mardi 29 novembre 2011

TOMBOUCTOU / HOMBORI. Mali1





La saison touristique s’annonce (encore) mal pour le Mali.
Tombouctou


Le trajet par le fleuve Niger peut prendre un certain temps. En 2003 avec deux amies, nous fûmes débarquées en urgence à Niafounké ; le bac étant parti remplacer celui de Tombouctou, c’est en louant un 4x4 chez Ali Farka Touré (visite au passage du studio d ‘enregistrement) que nous sommes arrivées par la piste de nuit, après pannes et ensablements au campement hôtel du désert. « Mesdames vous avez bien besoin d’une douche ». Tous bourrés d’humour.



Sur la terrasse, un touareg qui tentait de vendre des bijoux m’interpella : « je te reconnais, tu es Anna, l’amie de Boccar, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs soupes ». Je n’ai jamais su qui il était, mais plus tard à Mopti, Boccar aussi me reconnut, et me vendit un bijou, les temps étaient très durs pour tous.

Mohammed et Boccar

Fantastique mémoire, car cinq années plus tôt, à l’issue d’une inoubliable semaine de navigation sur le Niger (voir chapitre AKA), débarquement loin de la ville grise et ensablée, mon voisin de pinasse Boccar, forgeron touareg, fabricant de bijoux en argent m’invita à séjourner dans sa famille. Chez le père d’abord où, en dépit d’une grande résistance aux pires cas, je refusai de cohabiter avec la chèvre qui venait de mettre bas et avec les mouches, puis chez une cousine dans une très belle maison près du désert. Façade à pilastres et moulures, hauts plafonds, sol tapissé de sable (un tamis fait office de balai) ; fraîcheur étonnante. Démonstration de danse  touareg (assise) par la cousine, une  « très belle femme » donc obèse qui ne pouvait se lever . Le cousin  Mohammed qui refusait les images embrassait cependant les photos de la dame, à l’envers : je compris alors que l’orientation des images est dans la tête, comme le repérage des étoiles.



En attendant un hypothétique transport pour Gao, du temps pour palabrer sur la dune, 


observer le départ d’une caravane,


Pilage et chèvres arboricoles

et visiter la mosquée de Djingareiber, de voir les autres de l’extérieur, admirer les portes ouvragées.


Au centre, les pompes laissent des flaques et, vue de près, la cité du désert perd un peu de son aura.


Un véhicule de Point Afrique m’embarqua pour Gao, pannes, errances et poste de police, la région était un peu craignos à l’époque; puis faute de transport pour le Niger, un bus pour Hombori, chèvres, moutons et poulets sur les genoux.

HOMBORI


A Hombori, paysage de monts en grès ocre rouge, les « tondo », le campement hôtel  était vide: le patron faisait du stop pour aller à Bamako chercher un compresseur de rechange pour le congélateur, cependant que sa femme était sur le point d’accoucher du onzième, « pour compléter  son équipe de foot ».


La femme de Salvador et celle de l'"africain"



Un sud africain blanc, dynamiteur de puits fréquentait ce seul bar à bière (malencontreusement sans glace). Le patron du campement assurait aussi la messe du dimanche.



Une randonnée chaude, une vingtaine de kilomètres à travers les monts hombori, m’amena dans sa maison, et sa superbe femme, puis chez Salvador, le catalan qui tenait un « ranch »  pour grimpeurs au pied de la « Main de Fatma ». 






Six cents mètres de verticale à main nue pour spécialistes (un Chamoniard mourut déshydraté à mi-hauteur). Plus tard je fus invitée à partager le « mouton » du départ.



 Bernard Marnette, alpiniste belge, aussi malade que son hôte, retournant au Burkina, Salvador, en 4x4 nous fit traverser la brousse hors-piste avec aux premières heures de l’aube, dans un grand nulle-part, un petit-déjeuner de cuisse de chèvre recuite au feu de bois.

En 2007, avec Michelle Rastoul, dans les marges des opérations d’ Aster, de passage entre le pays dogon et Gao, l’arrêt à Hombori nous permit de constater que l’équipe de foot en était au quatorzième, sans compter le bébé de la fille aînée. L’accueil toujours sympathique, la bière fraîche, les moustiquaires à poste et deux voyageurs. Huit pour la messe. Et des antiquités pour attirer le voyageur. Les skis à louer plus surprenants : pour les dunes.



Il avait plu et autour de la mare d’en face, l’activité était joyeuse.  L’urbanisme moins…
Une ballade sur la dune rose pour le coucher de soleil. Des gamines vendaient des bracelets et des gamins dépenaillés attendaient trois sous d’un éventuel touriste.























Puis à nouveau le trek épuisant dans les monts Hombori.




Visite de villages  sonraï dans la montagne en partie sous voûte, femmes militantes, une gamine dans sa coiffure de fête, semblable aux sculptures.


















Les casseurs de cailloux, pour aplanir le terrain devant la mosquée, et enfin apercevoir la main de Fatma.


Le village de la mine était déserté, ne restait qu’un gardien au milieu des ruines, le creuseur de puits était reparti, sa femme morte du sida et le catalan avait fermé, ne restait que sa femme. Grande sinistrose.






vendredi 25 novembre 2011

BURKINA FASO. Afrique noire 2

« Le pays des hommes intègres »


Tiebélé


de Banfora dans un bus, vide mais empli d’une musique éraillée, comme tous les autres véhicules, mais qui permettent de connaître les derniers tubes,   à Bobo-Dioulasso. Une ville charmante et ombragée. Le raccourci Bobo est de circonstance ; le campement était une annexe de l’hôpital : Le proprio couché avec sa crise de palu et deux pensionnaires en voie de rapatriement avec maladies improbables : des vers sortaient du dos de l’un deux. J’y soignai la gastro géante suite des agapes de mou bouilli sénoufo.(Episode précédent)





Le gardien du musée, riche de collections et de reconstitutions d’habitats des ethnies voisines,








m’emmena visiter le village de Koumi sur le porte bagage de sa mobylette -tout terrain. Le « goudron » est fort limité.
Maisons à étage de style madare takonsa, terre ocre rouge, presque noire; 








le forgeron et son arpète qui pompe sur un soufflet à deux seins.






Deux ans plus tard, le visa pour le Cameroun m’ayant été refusé faute de garantie locale (un rendu pour la politique française anti-immigration) j’atterris à Ouagadougou. Ma voisine d’avion , une Chilienne, allait faire du théâtre de rue contre le sida.
Des panneaux d’information sur le sida bordent les routes et le cinéma burkinabé en a fait un sujet. L’hôtel Le pavillon vert, tenu par des françaises affichait le plat du jour :  grenouilles à la provencale. Un pays décidément progressiste.
Dans les rues, la mode était au « poulet télévisé ».







Les boutiques des coiffeurs affichaient les coupes à la mode : le « ras sasso », « la pointe congo », « le roi Beaudoin (l’évolué colonial) » et « à la Jospin », le blanchiment étant compris. (Images hélas perdues). Mais les coiffures de femmes sont aussi variées.























Un centre culturel très actif dans le rond-point de la galerie Zaka : concerts de jazz ou de musique traditionnelle. Sculpture contemporaine.









Encore plus traditionnel, la cérémonie de Moro-Naba, devant l’ancien palais : un rituel très confus, agrémenté de coups de feu, et du passage d’un superbe cheval blanc. Photos interdites, mains dans les poches aussi ???






Lors de la visite du grand marché le jour de la prière qui occupe toutes les rues du centre, je fus embarquée par des jeunes, sans préavis, dans un autobus Pépin (immatriculé 49, FR) pour Koudougou, et ses « nuits atypiques » les NAK.
Grand concert nocturne (kora, balafon et ngoni) et chanteur très Dalidesque en première partie. Hébergement spartiate sur le ciment d’une famille encore plus intègre... 






au marché des stands de guérisseurs en tout genre, peintures terrifiantes des maladies,


dans le style coiffeur..


et plus moderne, la démo d’un capteur solaire pour la cuisine.





Minibus pour le sud , pour visiter les villages de la frontière du Ghana. Jusqu’à Po, pas de problème ; puis la fin sur porte-bagages de mob, une habitude, les femmes des associations à Ouaga et ailleurs se font un plaisir de ramasser les toubabs solitaires.




À Tiebélé, ethnie Gourounsi, les maisons sont peintes par les femmes. Chacune a sa case à l’intérieur d’un enclos fortifié, au milieu des champs de mil. 














Mais les jeunes gens, moins intègres, font du chantage à l’argent pour les photos, (cher, les dessins moitié-prix). 






Une rare sensation d’agressivité me fit fuir en urgence sur la plateforme d’un pick-up qui passait par là.
Moins intègre aussi, l’antiquaire qui voulait me vendre des têtes Nok « authentiques » pour un prix très convenable. 
Un visa pour le Mali en 15 minutes, un record, et un bus pour Ouahigouya, son barrage, ses grenouilles, et ses vautours qui nettoient la rue : à l’hôtel de l’Amitié, seule cliente pour 500 chambres, un sympathique vautour  me lorgnait sur le balcon.
La route du Mali pas encore faite, les nids de poule, taille hippopotame, la plaque de la frontière indiquait encore : Territoire de Haute Volta.
Trois semaines plus tard, de retour à Djibo au Burkina dans le 4x4 du catalan de Hombori, par une piste non cartographiée, nous eûmes quelques problèmes avec la police (pas vu la douane). Un taxi-brousse me ramena à Kongoussi, terre rouge et charmant lac -enfin de l’eau, les arbres y sont noyés- le long duquel des associations de femmes tricotent.














 En terrasse, les brochettes servies dans des bouts de sacs de ciment sont nettoyées par les chiens, les porcs et les vautours, encore.
Puis un imam administrateur d’une coopérative de femmes, une femme au volant, me rapatria à Ouaga.
Grande fête avec défilés et fanfares pour l’investiture du Président (quelques manifestations d’opposants aussi, la démocratie étant relative) 
Restait une dernière visite incontournable, Mannega, le « musée de la bendrologie et de la termitière » créé par Tittenga Frédéric Pacéré, un avocat anthropologue local, particulièrement bavard, limite délirant. Des collections incroyables, les stèles du cimetière des pierres tombales et leur « installation » très contemporaine 










coexistent avec des reconstitutions de scènes de rituels mossi, de chasse avec animaux empaillés, une bataille quasi napoléonnienne en figurines, des masques et des maximes ou panneaux didactiques.
Sur la piste, une dizaine de kms à pied depuis la route, les gamins demandaient : dis madame pourquoi t’as pas de mobylette, pourquoi t’as pas de 4x4 ?
Je n’avais déja plus de photos ni de crayons..

A la sortie du village, un panneau :
« La femme a bu du prunier sauvage, là où elle se dirige est une saison pluvieuse »...

Sur la route de l’aéroport, la chance.









vendredi 18 novembre 2011

AFRIQUE NOIRE 1: Côte d'Ivoire

D'Abidjan à Banfora


Maison Senoufo


Dans l’avion pour Abidjan : puisque tu arrives toute seule (pourquoi t’a pas de mari, leitmotiv) je vais te prêter mon petit frère. C’était l’ami-du-mari-d’une-collègue rencontré par hasard sur les sièges fumeur de la Sabena. C’était en 96.
Très chaude ambiance, le bâtiment (une « parfumerie » sans doute distillerie) face à l’hôtel était en feu. On m’a interdit de traverser le pont, trop dangereux ; et le soir des vigiles gardaient des rues défoncées.






Le petit petit-frère-garde-du-corps n’était pas toujours disposé à suivre des caprices invraisemblables: faire le trajet à pied plutôt que de se battre pour le prix des taxis, « faire » les marchés, pour des achats trop lourds dès le départ ; visiter le musée (dans ce cas présence inutile... on se retrouvera après, peut-être).




Des croquis (photo interdite) des pièces de différentes ethnies, y compris les colons de la franceafrique 














Que reste-il des piliers sculptés qui soutiennent le patio et des collections après les affrontements de l’an dernier ?















Mon projet, très influencé par la lecture de L’Afrique fantôme de Michel Leiris, était d’étudier l’artisanat et la statuaire africaine,







 sur un trajet menant à Djenné au Mali, via Bobo Dioulasso au Burkina, ce qui fut fait non sans aventures et renouvelé avec passion.




En arrivant à la gare du Plateau, j’entendis siffler le train, elle était désaffectée, erreur du Routard. En attendant, des scènes de rues: le cireur et sa cliente, 


















une autre dame très chic... Incroyable variété de boubous.














Restait le bus à la gigantesque gare routière d’Adjamé - le taxi fut attaqué par des jeunes- avant de pénétrer dans l’enclos cadenassé et militarisé des différentes compagnies : sueurs chaudes.





Sur la route pour le nord, le bus tente de doubler un camion qui porte l’inscription :
                              Le crayon de Dieu n'a pas de gomme....

(Les miens non plus) Une maxime comme nombre d’autres qui ornent les véhicules des voyages « inch-allah ». Ceux dont on ne maîtrise ni le trajet ni la durée.

A Bouaké, les marchandes de fruits, puis à Yamoussoukro, une vision rapide du Saint-Pierre de Rome d’Houphouët-Boigny, un peu moisi.






















Korhogo: son quartier des sculpteurs dans la montée à la mosquée:









 une production quasi industrielle, dont les stocks attendent, tels les réserves photographiées par la Mission Dakar-Djibouti.









 L’un d’entre eux m’initia au maniement du seul outil, l’herminette-gouge : il faut viser juste. 







Les premiers repas de tau sauce baobab, dur, et de poulet-bicyclette, dur aussi, dont les femmes  à la cuisine rerongent les os que l’on laisse dans l’assiette.



Seule touriste repérable à trois kilomètres, Yao un guide prolixe me vendit un programme de visites : les villages de tisserands : Katia et Waraniéné, 
Des kilomètres de fils de chaîne tendus à travers les champs vides:




pour tisser, à l'ombres des bandes étroites, "velpeau" en plus raide, qui sont assemblées ensuite.









Même de petits gamins travaillent.






Une journée complétée par une cérémonie de funérailles d’un chef de village quelque part en brousse. Une foule incroyable, à pied en taxi-brousse, à dos d’âne, à mob, jusqu’à tard dans la nuit de pleine lune. 








En musique..



Le fossoyeur m’invita dans la tombe avant que le mort n’y soit placé, violente odeur de fientes de chauve-souris ;




ayant été repérée avant la sortie des hommes panthères, ratée, je rejoignis les femmes pour danser la « danse du tigre » un magnétophone dans la poche.




Puis invitée par un des groupes de balafonistes je dus déguster une chose inqualifiable, arrosée de Valstar à la température ambiante, 35°.  

À l’embranchement de Ferkessédougou, le lendemain, le syndicat des camionneurs arrêta une voiture de luxe, au même tarif que le bus, à destination de Bobo :
Le véhicule transportait des langoustes, « tu n’as jamais vu ça », qui furent peut-être fraîches la veille au port. Ils durent ouvrir la glacière à chaque contrôle, et ils sont nombreux : les pauvres bestioles étaient vertes et l’odeur de la voiture dépassait celle des criées les jours de grêve d’éboueurs. C’était le menu royal du restaurant réputé de Banfora..