mercredi 4 mai 2011

AFGHANISTAN : vivre et travailler à KABOUL 3.

Afghanistan 3. Un printemps afghan.





Avril/mai 2008, deuxième séjour après la fermeture d’hiver de l’UPK.
Seule cette fois dans Dubai 2 (presque rénové) une nuit interminable à discuter avec un  policier allemand et un français venu pour des raisons curieuses, entre une enquête et un film à tourner pour Insaf developpement, revu plus tard à l’ambassade, assez désapointé. Les mercenaires encore plus musclés et tatoués partaient cette fois pour Kaboul.

 Le climat, la neige, l’absence de chauffage contraint les étudiants comme tout le monde à se replier dans des maisons glaciales. Une chaufferette placée sous la table couverte d’une énorme couverture permet au moins de se réchauffer les pieds. Les réchauds à pétrole ne sont pas accessibles à tous, quant au chauffage électrique, il ne faut pas l’envisager. Début avril, il faisait encore très froid. Et c’est là que l’on mesure la supériorité des architectures de terre sur les barres de béton.

Changement de saison, changement d’ambiance : les humanitaires de l’automne étaient partis, les restaurants pour étrangers commençaient à souffrir de la recrudescence des attentats, une montée sensible de l’islamisme : dans le quartier, deux nouvelles mosquées avaient poussé, ainsi que des constructions de style « international pakistanais » pour les riches ( on les dit liés au trafic) : structure béton avec des balcons et colonnes invraisemblables.

Les tracasseries avaient commencé à Paris avec le visa trop court; trois semaines plus tard, un parcours du combattant de quatre jours dans le dédale des bureaux des ministères à permis de régulariser la situation. Mais cette approche « de l’intérieur » des rapports administration/police/armée résume l’imbroglio permanent que l’on perçoit aussi bien dans les rues. 


L’encombrement permanent par des quantités  de contrôles, de barrages, de vérification qui ralentissent tout trajet. L’état de la voirie, encore plus dégradé avec les pluies, les mises en place interminables de matériaux pour aménager des canalisations ajoutent aux difficultés de transport ; les bouchons du matin, en dépit du prix de l’essence stresseraient le parisien de base. Multiplication des convois militaires, des contrôles dans les rues du centre ville, en particulier après  l’attaque de l’hôtel de luxe et l’attentat raté contre Karzaï dans le stade. Les grosses ONG frétaient trois 4x4 pour un seul opérateur utile, apportant comme disent les locaux « plus de poussière que de d’effets apparents ».
L’apprentissage du calme intérieur demanderait un stage de « zénitude » avant le départ, car la résignation n’est pas de mise. Il y a tant à faire, et apparemment rien n’avait changé, sauf en pire. L’électricité plus rare encore, sauf par une étrange nuit de totale illumination lors du passage de Mme Merkel.

En revanche l’offensive « nettoyage de printemps » à Polytechnique a apporté un peu d’ordre et de propreté dans les salles et les couloirs, il y avait même des toilettes à l’étage, ce qui nous privait des salutations du très comique gardien du bâtiment coréen détenteur des clés du royaume de la chasse d’eau. Quelques jours après leur ouverture, elles n’étaient plus opérationnelles, seuls les lavabos servaient pour les ablutions préalables à la prière sur le palier recyclé en mosquée après une tentative d’éradication par le nouveau Président, un laïc fervent.



Le programme de cours assez varié mais aléatoire était constamment modifié par des projets et actions d’un genre nouveau : la collaboration avec les militaires français de l’ISAF, dont une des missions était, au-delà de la sécurisation de la province, la participation à des programmes d’amélioration des établissements administratifs.


Un repas à la « popote » du commandant du camp français (encore des bretons) pour envisager une étude des moyens et des techniques d’intervention en architecture, fut suivi dès le premier vendredi, d’un départ pour Istalif avec l’oncle Koko, et un groupe de militaires en escorte. Après la visite d’un chantier virtuel à Qarabagh , dans l’hôtel de police, son commandant retors, dans un bureau décoré de la  peau d’un « lion du Panshir », humour local, nous avons entamé la tournée des écoles à Istalif, sur la route ravinée par les pluies.Au déjeuner à la menuiserie, l'un des soldats -un photographe tout nouveau- pleurait d'émotion en voyant la beauté du site et le drame des ses habitants. C'était la période de floraison des arbres de Judée.

Arrêt à l’hôtel panoramique, transformé en caserne  (embrassade des militaires afghans dérangés dans leur sieste en terrasse); puis du tout-terrain dans un autre site pour un projet de « sous- gouvernorat » fort improbable au milieu des caillasses d’un cône de déjection, loin de toute piste, sauf à traverser un torrent, et juste sous le trajet des hélicos US entre Kandahar et le camp de Bagram. Deux frelons ou autre coléoptère noir à deux hélices passèrent à ce moment. À mon réflexe d’angoisse - une fois n’est pas coutume, l’adjudant  a soufflé, off : « nous aussi, quand on les voit, on a peur » ... 


Des cours et des escapades, enfin sans escorte ni chaperon, pour préparer l’expo de dessins au Centre Culturel : aucun problème. Les boutiques, le labo photo, les terrasses abritées, presque tranquille, et surtout sans burqa.
Essai peu concluant bien que des avantages soient certains: la protection anti-poussière l'anonymat. Des mendiantes restent assises au milieu des files de voiture
au risque de leur vie.  Certaines se cachent sous un simple tissu. Des gamins de plus en plus nombreux mendient et tentent de laver les voitures; la poussière se multiplie plus vite que les pièces.




La Vallée du Panshir
Une demande de rendez vous d’une Indienne sikh de Singapour (mais allemande !) au Bistro avec Ashmat et Catherine, enseignante bénévole de français, pour la traduction. Son projet de créer une fondation Massoud (même s’il en existe déja) a enclenché une première montée dans la vallée du Panshir, en famille, Koko, le cousin, les neveux.
Les restes de chars et les préposés à la détection des mines oubliées précèdent l’entrée du défilé quasi imprenable entre montagne et torrent, marqué par un  cocasse panneau interdiction de doubler, débouche sur un vaste dépotoir de chars russes en vrac. Un portrait géant de Massoud au flanc de la montagne domine l’entrée de la vallée. 


Une suite de villages au long de la rivière torrentueuse ( bains de pieds et chutes incontrôlées, la dame en vert fut un peu trempée) mène au village de Massoud puis à son tombeau. Déjà déplacé une fois et par chance non terminé, car la photo annonçait des vitrages, un aspect centre commercial. La structure de brique qui surmonte le tombeau suffit largement à l’échelle grandiose du site. Les chars abandonnés sur le promontoire font la photo pour quelques pélerins motivés. 






Ruines de ponts, de villages abandonnés et d’une prison, et, au détour du torrent, des pêcheurs de truite.
Deux semaines plus tard, autre excursion dans cette sublime vallée, cette fois avec Odile, la femme d’Ashmat en vacances de son emploi à Rennes, et ses cousins. Visite de la maison de Massoud (l’ancienne traditionnelle en terre et la nouvelle en terrasses arborées avec cascades et piscine -il fut étudiant en architecture-) donnant sur un éboulis du flanc opposé évoquant une tête de lion. Eau fraîche et au fond de la vallée, la piste pour le Nouristan aurait pu s’ouvrir. Pas de temps pour continuer. 


Le Salang Pass  






A défaut de pouvoir joindre Mazar el Charif, une sortie au-delà du tunnel de Salang  sur la route du nord, construite par les soviétiques : trente kilomètres de route sous voûte,  défoncés par des camions superbes, entre des congères et les restes des villages des ouvriers qui tombent en ruine, des pylônes sans câbles, pour descendre dans un site pour « touristes » locaux : sur le pont, des cadavres de moutons, puis des échoppes de fruits et brochettes ; des cabanons en plastique au dessus du torrent, froid glacial, mais nourriture délicieuse.






 De superbes cavaliers qui n’ont pas vu d’européens depuis un certain temps.. photos, photos, photos. 





























Les villages du retour par Charikar :  circulent là les  rickshaw couverts de tentes roses à petites ouvertures en forme de coeur destinés aux femmes, que l’on ne verra pas. 












Et la vie ordinaire reprend, les cours, les professeurs du Lycée Istikal font grève pour obtenir un salaire décent, à l’époque ils touchaient 50$ par mois...










Les fêtes de famille et d'amis ; un superbe concert de musique traditionnelle afghane au Centre culturel français, puis,  avant de partir, des tapis pour le souvenir,  des beaux kilims Balouch et ceux qui rappellent la guerre d’avant mais hélas toujours d’actualité avec leurs tanks grenades et kalachnikov. Des bijoux et des pakols pour les marchés de Noël à venir dans Chicken Street, la rue des boutiques tristement désertée par les acheteurs.


Quitter à regret des amis et une famille afghane chaleureuse qui continue, comme les autres, à tenir, avec des enfants en germe... Merci à Ashmat et Odile et toute la tribu. AK

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