D'Abidjan à Banfora
Maison Senoufo |
Dans l’avion pour Abidjan : puisque tu arrives toute seule (pourquoi t’a pas de mari, leitmotiv) je vais te prêter mon petit frère. C’était l’ami-du-mari-d’une-collègue rencontré par hasard sur les sièges fumeur de la Sabena. C’était en 96.
Très chaude ambiance, le bâtiment (une « parfumerie » sans doute distillerie) face à l’hôtel était en feu. On m’a interdit de traverser le pont, trop dangereux ; et le soir des vigiles gardaient des rues défoncées.
Le petit petit-frère-garde-du-corps n’était pas toujours disposé à suivre des caprices invraisemblables: faire le trajet à pied plutôt que de se battre pour le prix des taxis, « faire » les marchés, pour des achats trop lourds dès le départ ; visiter le musée (dans ce cas présence inutile... on se retrouvera après, peut-être).
Des croquis (photo interdite) des pièces de différentes ethnies, y compris les colons de la franceafrique
Que reste-il des piliers sculptés qui soutiennent le patio et des collections après les affrontements de l’an dernier ?
Mon projet, très influencé par la lecture de L’Afrique fantôme de Michel Leiris, était d’étudier l’artisanat et la statuaire africaine,
sur un trajet menant à Djenné au Mali, via Bobo Dioulasso au Burkina, ce qui fut fait non sans aventures et renouvelé avec passion.
En arrivant à la gare du Plateau, j’entendis siffler le train, elle était désaffectée, erreur du Routard. En attendant, des scènes de rues: le cireur et sa cliente,
une autre dame très chic... Incroyable variété de boubous.
Restait le bus à la gigantesque gare routière d’Adjamé - le taxi fut attaqué par des jeunes- avant de pénétrer dans l’enclos cadenassé et militarisé des différentes compagnies : sueurs chaudes.
Sur la route pour le nord, le bus tente de doubler un camion qui porte l’inscription :
Le crayon de Dieu n'a pas de gomme....
(Les miens non plus) Une maxime comme nombre d’autres qui ornent les véhicules des voyages « inch-allah ». Ceux dont on ne maîtrise ni le trajet ni la durée.
A Bouaké, les marchandes de fruits, puis à Yamoussoukro, une vision rapide du Saint-Pierre de Rome d’Houphouët-Boigny, un peu moisi.
Korhogo: son quartier des sculpteurs dans la montée à la mosquée:
une production quasi industrielle, dont les stocks attendent, tels les réserves photographiées par la Mission Dakar-Djibouti.
L’un d’entre eux m’initia au maniement du seul outil, l’herminette-gouge : il faut viser juste.
Les premiers repas de tau sauce baobab, dur, et de poulet-bicyclette, dur aussi, dont les femmes à la cuisine rerongent les os que l’on laisse dans l’assiette.
Seule touriste repérable à trois kilomètres, Yao un guide prolixe me vendit un programme de visites : les villages de tisserands : Katia et Waraniéné,
Des kilomètres de fils de chaîne tendus à travers les champs vides:
Même de petits gamins travaillent.
Une journée complétée par une cérémonie de funérailles d’un chef de village quelque part en brousse. Une foule incroyable, à pied en taxi-brousse, à dos d’âne, à mob, jusqu’à tard dans la nuit de pleine lune.
En musique..
Le fossoyeur m’invita dans la tombe avant que le mort n’y soit placé, violente odeur de fientes de chauve-souris ;
ayant été repérée avant la sortie des hommes panthères, ratée, je rejoignis les femmes pour danser la « danse du tigre » un magnétophone dans la poche.
Puis invitée par un des groupes de balafonistes je dus déguster une chose inqualifiable, arrosée de Valstar à la température ambiante, 35°.
À l’embranchement de Ferkessédougou, le lendemain, le syndicat des camionneurs arrêta une voiture de luxe, au même tarif que le bus, à destination de Bobo :
Le véhicule transportait des langoustes, « tu n’as jamais vu ça », qui furent peut-être fraîches la veille au port. Ils durent ouvrir la glacière à chaque contrôle, et ils sont nombreux : les pauvres bestioles étaient vertes et l’odeur de la voiture dépassait celle des criées les jours de grêve d’éboueurs. C’était le menu royal du restaurant réputé de Banfora..
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