vendredi 4 juillet 2014

ROUMANIE ORTHODOXE. 2/2


Monastère de Moldovita: Crucifixion, XVè


Terre  multi-ethnique, la Roumanie fut envahie, pendant des siècles par des voisins plus ou moins proches.
Contre les ottomans, dans les territoires des plaines du sud, contre les hongrois,  qui annexèrent la Transylvanie, contre les russes, qui ont repris la moitié de la Moldavie, et contre l’interdiction faite sous le régime communiste, la religion fut de tous temps un  lien fédérateur pour la constitution d’un état, et un rempart - au sens  architectural même lorsqu’on visite les églises et les monastères fortifiés. 
L’art des icônes et de la peinture pariétale fut influencé par la tradition byzantine, et il semble qu’une école roumaine soit née dans les états princiers  de Valachie et de Moldavie. (cf, article de Mr Voinescu, in Les Icônes, ed Nathan).

Notre circuit commençait à Curtea de Arges, ancienne capitale de la Valachie médiévale, et lieu de la sépulture des rois et des « Voïvodes ».



Étrangement construite « pour ressembler à une mosquée », à la demande de Neagu Basarab, en 1512.  Le malheureux architecte Manole emmura malencontreusement son épouse pour garantir la solidité de l’édifice ; tenta de se suicider en s’envolant tel Icare ; sa chute donna naissance à une source - à moins qu’il ne fût exécuté pour ne jamais recopier son chef d’oeuvre.  Une légende porteuse, dans un site qui vit aussi le règne de Vlad l’Empaleur.


Les saints de Curtea, XVè, Musée de Bucarest

Torsades  et reliefs ciselés dans la pierre crème transforment l’église en reliquaire géant.

Quelques  peintures d’origine sont conservées au musée de Bucarest,
le décor fin XIXè est redevable à un français, André Lecomte du Nouÿ, frère du peintre orientaliste et  adepte de Viollet le Duc, l’or en plus. 


Curtea : décor intérieur


Les femmes se bousculent dans le sanctuaire voisin, et à la sortie nous laissons le passage à un cortège d’enterrement ; le défunt dans le cercueil ouvert, sur la plateforme d’une camionnette. 


Le monastère de Cozia 

Sur la rive sud de l’Olt, à la limite de trois départements et désormais à l’abri des inondations depuis la construction d’un barrage, le monastère fortifié sur trois côtés  encadre l’église du XIVè siècle. Loin des routes jadis et dans des forêts de noyers. 



Cozia : le paradis ( et le prêtre historien)


La construction a été restaurée en révélant les assises de briques ;  un plan simple : la nef  précède une abside triconque surmontée d’un clocher unique. Desbâtiments dont une chapelle transformée en musée furent ajoutés, sur la commande de  Neagoe Besarab en 1517.


L'enfer, détail
















La Vierge en majesté.






dont les peintures dans le style byzantin illustrent la gloire de la Vierge  deux  culs de fours symétriques, et le Jugement Dernier de part et d’autre de la porte du sanctuaire.







Cozia






Sur les murs de la nef, les représentations de Mircéa le Vieux, le premier commanditaire, mort en  1418, ainsi que les portraits des voïvodes,  Brancoveanu et sa suite, et quelques ermites barbus. L’iconostase en revanche est tardive.


Ce monastère toujours très actif a essaimé dans la région, comme centre de formation des moines. 



La BUCOVINE

Sur le flanc nord des Carpates, et au nord ouest de la Moldavie, ce territoire fut une principauté indépendante sous Dragos puis  Bogdan 1er au XIVè siècle. Lors des invasions turques, les moines se réfugièrent dans cette région et construisirent de nombreux monastères fortifiés pour accueillir les paysans.




Moldovita : mur sud : L'Arbre de Jessé.

Leur particularité tient aux fresques qui couvrent les murs extérieurs de l’église, que les toitures débordantes ont protégé jusqu’à nos jours, la situation géographique excentrée les ayant fait oublier de la révolution. Les côtés nord sont cependant très abimés.

Moldovita



Moldovita



Construit en 1532 pour le prince Petru Rares.


Les prophètes.






On aborde l’église par le chevet après avoir passé le porche de l’enceinte : hauts registres de prophètes en pied sur les absides, les philosophes de l’occident y sont intégrés, Platon supporte son squelette.


Platon et la Sybille



















Puis le vaste mur sud à dominante bleu-vert de L’arbre de Jessé. La généalogie du Christ. Les explications -fort érudites- nous sont données par la redoutable Mère Tatiana, armée d’un parapluie et d’une torche laser.


La cité assiégée.


Sur la partie ouest de ce mur, au-dessous des vignettes représentant la vie de la Vierge, une scène « historique » : le miracle de l’icône qui protégea la ville de Constantinople



Les armées ennemies

de l'invasion des perses et des Avars.

 Au sommet des murs, l’évêque déploie aussi  la vera icona.

Tatiana ajouta les vandales qui graffitèrent les fresques, dont on peut imaginer quelle armée de peintres les réalisèrent en deux années.



La vera icona et l'icône de la vierge






À l’intérieur du naos, les murs illustrent le calendrier des fêtes orthodoxes, qui se termine à Pâques, la célébration principale du rituel.  

Détail de "vandales".









En visitant le petit musée attenant, notre moniale nous raconta qu’elle fut institutrice pendant la période communiste, avant de rejoindre le monastère,  réservé aux femmes, comme celui de Voronet.






Voronet

 Son mur ouest aveugle, tel un écran géant, supporte une représentation du Jugement Dernier.

Voronet, mur ouest: le Jugement dernier.



Les donateurs
Étrange composition en partie dissymétrique où le mur tel un rouleau de parchemin abrite les élus, alors que le flot écarlate entraîne les damnés. Sur la partie basse à droite, une Vénus marine , très inspirée de la peinture romaine tardive, chevauche deux dauphins.









Le mur sud illustre un « arbre de Jessé », identique à celui de Moldovita , en version bleue.
Tous les saints et archanges et prophètes s’étagent  de la même manière sur les absides. Les artistes provenaient de la même école, avec un programme iconographique aussi élaboré. Et quelques variantes, dans l'enfer:










L’entrée latérale conduite au naos, qui comporte les mêmes compartiments du calendrier.


Voronet, détail,  Déesse marine.














Dans la nef, le donateur Etienne le grand, son épouse, Maria et l’héritier Bogdan offrent la maquette au Christ.












Nous n'avons pas pu voir Humor, Arbor ou Sucevita, mais en revanche:


Neamt

Le monastère de Neamt, n’est décoré qu’à l’intérieur. Construit au début du XVIè par Alexandru cel Bun, reste un centre d’enseignement ;   le réfectoire nous attendait, son vin et son alcool de prune aussi.



Monastère de Neamt  : l'iconostase, XIXè 









Le pope de Secu


Secu :  autre monastère proche terminé en 1605 : l’ église blanche dans une enceinte  habitée de moines fort actifs et francophiles.






Art Populaire :

Les icones sur verre


Musée de Sibiel

La tradition religieuse des icônes, à titre domestique, s’est développée dans les régions  rurales de Transylvanie, depuis les périodes d’occupation des saxons et hongrois. Rassemblées par des prêtres et chercheurs, on les trouve au musée de Bucarest et dans  le petit musée de Sibiel, grâce au travail de Zosim Oancea, qui fut aussi un héros ou martyre.
Une collection de pièces, classées par régions et périodes, rassemble des représentations modestes.


"Le pressoir Mystique"






La technique simple, couleurs apposées à l’envers de la plaque de verre, permet de copier des modèles ou d’inventer des images inédites dans la grande peinture. Les pampres de vigne, ici incarnant l'eucharistie se retrouvent sur les décors des petits édifices votifs de la région.




Icône sur verre . X au tombeau,  début 19è.



Le musée Popa :

Mr Popa, autoportrait

Quelquepart  du côté de Neamt, la maison de Monsieur Popa renferme une fabuleuse collection d’oeuvres populaires.


Sculptures de pierre;










L’auteur - qui fut sculpteur, anthropologue, enseignant, a rassemblé tous les témoignages des traditions locales : les masques pour le carnaval, les costumes permettant d’identifier le village et l’age des jeunes gens. 


Masques de carnaval










Son fils devenu conservateur, en  narre dans un  français remarquable les anecdotes moins religieuses.



La maison de Mr Popa,  architecture de bois et sculptures.


Conservatoires

Une dernière rencontre non moins étonnante de « Musée personnel »  fut à Brasov, la « Première École »  de langue roumaine à côté de l’église Saint Nicolas.  Attestée dès la fin du XV, puis reconstruite en 1760, cette école édita les premiers livres en roumain, « facteurs d’unité nationale ».  Mr Vasile Oltean, son conservateur fut professeur, prêtre, éditeur et auteur d’ouvrages d’érudition (« 37, que personne n’a jamais lus », dit-il en souriant).


Manuscrit ancien,  annoté tardivement... 

Après une leçon inaugurale humoristique, la découverte des manuscrits et premiers livres imprimés et quelques icônes laisse à penser qu’il serait urgent de les sécuriser.

Au terme d’un parcours trop rapide, il faut admirer cette capacité roumaine de valoriser des trésors, et remercier notre guide Adrian, qui nous a fait rencontrer autant de personnages inoubliables de l’histoire vivante.


Mr Vasile Oltean, pédagogue


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire