" Guilloches Cosmatesques" |
On peut visiter Rome, avec un plan, un manuel d’histoire de l’art ou un roman policier.
Après la cinéphilie, et les illusions perspectives, (mai 2016), un nouveau tour façon polar macabre, il suffit de creuser pour retrouver des ruines, une stratification d’énigmes historiques, et pas mal de cadavres.
Rome, c’est Byzance.
Constantin et la chrétienté.
Sainte Sabine: un modèle originel (sauf de décor de l'abside). |
Depuis l’édit de Milan, promulgué par l’empereur Constantin en 313, de nombreuses basiliques chrétiennes avaient été fondées dans la Ville de Rome :
Les premières basiliques, édifiées sur d’anciens sanctuaires dédiés au dieu solaire Mithra, originaire d’Asie mineure, souvent détruites puis reconstruites sur les fondements primitifs, conservent le plan basilical à trois nefs, séparées par des colonnes.
Les reconstructions datent des XIIè ou XIIIè siècles, après le retour de la papauté à Rome, dans le style « paléo-chrétien ».
Dédiées soit à la Vierge, soit à des saints des débuts de l’église, de préférence martyrisés sous l’empire, autant que le récit hagiographique, elles inspirent le thriller horrifique et notre promenade thématique.
Architectures et décors:
Santa Maria in Cosmedin. |
Des sols de mosaïque « cosmatesques », un opus sectile en noir et blanc à motifs d’entrelacs, « des guilloches », une création de la famille d’architectes les Cosmati, authentiques ou reconstitués caractérisent les églises.
San Prassede. |
Le ciborium, sorte de petite chapelle surplombe l’autel, encore protégé par une clôture de marbre, l’ambon.
De l’autre coté du fleuve, deux églises:
Santa Maria del Trastevere
Dès le IIIè siècle, la supposée « première » basilique (?)
Couronnement de la Vierge sur le modèle byzantin de Théodora, et
tableaux représentant la vie de la Vierge de Cavallli XIIIè.
Santa Maria in Trastevere |
Santa Cecilia du Trastevere , Vè siècle.
Construite à l’emplacement de la maison de Sainte Cecile, martyre dont on retrouva le corps miraculeusement intact.
La sainte figure sur la mosaïque (IXè) de l’abside avec Sainte Agathe et le pape Pascal Ier (de son vivant signalé par une auréole carrée). Un Ciborium géant d’Arnolfo di Cambio surmonte l’autel .
Santa Cecilia. |
Sur les collines qui dominent la zone du Forum et le Colisée:
Saint Jean de Latran :
édifiée à l'origine entre 314 et 318 par Constantin . Une "première".
Bartolomeo, et sa peau. |
Le « ciborium » monumental gothique occupe la croisée du transept, contient les crânes de Pierre et Paul.
Cachant la mosaïque de l'abside
( tardive mais à la manière de).
Anticipation. |
en revanche les marbriers ont anticipé le test de Rorschach.
Santi Quatro Coronati :
Petite basilique du IVè à l’origine; reconstruit au XIIè, pavement du XIIIè, célèbre le martyre de 4 soldats romains qui refusèrent d’honorer le dieu Esculape.
Un cloitre charmant contient des fragments antiques et la chapelle de Saint Sylvestre est décorée de peintures à l’imitation de mosaïques byzantines, datant de 1246:
L’histoire de Constantin, lépreux, guéri par le baptême offre son trône et son cheval à Sylvestre, lequel réalise quelques miracles.
puis Helene, mère de Constantin désigne le lieu de la Vraie Croix. Motif plus connu dans la peinture du Quattrocento.
Chapelle San Sylvestro. |
Constantin atteint de la lèpre, un scoop ? |
Guérison par le Baptème. |
"Hélène découvre la Vraie Croix". |
San Clemente
San Clemente |
Basilique du IVè construite sur un sanctuaire de Mythra : les ruines de deux états primitifs sont visitables dans les soubassements; l’édifice du XIIè conserve une mosaïque dans l’abside: le triomphe de la croix. Bel exemple de pavement cosmatesque dans la nef, précédée par un un atrium qui remplace un cloître.
De cette période paléo-chrétienne on peut ajouter: Santa Maria in Cosmedin
Santa Sabina, sur l’Aventin, San Prassede, IXe, où figure Pascal 1er avec sa mère.
tous canonisés et déjà en gloire sur les mosaïques.
Sur La piste des martyrs:
Saint Clement (sans son noyé de la plage d'Ostie). |
La littérature policière s’est déjà emparée des énigmes du Vatican, les historiens d’art des aventures héroïques du Caravage (tendance bas-fonds), les guides touristiques privilégiant un parcours des églises qui contiennent ses oeuvres:
Le roman de David Hewson, découvert par hasard : Une saison pour les morts, condense les trois options et plus:
Un policier érudit, passionné par la peinture du Caravage, une héroïne spécialiste de théologie, un serial killer et quelques autres intrications avec les turpitudes plus récentes de la banque Vaticane et la référence obligée à Pasolini.
Le récit actualise la vie (et la mort) de martyrs sortis de La Légende Dorée et autres évangiles apocryphes;
en parcourant le polar on retrace quelques itinéraires dans le sud est de Rome sur les collines du Célio, de l’Aventin et du coté du Trastevere (Sainte Cécile, Saint Clément), et dans les environs du Panthéon.
Chaque meurtre est mis en scène dans l’église concordante au rituel antique.
Si le tueur s’est inspiré de l’esprit des peintures de San Stefano Rotundo, il lui a manqué quelques victimes pour garnir l’édifice.
San Stefano Rotundo .
Eglise circulaire à double couronne de colonnes: la rangée extérieur fut engagée dans un mur tardif au VIè siècle.
la coupole est étayée par deux arcs qui surplombent l’ambon -enclos contenant l’autel.
Dédiée à Saint Felicien et saint Primus. et non loin du Colisée.
Entre chaque colonne, des fresques du XVIè destinées à l’édification de jeunes missionnaires jésuites: un aperçu de « ce qui risque de vous arriver dans votre travail d’évangélisation des populations lointaines ».
Une quarantaine de panneaux assez terrifiants, quoique pâlichons, d'illustres inconnus sur fond de paysages.
Le modèle romain de
quelques lions pervers dans l’arène s’augmente d’une collection d’inventions barbares assez inédites, du pressoir au four.
Martyr de Bartolomeo. |
San Lorenzo in Lucina, pourtant grillé au barbecue, et San Agostino, (qui contient une Madone du Caravage).
Sur la piste du Caravage,
Martyr de Saint-Matthieu. |
Tendance architecture baroque, on parcourt le nord-ouest entre Navone et Popolo, pour quelques martyres de plus… Un réalisme qui vaut pour une illustration.
Le fameux polar se termine à Saint Louis des Français. Cependant que le cardinal s’échappe du Vatican -sans emporter sa copie du « Martyr de Saint-Matthieu ».
Après une telle débauche sanglante, le devoir du pèlerinage conduit au Vatican, coté Musées.
Le cauchemar tient cette fois à la foule, qui déferle dans les salles au pas de charge sous le drapeau de guides polyglottes, où l’on retrouve le Constantin des Stanze de Raphael.
Et la station debout, dans la Sixtine, serrés comme des sardines sous l’oeil de gardes hurlant « silencio »…
Moins de 10 minutes chrono (photos interdites-la preuve, d'où des cadrages aléatoires).
La Mise au tombeau |
Les couleurs incroyablement pimpantes, voire flashy n’ont qu’un lointain rapport avec l’état «d’avant», que l’on trouve encore dans les histoires de l’art, et dans la reconstitution années 65 du film de David Lean, L’extase et l’agonie, où Charlton Heston incarne un Michel Ange dégoulinant sous la voute aux couleurs de la pourpre papale. Rouge sang, carmin ou lie de vin au choix.
Au passage, le « Caravaggio » de Derek Jarman mérite la relecture.
Il ne restait qu’à trouver le dernier Caravage dans la Pinacothèque, fraiche, silencieuse, déserte ou presque,
puis rentrer sur les rotules, chez l’ami Francesco dans son hôtel de charme. Proche des thermes de Caracalla, lequel fut assez dément et inventif, pour les martyrs chrétiens.
Chapeau ! quelle érudition !
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