jeudi 3 janvier 2013

BENGALE, Murshidabad, Inde 2





BENGALE Occidental

Escapade : fatiguée du bruit et de l’agitation de Calcutta, j’ai sauté un jour dans le bus du coin de la rue, direction le nord, pour voir la région des palais le long du Gange ou du moins son bras, la Hoogly, et trouver, peut-être, l’ambiance des films de Satyajit Ray.

Murshidabad.

Les petits guides
Sirajuddoulah 1756

Très proche (trop) de la frontière du Bengladesh
le site de Murshidabad fut au dix-huitième siècle, la capitale du Bengale, sous le règne d'une dynastie de nababs, les Murshi, qui furent "ratissés" en 1829 par les Anglais à la bataille de Plassey, pour récupérer leur domination, Calcutta étant alors le centre du pouvoir.






Les palais tombent en ruine, suintent et noircissent, ne sont visités que par des touristes locaux : les enfants servent de guides, dans une langue insaisissable qui ne permet pas de saisir la subtilité des joyeux génocides en famille. Mais la domination musulmane ne s'opposait pas aux autres religions. Ainsi mosquées temples et palais coexistent.






Katra mosk
Après le bus (trois heures, cent kilomètres), un rickshaw auquel je tente de m’accrocher, deux mains agrippée à la barre de la capote, une demi-fesse sur les genoux du voisin et la jambe gauche au-dehors, sans perdre le châle qui compense une fraîcheur certaine. Tant que les véhicules d’en face ne rasent pas, on arrivera tous les neuf. C’était un quatre places. 



Quelque part "en ville"


On double les charrettes à cheval, puis on traverse des places un peu "destroy".












L'état de désolation se perçoit à chaque tournant.








Imambara


Transfert dans un cyclo pour arriver dans la ville basse. Devant l’énorme «Imambara », deux gamins mangent (quoi ?), à même le sol à côté d’un feu de bois mourant, il faut passer devant le « Police guest house » et son néon pour trouver le Mangusta
. Accueil  jovial dans le crépuscule du patron qui se déclare « jardinier à la française ».

Première sortie nocturne à pied dans la ville ponctuée de petites mosquées bleues un peu lavande comme le bleu à linge avec lequel ma grand-mère se rinçait les cheveux, pour découvrir à vingt mètres d'un cinéma au néon faiblard, un gigantesque portique réduit à des colonnes doriques  et un plafond; une échelle constantinienne. Un groupe d'hommes roulottent des beedies (biri)






Ceux-là fagotés ne seront pas vendus sous le label d’un distingué professeur (interchangeable homme bien rasé portant fines lunettes) qui en garantit les bienfaits pour la santé. À deux roupies soit un dollar le sac de vingt paquets de vingt, combien gagnent-ils ?

Une femme attend encore les clients pour ses tomates et légumes sous une autre ampoule : moins épaisse que le pilastre sur lequel elle s’appuie.
Le lendemain, ce lieu demeurera introuvable. Une sorte de rêve fellinien. Les boutiques à thé fonctionnent dans le noir. Des vieux croupissent.

Mausolée de la Bégum




La tournée intégrale des sites -à pied- pour prendre le temps de flâner, sous une chaleur moite malgré un ciel couvert entraîne loin de la ville sur des routes de campagne.






L’enquête continue sur le traitement des bouses de vaches; la variété des méthodes de séchage, et de rangement est surprenante. Nous avions déjà vu les mains plaquées le long des murs, mais ici c’est la quenouille qui domine, ou les lingots alternés ou encore des barres verticales comme des contreforts de cabanes précaires.













Les palais décadents rococo se succèdent -jardins peuplés de sculptures – copies de Michel-Ange. Des noms de rêve : Hazarduary Palace, tombe de Murshidkuli et de Nimokharam Daury, Nasipur Rajbari… tous d’une échelle incroyable.


Dans une école religieuse sikh, sont entre posées des marionnettes géantes. L’usage n’est pas spécifié par le gardien (qui pose avec charme).

Le surlendemain, croisière imprévue: les appels du haut-parleur de la “station nautique” captent les clients qui vont visiter le tombeau du saint local sur la rive d’en face, avec des arrêts compris dans un site doublé d’une sorte de parc d’attractions : des touristes indiens descendent et remontent, la photo de groupe est incontournable.
Pour quelques roupies, deux heures de « paix »  sur le fleuve (dans un bruit et une fumée d’enfer) sur un plateau de bambou posé en travers d’une barque.  

En revanche, faute de pèlerins, la visite jusqu’aux tombeaux à une dizaine de kilomètres en amont m’est proposée à 30000  roupies, soit un trajet en avion sur des lignes intérieures : je renonce... 
Il aurait fallu louer un vélo et longer la rive, mais mon hôtelier ne m’avait pas donné ce tuyau.


la buvette de la gare routière












Au retour par Berhampur, l'arrêt se prolonge dans la gare routière; un coiffeur officie sur un fauteuil d'époque, et je me trouve contrainte de tirer le portrait de tous les hommes en attente d'une coupe, d'un thé ou d'un bus. Mon carnet devient carnet à souche, car ils prennent les dessins avec avidité, quitte à les plier en huit dans la poche de poitrine..












Tagore surveille





A Sankiniketan, le centre d'études, un campus très british, est fermé en raison de l'anniversaire. De toutes façons, il est interdit de photographier dans la maison-musée du pédagogue et poète. La secrétaire de la bibliothèque me trouve un lit dans un dortoir désert. La galette de la gargote du coin est délicieuse et l'eau est fournie par le Rotary club!












Autre changement, autre train, autre animation, en repassant par Calcutta pour atteindre le site de Bishnupur, ou Vishnupur, selon les graphies.
Sujet iconographique non conforme (Murshidabad)












BENGALE , VISHNUPUR, Inde 3


VISHNUPUR

Suite du tour du Bengale : après les royaumes des nababs, et le site de la culture éclairée de Tagore, une découverte d’un site exceptionnel.
Rien dans les guides - ou si peu , le nom de quelques temples dans la douzaine signalée : Ces temples en terre datent des XVIIè et XVIIIè siècles lorsque la ville était capitale de la dynastie hindoue des Malla.
La ville elle-même, une sorte de bourg de campagne, est un réseau de constructions hétéroclites, certaines maisons ayant récupéré des mini-temples comme étable ou boutique. 


Les voyageurs du compartiment faisaient le trajet de Calcutta tous les jours : trois heures dans chaque sens. On comprend pourquoi les bureaux n’ouvrent pas avant dix heures et la population entière de Calcutta semble refluer vers les gares dès seize heures ; à 10 heures du soir, plus de bus de banlieue, les rues sont vides –les trottoirs peuplés de dormeurs. Un gamin assure l’animation, sans contrepartie.


Après 20 minutes  de pédalage d’un cyclo étique et quasi sans chemise, plus de trous de que pleins, dans la nuit presque noire, l’accueil charmant à l’hôtel : le lit de dortoir (vide) au tarif mini, et surprise, dans la salle à manger où l’on me propose -après avoir vérifié que je n’étais pas végétarienne-  comme en contrebande, une bière;


 à la table voisine deux femmes : une indienne en sari et une allemande en noir ; nous avons donc trinqué, et bavardé sur l’architecture.





La tournée des temples, remarquablement conservés, nécessite un plan. Au détour de la première route, des musiciens, chennai, tablas, comme au concert. Dans le terrain vague qui entoure le premier temple, on m'invite dans une maison à terrasse où quelques fillettes apprennent à danser avec un maître de musique. Autre culture.












Plus loin, un éleveur pose devant ses vaches de luxe grasses et enrubannées.  Sur un mur, un relief peint très enfantin rompt avec l’iconographie des temples.
L'architecture des temples est variée, mais l'emploi de la terre cuite est commun.




 Devant chaque temple, des femmes en saris assurent le nettoyage et l'entretien des fleurs.


Madammoya temple
 autre temple gigantesque à coursives :
Brasmansha
Des constructions en forme de hutte simple ou double à toit retombant. Les murs peuvent être courbes avec ou sans piliers, selon des plans variés.

Shivaram temple





Surmontés de dômes et toujours montés sur des  niveaux de podiums à degrés.
Des interdits : ne pas marcher sur les bases, ne pas dessiner. mais photos autorisées (??)


Murulimohan






Aux quatorzième quinzième et seizième temples, assez loin hors de la ville l’attention diminue et les rapports aux gardiens sont très différents.


Bjoramundir
Un vieil homme s’enquiert, non sur les raisons de mon intérêt pour cet endroit, mais depuis combien de temps j’ai fait une coloration des cheveux, est ce que j’avais les cheveux noirs avant,  mon age, (une remise moyenne de 15 ans fait du bien au moral),  mes dents vraies ou fausses ... Les hommes en effet se teignent en noir jais, mais le produit à base de henné tourne très vite à la carotte sur fond blanc.

Ultime retour à Calcutta, sa gare, et encore des portraits, puis le transit à Dacca en régime suspect : en chaussettes, car chaussures et appareils photo  étaient retenus à l’entrée en raison des attentats récents, même traitement au stop de Bakou : moralité,  planquer les pellicules et prendre des sandales ou rien …