Une
escapade dans le cadre de la Biennale pour « rafraîchir les disquettes art
contemporain », et goûter les pâtes en regardant passer les vaporetti et
les gondoles. C’était aussi « La régate historique », et la
Mostra : les foules.
Dans
une programmation de plus en plus vaste avec participation de pays nouveaux, le
nombre de pavillons occupés par la Chine (HongKong et Taiwan compris)
atteint la dizaine ; un record historique, et des lieux inédits. Des
artistes en somme plus nombreux que les cohortes des compatriotes à la remorque
du petit drapeau d’un guide…
Célébration
de vingt années de participation et surtout ouverture ou nouvelle invasion du
marché de l’art. Je n’ai pas eu le temps de tout voir, mais quelques
productions devenaient pertinentes dans le contexte politique, et parce que je
préparais un voyage dans cette partie du monde.
La
présence chinoise à Venise évoque encore Marco Polo et les voyages de Matteo
Ricci, un jésuite qui fonda en 1582 la première mission dans le Guangdong avant
de se fixer à Pékin. Entre la route commerciale et prosélytisme religieux, la Serenissime était le centre
européen des échanges avec les dynasties impériales. Retournement de situation,
l’impérialisme chinois actuel passe aussi par l’art.
Un
symptôme, le pavillon du Kenya exposait surtout des artistes chinois !
Un
triporteur et la vidéo de son trajet, embouteillage de sampans…
Huile sur toile. |
Lin Xue: dessin bambou et encre |
Le
thème général de la Biennale « le Palais Encyclopédique » favorisait
le retour sur l’histoire: à l’arsenal les tombes rurales de Kan Xuan, le
paysage traditionnel : dessins au bambou sur rouleau d’une minutie
fantastique : Lin Xue ,
les encres sur papier de Guo Fengyi ,
d’inspiration mystique et mythologique.
Le vent sur la rizière, peinture. |
Ailleurs :
« Rhapsodie in Green » : paysages de rizières verdoyantes, les traditions du peintre Huang Tu Shui revu par un
contemporain,
mais aussi
éventuellement interprété en paille d’acier peint (Kao Tsan-Sing) Écologie ?
Dans le pavillon "officiel" de l'Arsenal:
Une culture sous perfusion? |
Visions
traditionnelles et intégration de nouvelles technologies, le savoir faire en
peinture, d’un réalisme terrifiant, coexistent avec la vidéo,
Détail |
les plongées en abyme du numérique sur le motif
de mandalas, et autres photos gigantesques, non dépourvues d'humour.
Temple et grande muraille |
et des installations (Pavillon de la République Populaire), sur le
thème «Transfiguration ».
Le Grand Canal
Si
le Grand Canal à Venise, bordé de palais (nombre d’entre eux accueillent les
expositions, ce qui permet aussi de savourer les peintures d’époque) a demandé
deux siècles de travaux pour relier les îles principales (et faire les délices
des touristes), l’ouvrage
gigantesque à usage commercial fut
réalisé en dix siècles pour joindre Pékin et Hangzhou, et ainsi connecter le
Fleuve Jaune et le Yangzi, soit 1800 kilomètres.
Le
thème du canal fait ainsi un pont entre deux mondes et l’objet d’une exposition
d’artistes chinois dans le Musée Diocésain, un symbole patrimonial.
Occasion
d’admirer quelques Tintoret, avant des vidéos : regard sociologique des
populations rencontrées lors du parcours ; installations associant rouleau de
peinture traditionnelle et objets votifs ;
une longue tresse de photos et débris
recueillis sur le trajet… Un couplage donc de pratiques traditionnelles et
d’actions performances ancrées dans la réalité économique et politique.
Dissidences :
L’artiste
internationalement connu Ai Wei Wei, qui fut condamné dans son pays pour des
actions considérées subversives, occupe plusieurs lieux :
A WeiWei : Installation |
Une
installation dans le pavillon allemand : équilibre de tabourets rituels, qui font surtout penser au
travail de Kawamata ou, que naguère, le défunt Cheng Zhen mit en scène des mobiliers (autrement plus sensibles et impressionnants).
Ai Wei Wei, Vue générale |
Ai Wei Wei : s.a.c.r.e.d, détail |
Dans
l’église San Antonin, des caissons peuplés de dioramas exhibent les années
d’incarcération et d'humiliations :
trash et exhibitionniste, mais
justifié par un titre S.A.C.R.E.D !
(Pas vu les autres sites dont
un reportage photographique sur les effets d’un tremblement de terre).
La
question du Tibet :
au
Palazzo Bollani (hors catalogue des lieux) deux artistes stupéfiants (mais bankables, car présents à la foire de Bâle).
Wang Qin Song : Temple, photographie, 180x300cm |
Les
photographies de Wang Qing Song après mise en scène d’acteurs, une salle
d’opération, une déconstruction de la statue de la liberté et surtout
« Temple », vision de culs nus et sales devant un Bouddha
rigolard.
À
l’étage, on se croit une fraction de seconde dans San Rocco:
Hong Sheng Tong : Together, 4,70 m x 10,40m; 2011-2013 |
D’immenses
scènes historiques peintes (j’insiste sur la facture seizièmiste) d’après
montages photographiques de Tong Hong Shen: La rencontre : «Together » entre
prélats romains et Lamas, des
portraits de divers Rimpoche, d’une dimension équivalente aux Véronèse et Tintoret.
Les chiens du premier plan dans le rôle de
l’admoniteur. Hyperréalisme saisissant (et combien d’assistants ?).
Together, partie droite |
Reste
la question (non résolue dans la lecture du site de l’artiste), du sens de
cette représentation dans un style « officiel » -idéaliste ou critique-
d’une union œcuménique des religions du monde, quand la situation du bouddhisme au Tibet est tragique.
Question
subsidiaire : quel coffre peut contenir une peinture de 10 mètres de
long ???
Célébration, 2012 |
Une
réponse peut-être au prochain chapitre, au retour de Lhassa…