mercredi 25 septembre 2019

VENISE: Séries noires.

   BIENNALE 2019: « May you live in interesting times »

Si elle témoigne d’un état du marché, plus que d’un état du monde, chaque Biennale a le mérite d’ouvrir à de nouvelles contrées: Une vision globalement optimiste (ironique?), et très tendance du commissaire londonien Ralph Rugoff, contre-balancée par quelques participations militantes. Tel Le bateau  «  Barca Nostra » . Authentique relique-épave-cercueil de centaines de migrants venus de Lybie, exposé par Christoph Büchel et conservé par L’association des Biens culturels de Sicile. Pour un peu on passerait sans le voir.
John Akomfrah, Ghana.
Les migrations et migrants font sujet, et bien souvent les artistes sélectionnés ont déjà gagné leur eldorado. 
Les Africains, déjà présents en 2017, (voir blog, Sept 17), sont plus nombreux, surtout issus de pays anglophones, réseau de curateurs et  séquelle de la colonisation…


 Dès l’entrée de l’Arsenale: L’afro-américain Henry Taylor, né en 58, vétéran d’une peinture d’histoire de la ségrégation expose un « Triptyque »  : 
Un grand portrait  de Toussaint Louverture, (1791-1804), leader de la révolution en Haiti,  «Remember the revolution », un texte de Richard Pryor (comédien satiriste décédé en 2005), peint par Glenn Ligon (artiste conceptuel, exposé récemment au Musée d’Orsay dans l’exposition "Le modèle Noir"), et, d’après photo, les funérailles de Carol Robertson, tuée en 63 dans une église d’Alabama.

Marathon









Autres peintures de Taylor aux Giardini,  une facture épaisse, dans la tradition repérée dans une expo "The Color Line". 

Nombre d’artistes -jeunes-travaillent désormais dans les grandes métropoles occidentales.


"Pathos and the twilight of the idle" 170x330cm
Michael Armitage

Kenya,  né en 84, vit entre Londres et Nairobi. 
Grande peinture et petits croquis préparatoires: un artiste vedette: Une pratique métis, comme l'auteur: des corps absorbés dans un foisonnement de jungles.




























des lavis très enlevés de figures de manifestants, recomposés dans les toiles de grand format. -en fait un ravaudage d'écorces.  Très habile camouflage d'une situation politique tendue, sous des clichés de pays tropical.























Michael Armitage. 
Au premier plan "Veines", au fond, Zanele Muholi.





Otobong Nganka :

« Veines alignées » 
Nigeria,  né en 74, vit a Anvers
 Une trajectoire  de la transformation des minerais comme métaphore d’un corps et de son extension.
Marbre, 26m de long.












Un fait remarquable est l’apparition de femmes, qui témoignent de leur exigence identitaire,  principalement par le médium peinture et par les autoportraits photographiques:    des média modestes en comparaison des installations monstres qui encombrent les deux sites. Pour mémoire, les mêmes artistes sont présentés sur les deux lieux, avec des oeuvres différentes.
    

    
 Njideka Akunyli Crosby . 
 Née au Nigeria en 83,  vit à Los Angeles.
"With your wig on my crown".



Huile sur toile, format 50X60, 
d'une précision photographique. Reprise des styles de coiffure afro. Et des coiffes/casques ethniques/ perruques de juges.

                                                                           
                Zanele Muholi 
Afrique du sud, née en 62, vit à Durban. 


 Vue d'ensemble: au fond, Henry Taylor


 

Exotique humoriste,   elle exhibe les attributs usuels de 
l’assignation au féminin mais  ajoute la revendication de son homosexualité. 
Le nombre et l’échelle des tirages domine littéralement le site de l’Arsenale.


aux Giardini:  autre témoignage du statut d'artiste femme noire:  autre échelle:

 Frida Orupabo
née en 86, Vit à Oslo.

Un peu sorcière, handicapée.
















                       
         Ghana Freedom.
   un nouvel pavillon collectif très remarqué à l’Arsenale. 

Au coeur du dispositif,  de la peinture :   encore une femme : Lynette Yiadom-Boakye : 




Sa cellule voisine avec une installation vidéo sur trois écrans, trajectoire de migrants au long des routes et dans les sables.. 
John Akomfrah Four Nocturns.













Longues séquences de routes alternant avec des traversées du désert. Lancinant.



Ibrahim Mahama : A straight line...
Détail

Les « tentures » d’El Anatsui , souvent exposées, récupération de capsules,  font entrée ou sortie de la construction de terre (d’un architecte reconnu David Adjaye) en opposition avec une installation de Ibrahim Mahama
A straight line through the carcass of history 1649.





Caissons emplis de débris, papiers et bouteilles, déchets de poissons.
Son mur de sacs de jute (importation chinoise pour le transport de cacao ghanéen, dénonciation directe) dominait la coursive de l'Arsenale en 2015.



El Anatsui,  dix ans de travail ( au moins)
Kemang Wa Lehulere
né en 84, Afrique du sud.













Deux installations: à base d’objets et matériaux de récupération: Mémoire de pratiques collectives.
 Dead Eyes :  projections d’ombres.

Flaming Doors : cercle de sièges/haut-parleurs gardés par des chiens de céramique.  Bande son de chants.


    Joël Andrianomeaisora, 
Madagascar, Paris  :   « I have forgotten the night », 
nuits d’errance et déferlantes de papiers noirs.  Sponsor: la compagnie aérienne. 

        AILLEURS: l'Inde.

















Noirs sans doute, et plus noirs encore,  les  portraits photographiques de  Soham Gupta :
de la série: "Angst", la peur, les dalits des bas-fonds de Calcutta.  Gageons que la situation politique actuelle de l’Inde depuis les élections n’aille pas vers un avenir meilleur pour les exclus aux peaux sombres.

Et si on voit l’avenir en noir et blanc, les paquebots géants assiègent toujours la ville.



mercredi 11 septembre 2019

RAVENNE, paléo-chrétienne et byzantine.

 L'empereur Justinien
Deux siècles d'invention artistique au début d’un monde chrétien. Qui n'exclut pas les apports des traditions techniques gréco-romaines.
















La mosaïque avait triomphé principalement pour des sols et des usages pratiques, elle devient une peinture de pierre pour l'éternité, dans un programme théologique. Quelques sujets mythologiques furent réaménagés , tel Le Bon Pasteur, qui se substitue à Orphée. Les cerfs deviennent symboles mystiques.






La cité  sur l'Adriatique était depuis l'empire, au temps d'Auguste, un grand port militaire et de commerce;  "Civitas Classis" : devenu Classe, maintenant ensablé.
Devenue capitale de l'empire romain sous le règne d'Honorius en 402, puis centre politique, religieux et administratif en occident en tant qu'exarcat de l'empire byzantin sous Justinien, la ville développe un programme architectural majeur.

Abside de Saint François.
Retombée dans la juridiction de Gênes au XII è,  la cité conserve les plus nombreux exemples de décors en mosaïque, préservés des destructions qui ont ravagé Constantinople. 
Pour mémoire, Constantin autorisa le culte en 320, et la scission de l’empire au profit de Byzance  en mit en place de nouvelles formes architecturales: 

Les églises à plan centré, soit en croix latine, soit en plan circulaire « alvéolé » , coexistent avec des basiliques longitudinales, augmentées d’une abside.  
Le Bon Pasteur

                                                

Des campaniles furent édifiés plus tardivement à coté des sanctuaires. 

Autre forme nouvelle, les baptistères, spécifiques : simple cylindre ou polygone vouté. 


GALLA PLACIDIA


Le mausolée.  


Edifié dès 430,  pour l’Impératrice Galla Placidia, soeur d'Honorius,  le mausolée était un oratoire dédié à Saint- Laurent. 
Une construction de briques Plan centré formé de six cubes  sans décor extérieur: simples   arcatures aveugles; une seule entrée au nord. 
 À l’intérieur, les croisillons voûtés en plein cintre et la coupole centrale sont intégralement couverts de mosaïques  de rinceaux et étoiles sur fond bleu. 
L’impératrice n’y repose pas, les sarcophages sont tardifs. Une ambiance tamisée par les fenêtres closes de plaques d’albâtre -offertes par Victor Emmanuel III. 


Scènes  d’un christianisme primitif : Les apôtres de part et d’autre d’une fontaine,  Le Bon Pasteur au dessus de la porte, et les cerfs s’abreuvant par paire symétrique.  
Le symboles des Quatre Évangélistes ornent la coupole, et leurs écrits sont rangés dans l’armoire de Saint Laurent.  

                   Église  SAINT- VITAL 




Dans la même enceinte que Galla Placidia, la basilique d’une échelle très importante fut construite entre 526 et 547, par les évêques Ecclesius puis Maximien, dans la période du règne de Justinien. 

Contrastant avec la massivité extérieure, la vision intérieure est d’une fantastique verticalité.
L’abside  à trois fenêtres se détache du plan central cerné d’un déambulatoire.  
Le décor de la coupole centrale est baroque. 
Seuls les pilastres plaqués de marbres «à livres ouverts », que l’on voit comme des tests de Rorschach.
L'iconographie  de l’abside correspond à la période paléo-chrétienne. 


L’exèdre formant chapelle, placage de marbre et chaire montée au-dessus d’un sol de rinceaux.

Au dessus des trois fenêtres , un Christ -jeune- assis sur le globe terrestre -la terre est bleue, trône entre deux anges et Saint Viatal et l'évêque.
Parterre végétal.




De part et d’autre, les panneaux de Justinien et de l’Impératrice Théodora se font face.

Théodora et sa cour.
Autre paire: La scène du Sacrifice d’Isaac, en corrélation avec Melchisedech et Abel,  au dessus d’un autel. En face  les  Trois Anges  , symbole de la Trinité ,  entre Isaac apportant l’agneau et . Abraham; et dans les écoinçons , les prophètes dont  MoÏse. 
Abel et Melchisèdech.
Les Trois Anges - la Trinité, entre Isaac et Abraham. À la voûte , l'Agneau mystique





Un "arc de triomphe" sépare l'abside de l'espace central: des médaillons du Christ et des apôtres.



Les Chapiteaux  byzantins sont  doubles: un bloc sculpté surmonte les chapiteaux de marbre, souvent corinthiens, 
dentelle de pierre.
La coupole centrale fut remaniée au XVIIè , autour , les tribunes réservées aux femmes.


Mosaïques et sols en opus sectile. des géométries héritées de la tradition romaine. Labyrinthes et éventails: calculs et récup.. des marbres polychromes.

Détail d'un sol  en sectile: reprend le plan circulaire.

"livre ouvert"












La Chapelle épiscopale

 





Relié à la cathédrale, l’étage du palais épiscopal, transformé en Musée et gardé par des lions, l’oratoire privé de l’évêque se constitue comme une chapelle en croix de Saint André -auquel elle est dédiée. présente un style de fonds décoratifs comparable à celui de Galla Placidia. 







Un Christ guerrier (vainqueur tel Saint George et qui sait, Hercule) dans la lunette du vestibule.

Sur fond d'étoiles et sur les arcatures des médaillons  du Christ et les saints. 
La coupole : quatre anges alternent avec les symboles des évangélistes qui soutiennent le «chrisme »

Une fresque de Luca Longhi remplace un décor détruit.










Miracle de Canaa. et Pilate.
Le trône épiscopal.




















           


Le Baptème et
la présentation au temple.




Le Musée expose le Mobilier de l’époque:    


La cathédrale, le Palais, le Baptistère





Le trône  de l’évêque : les plaques d’ivoire  qui sont assemblées illustrent la vie du Christ. 















Le Baptistère des Orthodoxes




Initialement construit pour l’évêque Ursus, le bâtiment évolue sur la durée du Vè siècle.

L’histoire à rebondissements de Ravenne nous apprend que ce bâtiment servit au culte «arien » du roi Goth Theodoric qui conquit la cité puis se convertit avant que les byzantins ne la reprennent.

Octogonal au dessus de la cuve de grand format. Un symbole: 8=7+1 : les sept jours de la création et celui de la résurrection. Des placages de marbres colorés dans les alvéoles qui font alcôves.
        La voûte: Jean Baptiste  baptiste le Christ; cerné d’un éventail des apôtres, hiérarchie et géométrie..

         

          Basilique Saint Apollinaire le Neuf 


 

 Originairement construit par Theodoric le Grand, VIe (493-526), le décor de mosaïque date de la période byzantine, fin VIème.
Vaste construction à trois nefs sous plafond de bois. Une abside reconstruite tardivement.

Deux rangées de douze colonnes soutiennent deux murs historiés en trois registres: 
au sommet, des tableautins de scènes du Nouveau  Testament.
un registre médian de figures de saints aux drapés complexes: en taille humaine; 



Le décor unitaire principal : sur fond or, deux processions de martyrs et vierges partant l’une de la ville et du port, l’autre du palais impérial (dont les personnages ont été effacés), rejoignent, coté gauche, avec les rois mages, la Vierge à l’enfant. À droite les hommes vers le Christ sur le trône entouré d'anges.  

Autant de figures  drapées répétitives  aux visages plus individualisés.  

Ils sont 26, portant la couronne du martyre.
22 aux coiffures identiques suivent les rois mages.



Le Palais impérial. On penserait à Split.
           Basilique Saint François d'Assise 
Proche de la gare (!), édifiée au XIè  sur une ancienne basilique du même modèle à plan rectangulaire à trois nefs. et re-nommée. Dépourvue de décor historié, l'autel  recouvre une crypte- inondée.
















La sphinge..





Une sirène restée dans l'eau ?














L'attaque de Constantinople. La fin d'un monde ?
Une Licorne.






Dans les bas cotés, une exposition de fragments de mosaïques de pavement, assez comiques, de figures mythologiques romaines Considérations sur la question des possibilités de la ligne et de l’échelle, de l'enfance de l'art et de la foi..
Contre le paganisme, l'évêque est là..

Vade retro satanas..
                             



             Saint Apollinaire in Classe

À quelques kilomètres du centre, datant de VI è siècle, faute de temps,  nous ne la visitons pas, Mea culpa :  une carte postale.  Adieu Ravenne.  Et du temps pour méditer sur le génie d’artistes anonymes qui transfigurèrent de petits cailloux en illusion de peinture, et le temps de travail…ITE....