vendredi 7 février 2014

SUMBA . Indonésie

Maisons traditionnelles un jour de fête, tissage Ikat.


 Sumba est l’une  des « petites îles de la sonde » à l’est de Bali et au sud de Flores, à l’écart des grandes routes touristiques. C’était, il y a juste cinq ans, au terme d’un grand trip en Indonésie, un anniversaire fort symbolique. Voyage aventureux qui finit en rapatriement sanitaire, grâce à la dengue.

On accède à Sumba en avion par Bali -peu de vols-,  vers deux aéroports proches des deux villes principales : à l’est, Waingapu, dans une zone sèche et relativement plate, et Waikabubak à l’ouest au coeur de collines tropicales et fort humides, surtout en période de mousson. Toutes mes photos sont ainsi plus qu’embrumées, désolée !


Débarquant seule à l’aéroport, je fus « récupérée » par un charmant jeune homme attendant quelque touriste hypothétique, qui me conduisit dans un hôtel de la « capitale » non sans faire un arrêt dans son commerce d’artisanat local. Objets rituels, armes, boîtes à poisons et autres drogues…




Une première découverte de la spécialité de Sumba, le tissage Ikat destiné à des panneaux et pagnes de cérémonie, portés principalement par les hommes.


Préparation et nouage avant teinture.




Une technique  très complexe : les fils de chaîne et de trame sont teints avant tissage ; les motifs étant préparés par couleurs en ligaturant des fils pour occulter le reste du dessin. 








Après le montage du métier avec les fils de chaîne, le tissage de la trame doit coïncider au mieux, d’où l’effet de flou. Le travail est réalisé par les femmes dans les villages, sur un métier horizontal. Dans  la galerie couverte de chaque maison, le métier voisine avec les trophées. 
Les  traditions ancestrales encore vivaces n’ont pas été éradiquées par l’islam, l’animisme « marapu »  prévaut encore sur les religions importées. Si Flores est catholique, à Sumba un protestantisme vaguement baptiste s’est implanté dans les villes.
Ainsi à Waikabubak, je suivis le service religieux dans une église bondée, dont l’officiante, une femme vêtue d’une longue chemise blanche et drapée dans un somptueux ikat. Choeurs et musique à l’harmonium, entre Harlem et R.Clayderman ; plus de deux heures de rituels et lectures de la bible en indonésien, la communion sous deux espèces (brioche et vin liquoreux) est portée dans les rangs par des servants immaculés. Une expérience autrement exotique.



Femme tissant à Rende:  un modèle "riche".


Sumba est :

En quittant la route, les pistes cahoteuses (un ami d’un ami m’emmenait sur sa moto, courbatures garanties) conduisent aux villages répartis dans la brousse à 50 kms de Waingapu.
 La partie est de l’île comporte de nombreux villages traditionnels : les maisons familiales s’organisent en rangs parallèles, de part et d’autre des tombeaux de chaque famille. Les ancêtres veillent ainsi sur leur lignée.



À Rende, les tombes d’un groupe de chefs tribaux rivalisent de stèles sculptées, édifiées sur d’énormes  assemblages de blocs ; les plus récentes ont remplacé la pierre par le béton.


Pau: ensemble de tombeaux

À Umabara comme à Pau, les stèles isolées figurent les animaux sacrés de la religion, en bas relief, empilés, ou répartis sur les blocs étagés montés sur piliers.




Stèle à Pau, détail.






Buffle, porc, chien, coq, ou encore crocodiles et tortues. Les cavaliers sont inscrits dans la composition à différentes échelles. Tout l’univers des récits mythiques est ainsi combiné.

Quelques figures humaines en ronde-bosse surmontent certains tombeaux. Les buffles, comme à Sulawesi, sont l’objet de sacrifices.




Les tombeaux à Rende
 
Cette réadaptation figurative de mégalithes des autres régions d’Indonésie se réfère donc à des traditions  qu’illustrent aussi les ikats.
Les femmes tissent sur la galerie des maisons aux toits de paille (quelquefois remplacés par de la tôle).



Maison à Rende : le séchage des nappes de fils de chaîne.

Les  habitants sont des éleveurs de chevaux, une tradition de guerriers, mais les porcs énormes vagabondent un peu partout.


Décor de galerie

Sumba Ouest


 Waikabubak : cette petite ville qui comporte une église, une mosquée et quelques campements hôtels fréquentés par des humanitaires, est construite entre des collines sur lesquels d’anciens villages maintiennent une vie fort rustique.

Wakabubak, le vieux village: de l'usage des tombeaux...

Un village ancien domine le stade et l’hôpital (triste souvenir de malades arrivant trop tard, de fabrication de médicaments sans nom, distribués en sachets -dose, de diagnostic aléatoire).



La plage de Lamboya

Les humanitaires en question méritent quelques lignes : un grand Suisse distribuait des bibles et des antibiotiques, son amie chrétienne originaire de Timor me servit d’interprète ; deux japonais venaient apprendre aux locaux des techniques de culture du riz (comme si c’était utile), leur interprète musulmane leur interdisait toute visite dans des villages animistes, mais nous sommes quand même allés à la plage.







Un "Puits de l'espoir"  en cours.



Enfin André Graff, un Français qui creusait des puits dans les villages éloignés afin d’améliorer l’hygiène dans une région infestée par le palu. Son action quasi héroïque continue, comme nos échanges de mails. Une association efficace, quand on a vu l'état sanitaire de la région.






Village de l'ouest, pendant la mousson.


Mon guide et deux paysans en tenue.






Les visites de villages que j’ai pu  faire (sur le porte-bagages de la mobylette de l’employé du campement) m’ont  convaincue de l’urgence sanitaire :




les gamins crapotent avec les chiens et les porcs dans des mares infestées d’insectes. Ni eau ni électricité. Une rare école éloignée.






Mâchoires ornant la salle commune.




En visitant une maison, on comprend le mode de construction : une sorte de tour axiale maintient le toit, et supporte l’étage d’habitation intérieure ; la galerie sur quatre côtés est montée sur pilotis. Un foyer central sert de cuisine entouré de bancs formant couchage. Moustiquaires inconnues.




Les cornes des buffles sacrifiés ornent la galerie, peuvent servir de porte chaussures, alors que les mâchoires d’animaux garnissent les  soupentes.

Les tombes au centre, peu décoratives, un « dolmen » basique, servent de séchoir à céréales ou à la lessive. Quelque  fût leur misère, les mômes étaient écroulés de rire en voyant une blanche, et n’avaient pas encore appris la mendicité.

ANAKALANG: 



Tombeau traditionnel, vers 1950.  Sur le côté, l'enfant.



Vue de face, le couple.








À trente kilomètres à l'est de Waikabubak, cette région est mieux connue par la statuaire particulière des tombes:









Face nord et ouest

L'homme et la femme sont figurés à une 
dimension identique.






Le couple et les chevaux
























Les tombeaux érigés au centre des groupes de maisons diffèrent de ceux de l’est : plus plats,  les  bordures sont sculptées de scènes rurales, et des stèles figurant les défunts sont taillées sur quatre faces. Les compartiments inscrivent différentes scènes : les portraits de famille, le bestiaire et les rituels. Des encadrements à motifs géométriques.



Construction complexe: les dalles et la stèle






Les ancêtres ne sont pas très anciens, même s’ils ont quelque chose de "romains de la république", les tombes datent des années trente ou cinquante, mais très noircis par l'humidité.




Rasta pas mort.












Un ancien, vêtu d’un t-shirt à l’effigie d’Haïlé Sélassié (un rasta de dernière heure !) nous expliqua la méthode pour rouvrir les dalles afin d’inhumer le défunt récent : le tombeau est familial comme la maison.




Tombeau moderne









La zone agricole assez riche est proche de la route principale. 

L’apport de commerçants nouveaux et musulmans se repère par de nouveaux tombeaux en dalles de faïence bleue, éventuellement couvertes d’un hangar.







Au sud de Wakabubak: les villages perdus...


Ambiance humide !


Maison de village


La pratique du tissage reste l'apanage des femmes, même dans les villages perchés.





Sur une dalle, un "arbre à crâne"
D’autres villages (sacrés parfois) noyés dans la jungle complètement isolés et sans ressources ne comportent que de grandes dalles et quelques pierres en vague forme de cheval ou des « arbres à crânes ».


L'ancêtre









Un superbe vieux, d’une couleur étrange, faisait signer un livre d’or contre quelques dollars au rare touriste.




 Les femmes sans âge , particulièrement décaties vivent torse nu, mais quelques jeunes résistent encore, très hospitaliers.  Ce village à brûlé depuis. 










La lune de Février

Scène de combat du Pasola




Tout le monde attendait la grande cérémonie du 
« Pasola » : la reconstitution annuelle d’un combat rituel  de quelques centaines de cavaliers armés de lances. La date de cette fête (quelquefois sanglante) est donnée par l’arrivée de vers  sur la plage au sud de Lamboya, à la lune de février.


Nous avons vu la plage, les rouleaux, les surfeurs australiens n’étaient pas là, les vers non plus.









On y était presque, mais terrassée par la dengue et une supposée typhoïde, je dus reprendre le premier avion, deux jours trop tôt, avec comme consolation un ikat figurant ce même pasola. Et j’ai dû interrompre mon enquête sur les sculptures. Damned.

Pour une analyse des rituels d’édification des tombeaux, et leur iconographie, un ouvrage :  « Messages de Pierre », Statues et sculptures de l’Indonésie primitive dans les collections du Musée Barbier-Müller, Skira/Seuil, 1999.





















  

1 commentaire:

  1. Chouette article, chouettes photos :)
    J'ai fait cette petite video de Sumba qui vous rappellera surement des souvenirs:
    https://youtu.be/PdeD0-IdbRE

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