Le PAYS TORAJA
Artisanat local : une synthèse des traditions |
Au
centre de l’île des Célèbes, la
conservation des traditions et
l’architecture des villages m’avaient fascinée, depuis la lecture de Nigel Barley : L’anthropologie
n’est pas un sport dangereux.
Un site funéraire au milieu des rizières. |
Faute
d’expérimenter le trajet Mamasa / Rantepao, à cheval, c’est sur porte bagages
de mobylettes que j’ai visité les nombreux villages construits dans les collines.
Entrée de la Mosquée |
Rantepao :
dans le centre, tous les édifices publics sont complétés d’une «proue » en forme
de grenier ; même la mosquée, le local du parti ou le commissariat. Sans distinction de religion ou d'animisme:
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Les
villages traditionnels, une rangée de maisons de bois sur
piliers fait face à la rangée de greniers à riz sur plateforme encore plus complexe.
Construction d'un grenier, première étape. |
La toiture du grenier en lamelles de bambous dominé par une couverture de
chaume. Comme ailleurs la tôle
remplace souvent le végétal, mais la hauteur des pousses fleuries atteste de
l’ancienneté de chaque maison ou grenier.
Le site de Kete kesu. |
La
parenté entre les formes des navires et celle des toitures est renforcée par le système des
ouvertures. On accède au logement par une échelle, le volet sculpté ouvre sur
des pièces compartimentées avec un seuil, et les fenêtres, se soulèvent comme des sabords.
Intérieur à Kete Kesu |
Situé près d’un terrain truffé de
mégalithes, le village très touristique de Kete Kesu, accepte les visites,
contre espèces sonnantes. No photo. Riche aussi en
boutiques d’artisanat local.
Piliers symboliques |
Maison à Kete Kesu |
L’avant-toit
des maisons, assez larges, est supporté par un pilier orné des cornes des
buffles sacrifiés. Des mandibules
le long des poutres. Là encore le nombre atteste de l’ancienneté et de la
richesse du propriétaire.
Deux greniers, avec chiens couchés. |
Chaque grenier, sur plateforme qui
abrite les discussions et les siestes,
se démarque par les variations de la façade sculptée et peinte : le
motif de tête de buffles s’insère
dans des entrelacs fort complexes.
( lire Nigel Barley, pour
l’épisode de la construction d'un grenier au Musée de Londres).
La douche du condamné. |
Des buffles, partout, donc, dans les
rizières, pour traîner les charrettes, pour les sacrifices, et que l'on bichonne.
LES RITUELS FUNÉRAIRES.
Dans
le premier village visité, un défunt en attente derrière les draps :
le seul
vivant repérable finissait le cercueil, qui sera ensuite transporté dans un
catafalque en forme de grenier, lequel sera abandonné sur le lieu de l’ensevelissement : autant de niches creusées dans la falaise.
Catafalque au pied des caves |
Le rocher était proche du village, mais dans une jungle où
les énormes gouttes de pluie le disputaient aux chutes de sangsues. Ne jamais oublier les cigarettes. Pour les cadeaux mais surtout se débarrasser
de ces sales bestioles. Beurk.
Dans
les villages les plus célèbres,
les grottes funéraires, sont
gardées par les tau tau :
Les tau tau de Londa |
Les
défunts au balcon sous forme de statues, grandeur nature
à l’effigie du mort . Vêtues, chaussées de lunettes et un peu décaties selon les sites.
Cigarettes pour le mort. |
Au
balcon à Londa , des volets
empêchent les vols, site
fort visité où ses empilements de
cercueils de tous styles emplissent des grottes.
Les tau tau de Lemo |
À Lemo un caveau en cours de creusement, dans une falaise à étages. Mais ce n'était pas la saison de la sortie rituelle et du nettoyage du squelette, autre pratique permettant une série de libations et de sacrifices.
Dans
un autre village, on nous invita à une cérémonie, une construction d’un édifice
sur l’aire de cérémonie était en cours, mais il n’était pas possible de revenir aussi loin aux aurores le lendemain.
Aire de cérémonie en préparation |
En
revanche à quelques kilomètres de Rantepao, je découvris une aire à abattre,
vide : des constructions semblables aux greniers, entièrement peintes en
rouge. Au centre des pierres dressées et la statue d’un ancien, le tout dans une terre détrempée mais
rouge. Ce n’était pas seulement la pluie…
Alang à Marante |
Plus
loin, une autre aire fort animée : Un Alang, avec quatre bêtes attachées en attendant le
lendemain ; dans les loges, numérotées comme au théâtre, la famille joue
aux cartes, boit et augmente les enjeux du nombre et du prix des bêtes
sacrifiées.
Buffle albinos, le plus cher, le premier de la liste. |
Ce sacrifice peut
provoquer la ruine et un
endettement à vie au nom du mort. Le buffle albinos atteint des sommes équivalent
à dix ans de salaires ou plus.
Dans les loges. |
Âmes
sensibles et végétariens s’abstenir.
Visions
des flots qui coulent du cou de la
bête qui s’effondre, le sol
est ensuite pudiquement masqué par des
palmes.
L’une
d’elles, mal coupée, se rua dans le public, tenta une sortie en arrosant les assistants, le boucher la rattrapa
difficilement.
Le
quatrième buffle fut finalement gracié, (enchères insuffisantes ?) ou
remis à la séance suivante.
Fin de partie |
Récupération
des cornes, le cadavre est
immédiatement dépouillé, la peau part bien pliée, et la découpe de la viande
sera servie, grillée aux convives et assistants. Je renonce.
Un guide spirituel |
Écoeurée
par l’odeur tenace du sang, je
partis à pied à la recherche de Nangala, un village
recommandé pour ses 14 greniers: escortée à travers champs par un pasteur
protestant (les églises se
disputent une population qui reste animiste).
Nangala, l'effondrement. |
Le
village venait d’être littéralement soufflé par une tornade : des tas de fétus de grenier dont l’affaissement
imite la chute des buffles.
Antiques à vendre? |
La
maison faisant office d’entrée payante, était en l’occurrence déserte, une
collection de vieux tau tau
attend.
les aliens |
Plus
haut dans les collines, à
Batumonga, une famille de tau tau non peints est prisonnière d’un hôtel,
des aliens encore anonymes ?
Un
moment de grâce :
en traversant des rizières,
on tombe sur un petit lac dans lequel les gamins s’ébrouent (j’en fais autant )
alors que sur une plateforme un
prêtre fait un service religieux
pour une classe d’ados.
Dans un bouiboui au détour d’un marché,
l’expérience culinaire décisive:
Pa'piang |
le Pa’piang : très longue cuisson de viandes
(abats ?),
et d’herbes dans
un tube de bambou, arrosé d’un vin de palme très alcoolisé. Fin d’un séjour passionnant . Et un bon café local pour la route.
Hommage à l'économie agraire. |
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