lundi 28 avril 2014

VIETNAM 1: Sur la piste des CHAMS


Les sanctuaires de Po Nagar.
Mars 2014, En provenance du Cambodge, notre idée était de découvrir l’architecture et la culture du voisin  Cham qui fut l’ennemi des  Khmers dans les siècles passés.

Les sites Cham, proches des grands ports de Danang, et de Nha Trang, furent édifiés dès le deuxième siècle par des rois commerçants venus  sans doute d’Indonésie. De religion hindouiste, héritée de l’Inde, les  centres du pouvoir édifient de vastes temples, nichés dans les vallées ou sur des hauteurs de la côte.  L’expansion du territoire, le Champa , donna lieu à de nombreux conflits, que les Cambodgiens n’ont pas oublié, et qui furent jusqu’à la dernière décennie prolongés par l’occupation vietnamienne.
Troisième séjour , voir les documents de 2000/01 dans des chapitres de mai 2012.

Bataille navale: les Chams contre les Khmers sur le Mékong,  1260. 
Un  bas-relief du Bayon, dans Angkor Thom narre la guerre entre Chams et Khmers au XIIIe siècle et la victoire de Jayavarman VII qui mit fin à l’occupation d’Angkor par les Chams.

Notre ami Kim en avait longuement parlé, insistant sur le fait qu’ils étaient musulmans. Or, l’islamisation fut tardive pour le groupe cham du sud et les exilés, toutes les architectures et les décors témoignent de leur appartenance à l’hindouisme, pendant dix siècles, non sans influence du bouddhisme  qui a pu coexister dans les cultes royaux.
La déesse Uma


Notre périple commença à Nha Trang, afin de découvrir le site  de PO NAGAR, qui domine le port. La restauration récente des constructions  restitue l’importance des temples dédiés à: «Thap Ba », la Dame de la cité. 




Edifié au VIIe, puis reconstruit pour partie au XIIe avec les matériaux de remploi,  
l’ensemble se constitue de plusieurs tours en pierres et briques, les « kalans » précédées au bas de la colline par une salle de méditation, le « mandapa », soutenue par des épais piliers. Le tout a été très restauré.

Temple de Po Nagar.




Dédiée à Shiva, ou à Ganesh, chaque tour pyramidale est abondamment ornée de corniches. Dans chaque édifice, un vestibule conduit  au sanctuaire.  Dans la tour nord, la statue de la déesse Uma, fait encore l’objet des dévotions des Vietnamiens  et chinois bouddhistes.






Le mode de construction autour d’un puits en encorbellement  est fort comparable aux temples pré-angkoriens.  Mais ici, les murs rythmés de pilastres soutiennent des toits en étage.




Des sortes de pyramides miniatures aux angles du corps principal  sont la spécificité des temples cham (ceux de Po Klong  Garai  plus développés). 




Les motifs qui ornent le fronton de chaque porte renvoient au panthéon hindou. On a postulé une origine indonésienne, dont témoigneraient les temples de Prambanan, ou les reliefs de Borobudur à  Java, mais l’influence de l’inde est prépondérante.  La statuaire conservée au petit musée en revanche est assez rustique. 



Shiva dansant,  fronton du kalan central.

Mais Nha Trang, qui fut développée par les français au temps de l’Indochine -la cathédrale hideuse et les bâtiments de commerce des années 40/50 en témoignent-  est  devenue une station balnéaire envahie maintenant par des Russes et des Chinois, les hôtels en buildings de multiplient, les menus des restaurants  sont rédigés en russe. 


Nha Trang, port de pêche.
Des vieux cyclo-pousse assurent le tour  de la ville (de vrais escrocs) pour voir une pagode néo-bouddhiste qui a remonté son bouddha couché géant  -en béton- et l’autre assis au sommet de la colline.
l'heure de la sieste, ciment encore frais.
Sur la promenade de la très grande plage, les travailleurs  s’abritent du soleil, les vacanciers  se transforment en homards. Une eau à 26° et des vagues.


Sur l'île des bambous, intermède rafraîchissant.







le "tube chinois"
 Une ballade touristique standard nous permit une «excursion en mer » assez folklorique dans les  îles où l’on nage au-dessus des poissons. Le repas à bord  était suivi d’un karaoké dansant multinational, 





pour lequel nous pauvres deux françaises égarées  (minorité ethnique) durent  se livrer à « Frère Jacques » en canon. Mais pour 8 dollars, que demander ?








Ayant renoncé à une expédition compliquée pour voir le site de Po Klong Garai, pourtant superbe (en photo) nous avons pris le train de nuit pour Danang afin de rejoindre le site de My Son. Deux noms de sinistre mémoire au temps de la guerre du Vietnam.
Po Klong Garai,  XIIIe, photo de photo. 
A 40 km de Hoi An dans des collines envahies par la végétation, le site de 
My Son, en partie (seulement) épargné par les bombardements est en phase de restauration impressionnante. À l’origine construits entre les IV et  VIIe siècles, la plupart des sanctuaires  datent du XIè, après diverses destructions.
Groupe B; quelque peu ruiné. À droite, statue de Shiva.








 Le style particulier est donné par le multiplication des corniches décoratives.
Les groupes de sanctuaires répartis dans la jungle ont été classés. Si l’ensemble principal  nommé B et C  reste en partie ruiné  et  les toitures poussent: 


Chantier du temple A.
une salle de méditation a été transformée en petit musée qui abrite quelques effigies de Shiva, en forme humaine ou sous l’aspect du lingam, et quelques apsaras.


Restitution du vihara supportant le Lingam



La structure des toits  particulière  de quelques bâtiments, en proue de bateau (influence malaise ?)  ou d’influence indienne. Je laisse ce débat aux spécialistes. Un musée pédagogique à l'entrée du site donne des explications imagées.


Les ensembles supposés détruits (dans l'édition du guide) des sortes non de terre, mais de pièces de puzzles géants, et quelques ajouts.





Quelques exemples à partir de rien ou presque. Le « groupe A » est comme neuf ; les motifs du perron, monstres grimaçants ont dû inspirer le Pazuzu d’Adèle Blanc Sec.




  
Les E et F sous échafaudages suivront.  Une visite paisible, deux touristes, le calme un peu caniculaire.
Le taureau Nandi, monture de Shiva veille.
Retour par Hoi An, méconnaissable, les sampans ont disparu, les papis pêcheurs dans les canots ronds aussi,  au profit de restaurants flottants; les grands-mères mendient pour une photo...


le Pont Japonais, pour le souvenir;
La rue piétonne est saturée, pas de russes, surtout des groupes de français qui ont  auparavant traversé le Musée Cham de Danang en 10 minutes chrono.

 Le Musée Cham :


Ganesh, My Son, VIIIe
Tara, bronze, IXè.





















L’histoire rapportée dans le catalogue édité par l’Association Française des Amis de l’Orient s’accompagne de plans d’avant les guerres. Les sculptures des sanctuaires de My Son, du VIIe  à celles de l’apogée des Chams au IXè et Xè siècles,  exposent la triade Shiva, Vishnu,  Brahma, et leurs avatars, et des effigies de Ganesh, dont le culte était très populaire.

La "danseuse" de Tra Kieu, Xe.


Les "apsaras" décorent les corniches et autres piédestal.
Bouddha assis, vihara de Dong Duong,  IXe 
Avec l’introduction du bouddhisme, les motifs changent. Le « Vitara » provenant de Dong Duong, un podium destiné à la salle de méditation des moines, soutient une figure de Bouddha assis.  Les reliefs du piédestal  narre la vie de Bouddha. Mais le shivaïsme demeure vivace.
 Deux Dvarapala,  gardiens de porte terrassant des buffles , Xe s Dong Duong
La décadence liée aux invasions et défaites du XVè siècle entraîna l’émigration ou la conversion tardive à l’Islam des populations refoulées vers le delta  du Mékong ou le Cambodge.  La dynastie de N’Guyen acheva d’éliminer la culture cham. On les verra à la page suivante. 
Statuaire contemporaine , prions !

Face au musée, le grand pont de Danang offre un décor géant, moins kitch encore que l’exposition de sculptures modernes de la promenade sur berge.
Autres styles !! , la Chine est proche. Et l’on reprend le train pour Hué.

VIET 2: HUÉ, LE RETOUR


Campagnes verdoyantes
Dernière semaine de voyage en mars 14, en remontant depuis Danang.
Le train toujours aussi lent permet d’entrevoir les tombeaux qui émaillent les rizières (une façon d’éviter de vendre le patrimoine) et les embouteillages aux passages à niveau. À Hué, stupeur, il pleut, la température a chuté de 15° après trois semaines caniculaires.

Sampans décoratifs.
La rivière des Parfums, tristoune, est sillonnée de bateaux qui assurent le circuit des Tombeaux Impériaux de la dynastie des N’Guyen, mais aussi, petit profit, la traversée entre la zone des hôtels et le marché. Les bateliers vivent sur leur embarcation, avec antenne télé.



Sur le pont des marchandes de poisson "express" casquées concurrencent les étals du marché.
Les mobylettes sont reines.

















Les étals sous plastique entourent la construction de béton du grand marché pour « tout », la soie comme la quincaillerie.

On lave aussi les sacs plastiques.
Nous rejoignons un petit groupe de Rennais, étudiants et enseignants venus dans le cadre associatif  d’Aster (le jumelage entre les deux villes reste actif, avec Bretagne-Vietnam) présenter un projet de maisons destinées à reloger les « sampaniers », métier traditionnel.


De fait, les nombreux sampans traditionnels qui draguaient la rivière lors du séjour de 2000 ont presque disparu.

Atelier de couture



Le centre de formation créé à cette date semble en déshérence. Les salles assez moisies et désertées. On visite des ateliers  puis, première découverte de la gastronomie locale, un repas de luxe est offert aux participants.



Les jeunes étudiants se confrontent avec quelque difficulté aux délices de l’usage des baguettes et à de saveurs inconnues dans les cantines.
Le « plan travail », est rapidement doublé par le « plan tourisme », histoire et religions.



La citadelle, porte ouest
La citadelle, patrimoine mondial, qui assure en partie la richesse économique de cette ville a changé d’aspect  en quinze ans : dans l’enceinte, les bâtiments annexes sont reconstruits et aménagés en collections et informations sur l’histoire. 

Toitures, bâches  et échaffaudages...
L’ensemble de la ville et des monuments religieux remonte au XVII siècle, sous la domination des seigneurs N’Guyen, que les français manipulèrent pendant un siècle, avant le conflit nord-sud. Hué était sur la ligne frontière et  on se souvient que la cité fut détruite pendant l’offensive du Têt en 1968. 

Le théâtre impérial
Le théâtre, neuf et somptueux, voisine avec la bibliothèque en restauration ; la plantation des jardins précède les édifices ;
devant la bibliothèque.




Le musée, superbe architecture, (photo interdites) contient les chefs d’œuvres de mobilier.
     
  Les "fausses photos de mariage"  améliorent les tenues  vestimentaires; mais les collections de manteaux des empereurs et impératrices font franchement rêver.   


et des vrais en musique, les touristes chinois et coréens remplacent les vietnamiens qui, en 2000 commençaient à visiter leur pays.






Dans le quartier populaire Phu Cat, proche du marché, les pagodes (déjà visitées en 2000, voir archives de mai 2012) sont toujours aussi nombreuses, certaines fort moisies, d’autres pimpantes, bien que vides. 



Pagode Chieu Ung










Cette pagode, qui n'a pas été transformée est en voie d'abandon, bien qu'un jeune homme s'occupe à construire des cages à oiseaux.
l'année du cheval










Dans les rues, les petits autels  familiaux ont sorti le cheval de l’année nouvelle. Les arbres sont garnis d'offrandes, la vie continue loin de la foule.






Dans la pagode nationale Dieu De, proche du canal, qui fut un lieu de résistance politique dans les années 60, les moines célèbrent le service du soir.

Le Pont  Japonais
Sortie bucolique, le tour en (porte-bagage) de scooters vers le Pont Japonais, 

Sous le pont, les pêcheurs
qui n’a rien à envier à celui de Hoi An :  la vie rurale sur la rivière offre des vues de cartes postales, les femmes lavent le linge ou les légumes; les filets de pêche sont modernes.

Lessives



 et le long la route de nouvelles pagodes hyper décorées ont poussé. Les assemblages de céramiques cassées forment des motifs immémoriaux.

Sur la rivière des Parfums:

Quelques sampans  (très) chargés .

Pique-nique à bord du bateau. 




L’incontournable navigation sur la Rivière des Parfums conduit aux Tombeaux Impériaux : en se limitant aux deux plus intéressants.









Le tombeau de Tu Duc (1860) a souffert de l’humidité, nécessite de nouvelles restaurations, le quartier des  (300 ?) concubines est presque en ruine. 


Tombeau de Tu Duc
Intérieur du temple de Tu Duc
Les tombeaux de l’Impératrice et du fils sont noirs de moisissure, mais Le temple de Chap Thiem est encore fréquenté, et le site est envahi d’écoliers charmants, et de figures traditionnelles.

Tu Duc, l'enclos.
Le tombeau de Ming Mang, superbement paysagé, bénéficie d’une éclaircie  et du calme de son éloignement. Les arbres ne sont hélas pas encore fleuris.

Tombau de Ming Mang, le pavillon de l'entrée. 
L'empereur est enterré dans un tertre entouré de murs, invisible et modeste.

Moines jardiniers






Les bonzaïs de Thien Mu














Au retour, on découvre cette attention aux jardins dans la pagode Thien Mu, dont la collection de bonzaïs  laisse rêveur.

Les fleuristes occupent aussi les rues du centre moderne qui s’est incroyablement développé et internationalisé; au passage on trouve l’hôpital et des écoles où des jeunes préparent une fête, autant d'indices d'un accroissement économique.

Festivités en cours de préparation.
Petits métiers de rue.





 le nettoyeur d’oreilles fonctionne encore, un peu anachronique à côté du centre de transfusion sanguine...



Nonettes mendiantes.








Une dernière matinée de déambulation - les autres travaillent-  au-delà de la gare, m’amène à découvrir d’autres pagodes  anciennes et nouvelles qui sont aussi des écoles très fréquentées.  La pagode Bao Quoc et ses moniales en chapeau traditionnel.

Pagode Bao Quoc
de l'usage ludique de l'esplanade des pagodes








La pagode Tu Dam, d’où s’échappent des gamins qui utilisent le parvis pour leurs rollers.  Mais qui fut aussi un lieu  de la lutte des bouddhistes contre le régime de Diem dans les années 60.


Au coin d’une rue, un petit musée est consacré au révolutionnaire Phan Boi Chau, qui lutta contre le colonialisme au début du XXè siècle et dont la maison a été reconstruite à l’identique. Retour à l’architecture basique de bois et palmes.

Maison de Phan Boi Chau
Après quatre semaines de plongée dans le sud-est asiatique, restait à prendre l’avion et retrouver la fraîcheur bretonne. Fraîche. Et méditer sur l’ampleur des changements.