le plus grand  du Japon; 140 pierres   « banryutei »  , symbolisant  une paire de dragons émergeant des nuages.  
Le jardin de pierres cerne tout les bâtiments, au coeur de l'ensemble architectural.








Comme au Ryoan-ji, les panneaux peints  par  Kano Tannyu, et des peintres plus tardifs,  figurent des paysages, en rupture avec l'ascétisme du jardin. 
À l'intérieur du monastère dans lequel nous avons passé une nuit, le portrait du bonze fondateur veillait au réfectoire. 
Décor plus récent: un peu de couleur !!!

                                         LE CIMETIÈRE  OKUNO-IN

  
 Contient le mausolée de Kükai; et des milliers de stèles , 

des jizo anonymes, petits bonnets et bavoirs rouges, édifiés pour le salut des âmes perdues et aussi pour la protection des voyageurs, mettent un peu de couleur, et
voisinent avec des tombeaux des magnats de l’industrie (même la bière) ou des héros guerriers. 


Deux temples (no photo)  plus un sanctuaire fermé :belle charpente.

des bassins de purification peuplées de statues des bodhisattvas et saints.














Une pyramide de petites statues de bouddha/ 
nombreuses petites pagodes de pierre symbolisant les éléments : terre eau feu, éther.. 
Vieux couple pour l'éternité.















Le cimetière  comme promenade sous des arbres gigantesques: la valeur de l’ombre. 


  4. PEINTURES et JARDINS :  



une continuité esthétique de l‘intérieur et l’extérieur ordonne les architectures : si le temple se fond dans la pénombre, le jardin incarne la lumière.

Dans l'architecture contemporaine, la tradition demeure. (Jour gris) : poteau/poutre et jardin plus ou moins sec... : vu à Nagoya dans un hôtel.
Branche de cerisiers "rampants", période Muromachi, au Ryoan -ji










En peinture, les paysages symboliques introduisent la nature dans les pièces de prière ou de vie:   
(toutes photos prises - pas très légal- dans les temples visités)


Images des saisons: 


printemps, fleurs et branches; 
automne et couleurs; 
l’hiver : 

un peu d’histoire: la chine de Kükai:  
des vues de montagnes  imitées de la peinture chinoise, et les jonques. 







Au Kongobu-ji.







L’école de Kano  (1602-74) rayonna dans les bâtiments de l’époque Edo: la mise au point d’un répertoire de motifs, sur fond or . 


          
 5: Des jardins  pour le plaisir du prince et des populations



Intérieur  ou extérieur , le grand et le petit jardin figure 
dans les maisons d’aristocrates ou les palais des villes:  

le Nijo-jo à Kyoto: on a vu la symbolique des tigres et  des pins sur les panneaux coulissants: mais dans le grand jardin qui entoure le château construit au début de l’Ère Edo pour Tokugawa: tous les points de vue modifient l’ordonnancement de la nature.


coulemelle ...


L’art du jardin est très réglementé dans la distribution des éléments: 
le pont, les rochers, la cascade, l’étang, les bosquets d’arbres, dont les pins, les jardins de mousses, et la forêt de bambous…
















Grands jardins de promenade, proche des palais, mais ouverts: 
dans la déambulation, la rencontre avec les pavillons et maisons de thé. 


LE KENROKU-EN  À Kanazawa.


Établi par le gouverneur Toshitsune au XVI è après la construction du château et le creusement de canalisations.

 On  traverse les étangs et leurs ilots, refuge des canards,  pour accéder à la prairie des pruniers.




Au détour d’une hauteur, la cascade,  et quelques pagodes de pierre. : des étais et tuteurs, et des petites mains pour nettoyer les mousses.














Les invisibles















Au fond du jardin, le mur d'un théâtre et son program, juste pour une note de couleur. 

Et quelques contorsions: 
Pour la conservation d'arbres centenaires.















À Nara, serpent végétal sans âge.
Le jardin Impérial de Tokyo
en dehors des murs du palais impérial, ouvert à la promenade, en particulier pour les cerisiers de  Sakura; toujours lieu de fête..


Si le jardin inspire la littérature, le premier chef d'oeuvre du genre serait : 
"Le dit de Genji" de la poétesse Murasaki Shikibu au Onzième siècle: une illustration contemporaine en rouleau tissé de Itaro Yamagushi, vers 2000. Musée Guimet. Pour ne pas en finir avec le Japon et les cerisiers..