mercredi 27 avril 2011

AKA : village sur le fleuve Niger au Mali


Situé à la sortie du Lac Debo, ce village Bozo ouvre à la grande boucle du Niger.
Le lac regroupe différents bras du fleuve et s’étend sur environ cinquante kilomètres dans la traversée sud/nord. Le niveau des eaux ne le rend praticable au bateau de ligne que quelques mois par an ; en revanche les pinasses de transport s’y risquent au-delà des périodes d’hivernage.
Le lac, source de richesse -relative- pour les pêcheurs Bozo reste très inquiétant pour les peuls qui élèvent les maigres troupeaux sur ses bords et les Touaregs qui utilisent le fleuve pour le commerce entre Koulikouro, le port de Bamako et Tombouctou et Gao, à la limite navigable en direction du Niger. Les pistes et les routes étant impraticables, la route fluviale assure l’omnibus entre tous les villages.



Inquiétant par sa valeur magique aussi pour les Dogons qui y logent les dieux de leurs origines le lac l’est d’autant pour tous ceux qui ne savent pas nager : l’instituteur Bambara portait un gilet de sauvetage fluo, le jeune Ivoirien qui transitait depuis le Burkina se refaisait sans fin une beauté dans son miroir, mon voisin « forgeron Touareg » tentait de vendre ses bijoux, les femmes groupées allaitaient des enfants étonnamment silencieux, les autres s’en remettaient à Allah. Le classement par groupes ethniques préside aux regroupements dans un espace très réduit : Toubab (blanche) au départ, avec deux voyageurs égarés, après Aka je redevins femme avec les autres pour les soins des bobos et de la nourriture.


Conformément aux craintes et aux récits recueillis sur la falaise, la pinasse sur laquelle je m’étais donc embarquée avec ces quelque cinquante personnes, sur des tonnes de matériel au départ de Mopti, et après de nombreux arrêts -le cours du Niger était assez bas avant les pluies- eut quelques problèmes.

En entrant dans le lac, comme marquage d’un vague chenal, quelques bidons flottants disparaissaient dans la brume. Les femmes entreprirent de faire à manger, soit allumer un feu de branches directement sur le fond du bateau pour faire cuire le riz -gras, parfumé de quelques têtes de poisson surnageant dans les cuvettes. Le soir tombant, entre brume et fumées, le fond commença à prendre feu, le nuage fit perdre le cap et la pinasse s’enlisa dans un îlot de joncs infestés de moustiques.
À la question, « keskisepasse », retraduite en trois ou quatre langues à l’intention du pilote, la réponse fut « la route s’est mélangée ». Encalminés dans le noir, l’hélice bloquée, un commencement de panique fut amélioré par les prières du soir d’un Imam muni d’un lecteur de cassettes. Les deux autres toubabs égarés prièrent pour arriver à Aka afin de quitter le bord. Le pilote, contraint de plonger en dépit de la peur des hippopotames (monstrueux genre camion dix tonnes que l’on pu voir ensuite) et autres crocodiles, débloqua l’hélice, on ralluma le feu du bord, cette fois dans un kanoun, pour le sécher, vision extraordinaire d’un magicien nu sous les installations d’une crèche avec enfants et hamacs. Vers minuit, nous atteignîmes Aka... Noir total.



Au voyage suivant sur le Niger, cinq ans plus tard, le propriétaire de la pinasse continuait de citer « c’est toi qui était le jour où ma pinasse a pris feu » les légendes sont tenaces, et depuis on me soupçonne de « marabouter » toute situation.
Cependant cette fois-là, toujours en raison du manque d’eau dans le fleuve qui nous contraignit à faire une part du trajet à pied, la rencontre de merveilleuses jeunes filles porteuses de paniers remplis de poissons reste un des meilleurs souvenirs d’une autre petite aventure.


A suivre.....

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