Pour un premier voyage en Inde, débarquer à Calcutta, à
l’invitation de Debesh Goswami, procure des surprises en dépit de tous les
documentaires, la littérature et les idées reçues. Dans l’avion de la compagnie
Biman Bengladesh, un Rennais venait prendre des cours de chennai. Mon voisin
venait s’approvisionner en plumes pour la pêche à la mouche,
car « les cous des poules du Mali sont massacrés pour la casserole,
ceux d’un pays végétarien sont préservés, j’ai abandonné là-bas, (sic )».
Visiteurs |
Trois générations |
Les mères |
En face une école primaire, grillagée aussi, où les mères s’accrochent, après le passage des
institutrices ; quelques arbres tropicaux, des fleurs pour décorer l’autel
dédié à la déesse. Les voisins vaquent dans la rue, ou attendent. Les
triporteurs circulent. Leur déclinaison est nombreuse : le dernier endroit
-sauf a vérifier- où l’on peut user un tireur de pousse-pousse à pied comme
dans les reconstitutions pour le
cinéma était encore le quartier de la mosquée de Calcutta.
Le modèle de véhicule à plateforme tiré par un vélo où peuvent
s’entasser selon les cas dix personnes, douze bonbonnes de butane ou encore
deux balles de paille, peut être aussi équipé de hauts parleurs permettant la
vente d’objets de piété. Des
Shiva, Durga, Ganesh de terre cuite sous globe (une ampoule longue durée de récupération).
Un cinéma de quartier -fauteuils défoncés habités par des
parasites- donnait un film en
hindi non sous-titré (la langue de
la région est le bengali), une invraisemblable histoire de Tarzan, filmé le
long d’une route goudronnée.
Le bonheur est de se réveiller au son des tablas, de l’harmonium
et du chant traditionnel du frère et du neveu.
Dadidadidadida…
Sudder Street |
Sudder street: à la pompe |
En
janvier, la saison musicale à Calcutta rassemble les meilleurs artistes, la
durée des concerts (gratuits) exclut un retour de nuit. Le plus simple est de
dormir au centre ville.
Le touriste se fait rare ou alors c’est un cas un peu bizarre de
voyageur en transit ou
d’humanitaire qui loge à l’armée du salut.
Les deux catégories ne se rencontrent guère que dans Sudder
street, rue qui contient la plupart des hôtels pas chers et quelques autres
luxueux. Ceux où l’on peut boire une bière en terrasse.
Notre guest-house
très cheap, en étage (il faut enjamber les dormeurs sur le palier)
est tenue par des sikhs - sauf le caissier qui le précise. Selon l’application des lois, les
bangladeshi sont interdits dans l’hôtel; il faut une déclaration à la police ;
le gérant ayant reconnu le patronyme bengali de Debesh, il a gommé le registre
et inscrit indien ; par contre il
a fallu que je signe.
La rue très occupée
par les rickshaws, des cyclos en
majorité, et quelques familles de mendiants professionnels. La pompe sur le
trottoir qui alimente aussi bien les humains que les animaux sert de douche et
de laverie. Les hommes procèdent à une toilette complète et à la lessive de leur unique
chemise et du sarong qu’ils
remettent, gelés, et repartent propres - pour un temps fort court, le bain de
poussière et de gaz d’échappement se chargeant de les noircir dans l’heure.
Les animaux viennent boire -un matin un troupeau de chèvres a
ainsi occupé le terrain, pendant qu’un véhicule renversait un gamin,
attroupement, cris, dédommagement direct.
Sudder Street: le jour des poubelles |
Ce n’était pourtant pas le jour d’une grève générale qui a vidé
les voies de presque tous les engins roulants, à la grande surprise d’un
cycliste français avec ses deux énormes sacoches ballonnées comme une chèvre
pleine pour qui les avenues semblaient aussi dégagées que pour l’arrivée du
tour de France. Deux colonnes dans le journal le lendemain.
Cultures
Sans doute les rédacteurs anglo-saxons des guides sont-ils attachés aux restes d’un empire, mais
pour qui n’est pas sensible au victorianisme, le contexte qui l’absorbe dans un
grouillement terrible, bruits et
poussière confondus, fait que les monuments ne sont que peu de chose et les
parcs des friches desséchées. L’école des Beaux-Arts était déserte.
Comme la bibliothèque de l’Asiatic Society et ses manuscrits,
l’Indian Museum contient des trésors.
Les salles de sculpture sont envahies d’étudiants qui dessinent avec un
académisme européen les icônes du panthéon indou :
Les
galeries intérieures en réfection, peinture de plafond en cours, amènent des
situations inédites : arrêt complet des ouvriers -forêt de grimpeurs- pour
laisser passer la dame qui cherche les toilettes pour laver les injures des
pigeons et corneilles perchés sur
les échafaudages et qui balanent allègrement de très haut : les mêmes
échafaudages en bambou que ceux
qui permettent l’édification des immeubles : un peu de guingois et ligatures
pour rétablir un déséquilibre très graphique. À la fin du circuit, des restes de la clôture d’un stupa de
Sanchi d’une échelle incroyable pour une transposition en pierre d’un système
de linteaux à barres glissées suffit comme motif pour un autre voyage.
Trajets
sur le quai |
sur le quai |
Le choc ordinaire conseillé par les guides est celui de la gare de
Howrah, de jour envahi par des foules incroyables, chargées de mômes et de
paquets. Les porteurs en rouge qui assaillent le train avant même son arrivée.
Tout le long des voies de la banlieue - tas d’ordures et déchets industriels,
des abris de fortune ou pas d’abri du tout pour des familles. Une vache maigre
ne risque pas de ralentir la circulation.
Belles de la gare |
Le hall, au matin, est couvert de rangées de
“cadavres” enroulés dans des draps gris qu’on n’ose pas enjamber. Et dans cette
multitude bruyante, un aquarium de poissons incrusté dans le mur de la salle
des guichets.
« You see, it’s impossible. Come to
morrow ».
Vue du pont ! |
La
traversée du fleuve sur le ferry est un instant un peu magique avant de
retrouver les cohues d’autobus couverts de tôles qui en augmentent le niveau
sonore, nombre d’arrêts incalculables; et en cas de descente aucune garantie
que l’engin s’arrête vraiment; il faut sauter en marche.
Du haut du pont en revenant de la gare, une traversée houleuse à contre-courant de la foule on surplombe le temple de Kali et le marché aux fleurs.
Des allées
dominées par les senteurs de jasmin en guirlandes et la toute puissance des
orangés des sortes de zinnias que certains mangent :les fleurs de fête du Mariage
des moussons, vu en
salle un matin entre des gros
bourgeois qui dévorent des pâtisseries de traiteurs- au balcon; le parterre pour les plus pauvres.
CHANDERNAGOR :
De la litanie enfantine, "Pondichéry, Chandernagor, Caracal et Mahé" , les restes des comptoirs français en Inde.
À peine trente kilomètres de Calcutta, un autre monde; un aller en train, le retour par l'autre rive , après la traversée en bac, dans un bus bringuebalant...
Le conservateur attend...
Le fleuve est bas, les berges ensablées, les pontons un peu fragiles..
Empreintes de mains |
Le thé |
Les bouses sèchent collées aux murs.
Le temps
s’est arrêté, un peu comme dans Le fleuve, le film de Renoir,
mais les grands bateaux à rame ont
disparu.
Femmes et enfants au bain |
Il faut aller plus en amont dans le Bengale du nord. (à
suivre)
.